Les progrès de la médecine nous ont fait prendre conscience des dangers des bactéries qui peuvent provoquer des angines, des gastro-entérites ou le choléra. Mais toutes ne sont pas pathogènes, et certaines peuvent même être bénéfiques

Il existerait mille milliards d’espèces de micro-organismes quand on ne compte que dix millions d’espèces animales. Ils sont absolument partout : dans l’air, dans le sol, dans l’eau. Mesurant entre un et dix microns, ces organismes unicellulaires « régulent les écosystèmes, modulent les flux de carbone et d’azote, produisent la moitié de l’oxygène disponible, forment des symbioses avec tous les êtres vivants, protègent des microbes pathogènes, facilitent l’absorption des nutriments, instruisent le système immunitaire et régulent quantité de paramètres physiologiques », écrit le bimestriel Socialter. Et depuis quelque temps, les bactéries sont cultivées pour répondre à de nouveaux besoins et même nous aider à réduire notre empreinte environnementale.

Microbiote et fermentation

La réhabilitation a commencé par le microbiote. Soudain, il est devenu passionnant de s’intéresser à la vie intérieure de nos intestins et à ces micro-organismes sans qui nous aurions des ballonnements, des flatulences ou un transit sérieusement perturbé. Les bactéries, qui sont à la base du principe de fermentation, ont donné une nouvelle jeunesse à des aliments comme les yaourts, les cornichons, ou la choucroute.

Lors de la fermentation, les micro-organismes consomment le sucre et l’eau contenus dans les aliments. En se multipliant, ces êtres vivants microscopiques vont changer le goût mais aussi la texture et même la couleur d’un produit alimentaire. Ils sont aussi capables d’augmenter la teneur en vitamines B et C, mais aussi en zinc et en fer, des aliments, et même de rendre les protéines plus digestibles.

L’été dernier, des chercheurs américains de la Stanford School of Medecine ont découvert qu’un régime enrichi en aliments fermentés durant dix semaines augmentait la diversité du microbiome et qu’on pouvait même maintenir son poids, réduire les risques de diabète et de cancer ainsi que les maladies cardiovasculaires. Il faudrait ingérer jusqu’à six aliments du genre pour profiter des effets bénéfiques. Les bactéries sont en fait indispensables à notre alimentation car les produits fermentés composent 5 à 40% de l’alimentation humaine, selon les cultures culinaires.

Il y a cinq ans, une étude de BIS Research estimait que le marché des ingrédients fermentés pèserait 888,76 milliards de dollars à l’horizon 2023.

Les industriels travaillent depuis plusieurs années déjà sur des innovations alimentaires peuplées de "bonnes" bactéries. Prenons l’exemple du jus de cornichons développé spécifiquement pour les sportifs par la marque américaine Pickle Juice Company, qu’elle a présentée lors du salon international des innovations alimentaires à Paris en 2018. De son côté, la marque coréenne Ligaro avait transformé son kimchi - une préparation iconique de la K-cuisine à base de chou et de piments, en... confiture !

Des bactéries dans les cosmétiques ?

Mais les microbes ne se nichent pas seulement dans les assiettes. Ils s’infiltrent aussi dans les crèmes antirides, les sérums hydratants et le reste de la panoplie beauté. Les marques de cosmétiques se sont en effet rendu compte que le processus de fermentation pouvait aussi leur être utile : en laissant proliférer ces organismes microscopiques, on obtiendrait une meilleure concentration en nutriments et en antioxydants. En fait, les actifs seraient boostés par a fermentation. Dans un rapport récent, l’analyste américain WGSN a donc misé tout naturellement sur la beauté fermentée comme tendance devant exploser en 2022.

Innovations biotechnologiques …

Les bactéries sont un des vecteurs principaux du développement des biotechnologies et les applications en sont innombrables. Récemment, des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), au Québec, ont travaillé sur des molécules produites par des bactéries capables de tuer... d’autres bactéries. Une découverte qui pourrait très bien prendre la forme d’un futur savon, capable de remplacer les détergents ou les gels hydro alcooliques actuels…

Les bactéries peuvent encore aider à transformer les gaz à effet de serre en flacons pour shampooings ou en éthanol pour parfums, ou même en lunettes, sacs, et autres pochettes de luxe pour smartphones et ordinateurs portables.