« En désorganisant profondément le commerce mondial, la pandémie et la guerre russo-ukrainienne ont montré la dépendance de nos chaînes de valeurs par rapport à l’extérieur et relancé le débat sur la souveraineté économique et industrielle de notre pays », explique Emmanuel Guichard, délégué général de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA).

La flambée des coûts de l’énergie et des matières premières, autant que les perturbations des chaînes d’approvisionnement, ont conduit tous les secteurs à s’interroger sur leur niveau de dépendance extérieure et à réévaluer leurs stratégies de production et d’approvisionnement. « Cela a fait remonter un débat sur la souveraineté industrielle et productive », poursuit Emmanuel Guichard.

Fer de lance du « fabriqué en France »

Pourtant, la production de parfums et cosmétiques fait partie des rares à ne pas avoir été laminées par l’effondrement du secteur industriel en France au cours des 30 dernières années [1]. La filière cosmétique française étonne même par sa résilience. En une année, elle a été capable d’effacer totalement les effets de la pandémie sur ses exportations, en dépassant en 2021 le niveau de 2019 !

Malgré ces chiffres impressionnants, la filière cosmétique doit faire face à des concurrents de plus en plus ambitieux et les représentants de l’industrie ont choisi d’alerter les pouvoirs publics et les candidats à l’élection présidentielle sur l’importance de consolider sa compétitivité exceptionnelle. Selon la FEBEA, les cinq prochaines années seront décisives pour ancrer encore davantage la dimension stratégique du secteur cosmétique.

Le syndicat professionnel a donc saisi l’opportunité de la campagne électorale pour alerter sur le rôle stratégique que peut jouer l’industrie des cosmétiques dans la politique de redressement industriel. La FEBEA a publié 22 propositions à destination des candidats à la Présidentielle. Attractivité industrielle, compétitivité des entreprises, transition écologique, décarbonation, économie circulaire, protection du consommateur, emploi et développement des compétences forment le socle des positions que la fédération entend défendre tout au long de la prochaine mandature pour « faire du secteur cosmétique le fer de lance du ‘fabriqué en France’ ».

Sécuriser et renforcer les achats du secteur en France

Pour aller encore plus loin, la FEBEA a mandaté Strategy&, l’entité de conseil en stratégie du cabinet PwC pour réaliser une étude visant à identifier les opportunités de rapatriement de certains achats stratégiques en France.

« Contrairement à d’autres secteurs, la filière cosmétique n’a pas délocalisé la fabrication de ses produits, qui est massivement restée en France et en Europe. Mais, pour identifier d’éventuels points de dépendance il fallait considérer l’ensemble de l’écosystème », souligne Emmanuel Guichard.

L’étude a révélé que 83% du total des achats d’emballages et des matières premières réalisés par la filière parfums-cosmétiques sont « Made in Europe » : 71% des achats de matières premières et 88% des achats d’emballages sont sourcés en Europe.

Pour le syndicat professionnel, c’est une bonne nouvelle. « La souveraineté implique de pouvoir se sourcer auprès de différentes personnes, et ensuite que la sécurité des approvisionnements soit garantie, ce que l’on considère comme acquis au sein de l’Union européenne, et a fortiori sur le territoire national », explique le délégué général de la FEBEA.

Les différents segments d’achat de la filière, en matière d’ingrédients ou d’emballages, ont été minutieusement étudiés par Strategy&, dans le but d’identifier ceux présentant le plus fort potentiel de rapatriement (en fonction de critères quantitatifs et qualitatifs : volume d’achats, fort niveau de criticité, dynamique de l’offre et de la demande, identification des grands acteurs...). Au sein des matières premières, les extraits de plantes (végétaux) et les actifs issues des biotechnologies apparaissent ainsi comme stratégiques au moment où le marché demande des alternatives aux ingrédients de synthèse.

Selon la FEBEA, les résultats de l’étude constituent une première étape qui doit permettre de définir des pistes d’actions concrètes qui, dans une deuxième étape viendront nourrir les réflexions du comité de filière piloté par Bercy.

« À l’heure où les impératifs de réindustrialisation, de relocalisation et de souveraineté économique s’imposent dans le débat public et politique, les entreprises cosmétiques sont un atout pour notre pays. Qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, les entreprises cosmétiques, ont toutes pris conscience des efforts collectifs qu’exigera le développement du "Fabriqué en France" et proposent de s’engager dans une démarche pionnière en faveur du rapatriement de certains achats dans l’Hexagone. Elles proposeront des projets de rapatriement, avec le soutien nécessaire de l’État », conclut Emmanuel Guichard.