« Les fabricants d’emballages plastiques rigides et souples subissent depuis plusieurs semaines de fortes difficultés d’approvisionnement en matières premières », alerte Elipso, l’association professionnelle qui regroupe les industriels du packaging plastique en France. Ces problèmes concernent les principales résines plastiques vierges, comme le polypropylène (PP) ou le polyéthylène (PE), mais aussi des résines plus spécifiques comme certains ionomères (tels que le Surlyn) ou l’ABS (acrylonitrile butadiène styrène), également très utilisés pour la fabrication des emballages plastiques de cosmétiques.

Hausses de prix et pénuries

Selon Elipso, entre mai 2020 et février 2021, les prix du PP et du PE ont ainsi progressé de 30%. Quant à l’ABS, son prix a augmenté de plus de 60% en un an, selon Polyvia, l’Union française des transformateurs de polymères.

« En pratique, toutes les matières plastiques sont concernées », confirme Florent Tronquit, Vice-Président Supply Chain d’Albéa, le géant français de l’emballage beauté. « Mais au-delà, presque toutes les matières premières sont sous tension, y compris les métaux », ajoute-t-il.

« Nos fournisseurs enchainent les annonces de hausse de prix avec effet immédiat », témoigne également Vincent Joffre, Directeur Commercial chez PRP Création.

Une situation qui trouve son origine dans la crise sanitaire et les confinements de 2020 et la chute de la demande mondiale qui a suivi. « Certains producteurs de polymères, dont les stocks étaient alors importants, ont donc pris la décision logique de réduire leur production », explique Polyvia. Mais le redémarrage rapide de la Chine, déconfinée plus tôt que le reste du monde, a entraîné un rebond imprévu de la demande de polymères, associé une forte hausse des prix.

« Les flux de matériaux ont ainsi été massivement réorientés vers l’Asie », constate Rémi Weidenmann, Directeur exécutif du groupe PSB Industries Texen.

À cette situation déjà tendue s’est ajouté la désorganisation des chaines logistiques, se traduisant par une pénurie de containers et une forte hausse des coûts et des délais de transport. Enfin, plusieurs incidents sur des sites clefs ont entraîné des interruptions de production et des déclarations de « force majeure  ».

Trésoreries sous tension

Les transformateurs de plastique ont donc été confrontés à des annulations intempestives de livraisons et à de fortes hausse de prix. « Les fabricants d’emballages plastiques mènent un combat quotidien pour assurer les livraisons d’emballages pour leurs clients. Ils doivent en permanence réorganiser leurs plannings et process de production en fonction des dernières informations reçues, voire décaler les livraisons quand ils ne peuvent faire autrement », indique Françoise Andres, Présidente d’Elipso.

Pour l’instant, dans un contexte de demande encore modérée en Europe les producteurs de la filière cosmétique ont réussi à faire face. « Nous avons trouvé les matériaux dont nous avions besoin jusqu’à présent, mais nous avons été sur le point de suspendre quelques productions en janvier  », confirme Rémi Weidenmann. « Après la chute de la demande en 2020, dans un contexte de faible visibilité, nous avions, comme tout le monde, des stocks très réduits ».

« Nous avons pu honorer nos carnets de commandes car le marché des PET est un peu moins tendu. En revanche, la concrétisation du travail de recherche et de tests que nous avons réalisé sur des matériaux écologiques alternatifs est suspendue par l’absence de ces matières pourtant promues par les fabricants de polymères », complète Vincent Joffre.

Ces perturbations sur les matières premières interviennent au pire moment pour les fabricants européens de packaging, déjà fortement impactés par l’effondrement de la demande en 2020.

« La sécurisation de la production impose de relever le niveau des stocks, ce qui a un coût important à un moment où les trésoreries sont tendues », souligne Florent Tronquit. « Alors même que nous sentions, sur certains segments, la reprise s’accélérer, cette crise intervient clairement au mauvais moment », ajoute Rémi Weidenmann.

Besoin de visibilité

Dans ce contexte, les syndicats professionnels, Elipso comme Polyvia, demandent aux fabricants de polymères de faire preuve de totale transparence afin de garantir la visibilité dont les producteurs d’emballages ont besoin sur les disponibilités et les livraisons de résines. Avec un sous-entendu majeur : la déstabilisation des marchés ne doit pas être amplifiée par des acteurs soucieux d’augmenter leurs marges. Pour Polyvia, la situation actuelle rappelle le précédent de 2015, lorsque les fournisseurs de matières premières ont été accusés de profiter d’une « pénurie momentanée » pour imposer des contrats « sans possibilité de négociation ».

Du côté des transformateurs on appelle aussi à davantage de solidarité au sein de la filière. « Chez Albéa, nous échangeons en permanence avec nos fournisseurs et nos clients, dans un contexte où les prévisions sont particulièrement incertaines », indique Florent Tronquit. « Le mouvement général est de ne pas vouloir trop s’engager sur l’avenir, on est dans une phase de prise de conscience de l’enjeu de la part des différents acteurs ».

« D’une manière générale, nous avons beaucoup moins de visibilité qu’auparavant, avec des prévisionnels plus courts et moins précis », constate Vincent Joffre. « Nos clients semblent vouloir resserrer leurs gammes pour se centrer sur les blockbusters, cela pourra fluidifier la reprise », ajoute-t-il.

« Plus nous aurons de visibilité sur nos futures commandes, plus la situation sera gérable », explique, de son côté, Rémi Weidenmann. « Nous nous réjouissons d’avoir mené à bien la réorganisation du groupe et d’avoir donné à Texen une organisation mondiale nous offrant une vision du marché cruciale dans la période actuelle ».

Si les incertitudes concernant l’apparition de variants du virus et la vitesse des campagnes de vaccination, rendent les prévisions difficiles, Polyvia s’attend toutefois à un apaisement des tensions sur plusieurs marchés, notamment avec la montée en puissance de la production en Asie. À suivre !