Portés par l’urgence d’agir face à l’effondrement de la biodiversité et le péril de leurs vies - certains changements sont déjà irréversibles, a déclaré le GIEC [1] - ils apparaissent sans concession et demandent une transformation profonde de la société. Ainsi que de vrais projets d’entreprises allant au-delà du développement durable, pour contrer l’impensable. L’action est d’ailleurs ‘La’ solution pour sortir des théories de l’effondrement (‘collapsologues’) ou autre sinistrose.

L’engagement écologique à 360° des entreprises devient une question de (e)réputation, pour des acheteurs toujours plus exigeants. (Photo : © Biglike Images / shutterstock.com)

Réjouissons-nous : chaque jour, de nouvelles initiatives porteuses de sens et d’engagement éclosent, dans tous les secteurs : le système de consigne Loop / Terracycle (partenariat Carrefour en France), Patagonia, entreprise à mission, qui ferme ses magasins les jours de mobilisation internationale pour le climat, afin d’inciter ses salariés et clients à s’y rendre (campagne « Facing Extinction »), Stella McCartney qui fait poser des membres « d’Extinction Rebellion » pour sa dernière communication, Danone qui fédère 19 entreprises autour de « One Planet Business for Biodiversity » [2], etc.

Parmi les signaux faibles à considérer, le refus de certaines marques créées par des Millennials de faire du chiffre d’affaires dénué d’éthique et contribuant à polluer la planète. En témoigne Merci Handy, dont le fondateur Louis Marty a dit ‘Non !’ à un grand distributeur international qui souhaitait la création de mini gels douches à petits prix (= plastique et produits anti-écologiques vs le savon). Idem pour être référencé par la première entreprise de box beauté américaine (seuls 15% des produits reçus seraient utilisés = gâchis). Quant aux fondatrices d’Aroma-Zone, Anne-Cécile et Valérie Vausselin, elles ont choisi une croissance d’entreprise mesurée, consolidant avant tout leur développement en France et y rapatriant le plus possible leurs productions (hors matières premières endémiques) [3].

D’autres font le choix :

1. de ralentir la cadence des lancements produits (« Ne comptez pas sur nous pour sortir des nouveautés tous les deux mois, c’est anti DD ») [4]
2. de ne plus en fournir certains temporairement, lorsque la saison de production est terminée (Alors ça pousse, marque labellisée Slow Cosmétique qui fait des éditions limitées, avec cueillette et transformation manuelles de ses plantes issues de leur jardin en permaculture - le sujet montant, Oden pour son huile de Mirabelle)
3. de supprimer les emballages polluants (On the Wild Side, aux ingrédients issus de cueillette sauvage, a des flacons en verre et des étuis en carton tous recyclables, Demain Beauty, « voulant avoir un impact positif pour la peau et la planète » annonce des packagings recyclables - seul le bouchon est en plastique).

C’est un fait : les startupers inventent une autre cosmétique. Ils pensent packagings biodégradables, ré-utilisables ou recyclables (Ioumi-Provence), formules sans impact négatif pour les nappes phréatiques, produits ultra-frais (Freedge), solides (Lamazuna, Pachamamaï), zéro déchets, avec système de consigne (Biotanie crédite 5 euros pour tout contenant vide renvoyé, CoZie), en circuit court (Les Candides).

Toutes les catégories sont concernées. Et cette formidable dynamique ‘green & clean’ s’est transmise aux grands acteurs de la beauté. Après le soin, le maquillage se rend visible avec de nouvelles propositions (les rouges à lèvres Le Rouge Français, aux formules issues de pigments végétaux et dans des étuis en cuir de pomme, All Tigers, Narcissea, Kiko Green Me collection, L’Essentiel de Guerlain, qui rappelons-le a osé lancer sa plate-forme de transparence Bee Respect). Le capillaire est bien sûr de la partie (‘Sustainable beauty for hair’ clame Davines, certifié B-Corp, Shaeri, Herbal Essences, certifiés EWG, Source Essentielle L’Oréal…).

La prochaine ‘révolution’ sera la ‘clean parfumerie’, avec des entrants en 2020, comme Floratropia, parfumerie naturelle & responsable, qui ’ensauvage le parfum’. Et des marques déjà visibles comme pH fragrance, qui a réussi à faire avec Givaudan des produits "Clean Home Care" et "Clean Personal Care" - soit conçus uniquement avec des matières premières naturelles, 100 Bon qui accroit sa distribution. D’autres comme Ormaie travaillent même leurs flacons dans le respect de l’environnement.

Car après les ingrédients, le secteur sous les feux de la rampe des consommateurs est bien entendu le packaging. L’accélération est indéniable. En six mois, marques et fournisseurs se mobilisent pour trouver des solutions alternatives au plastique (même si le recyclé est un énorme pas : Unilever, L’Oréal - qui a par ailleurs investi dans Carbios- L’Occitane se sont engagés à utiliser 100% de plastique recyclé d’ici 2025, Chanel a investi dans Sulapac, 100% des packs Guerlain seront éco-conçus en 2020, etc.). Aux yeux des utilisateurs, cela reste du plastique et ce matériau n’est pas recyclable indéfiniment. L’étau se resserre d’autant, qu’en plus de la transparence, une grande cohérence est demandée. Aussi il apparaît antinomique pour les clients adeptes du naturel et du bio d’acheter leur produit dans un contenant en plastique [5]

Lors de la Journée de la Beauté du CEW France le 25 juin 2019, Arnaud Meysselle, le CEO de Ren Clean Skincare, a annoncé : « Pour les marques qui ne prennent pas maintenant le tournant du développement durable, dans deux ans, il sera trop tard  » (i.e. elles seront dépassées). Ren, qui a propulsé le slogan : ‘Grey is the new green’, est devenue la marque emblématique du groupe Unilever en termes de tractions clients et d’image de marque vertueuse. Elle a, par exemple, conçu un flacon avec TerraCycle entièrement recyclable car ne contenant aucun métal et composé de 20% de plastique récupéré dans l’océan, 80% de plastique recyclé à partir de bouteilles. Dans le viseur d’ici 2021 : zéro déchet.

Ce qui change tout, est que l’engagement écologique à 360° des entreprises devient une question de (e)réputation, pour des acheteurs toujours plus exigeants.

Demain, l’écologie sera aussi importante que l’enseignement des maths et le développement durable fera partie de l’identité des jeunes (cf. Muse School de Jeff King, Californie). La RSE est ce que le digital était il y a 10 ans+ : incontournable, devant être placée en pivot central de l’intégralité des services de l’entreprise, de l’amont à l’aval.

Bien au-delà du green, du ‘clean’ (ce dernier sera un standard de marché, ce n’est plus un ‘sujet’ en prospective), la cosmétique de demain est celle qui osera poser des actes forts, affirmer ses choix, communiquer et fédérer sur ses engagements. En d’autres termes, être une ‘Sustainable brand’, incarnée par son fondateur ou Président, rayonnant en premier lieu dans son entreprise pour pouvoir porter ses convictions auprès du public, avec 0 green washing. Economie circulaire et ‘décarboner’ en ligne de mire.

« Chacun d’entre nous a le pouvoir de changer le monde. Chacun d’entre nous a un rôle à jouer. Il est trop tard pour être pessimiste. C’est maintenant qu’il faut agir parce qu’agir rend heureux », Jane Goodall et Yann Arthus-Bertrand