Fini, les testeurs à disposition et les vagabondages olfactifs en solitaire, il faut désormais s’adresser à un vendeur pour sentir un parfum. Masques et distanciations sociales affectent eux aussi l’expérience shopping. Un contexte qui a largement favorisé l’émergence du digital. « Le rebond sur internet nous a sauvés. L’appétence du public nous a amenés à nous réinventer via le digital », explique François Hénin, fondateur de l’Ambassade des Parfums Rares Jovoy.

Mais tout cela ne semble pas avoir trop gravement altéré la curiosité des perfumistas. « Il y a ceux qui souhaitent racheter leur parfum, mais aussi les passionnés à l’affût de nouveautés, dans un contexte au ralenti, propice à la découverte », poursuit François Hénin. Un appétit que les marques et les médias s’efforcent d’entretenir autour de nouveautés parfois uniquement disponibles en ligne, tandis que les jeux-concours se multiplient sur les réseaux sociaux.

La box : vecteur majeur de découverte

Mais « ce sont surtout les box, véritables tremplins pour les nouveautés, qui, soutenues par l’envoi régulier de newsletters, ont remporté l’adhésion du public », enchaîne François Hénin, « un coup de coeur entraînant souvent l’achat d’un flacon en ligne ». Une manière, pour Jovoy, de transposer sa politique généreuse en termes d’échantillons, à la sphère digitale. Un véritable atout en cette période complexe pour les points de vente, rythmée par les confinements et autres mesures restrictives. Dans cette optique, Jovoy a donc aussi développé des box par thématiques (saisonnières, matières, événements).

Mode de découverte plus intime et serein, les box ont en effet le vent en poupe. Les ventes de celles du site Auparfum ont par exemple « augmenté de 20% par rapport à l’an dernier, abonnements et vente à l’unité confondues », précise Lucile Rives, de l’équipe Nez. La boutique en ligne du site (shop.bynez.com), qui propose des livres, des bougies et des jeux, a d’ailleurs vu, globalement, ses ventes progresser de 40% si l’on compare aux chiffres de 2019.

Innover et surprendre

« Il faut continuer de surprendre et d’innover, même en ligne », assure François Hénin. « Nous glissons par exemple au sein de nos box des touches parfumées où seront mentionnées diverses informations sur chaque parfum, dont la pyramide olfactive. L’idée est que le public s’amuse ». Pour réenchanter l’achat en ligne, Jovoy propose aussi différents gifts with purchase. Des petits cadeaux en tout genre pour l’achat d’un flacon de 100ml, qui vont des doses d’essai de la lessive parfumée pH Fragrances, à la fiole d’absolue de vanille de Nosy Be des Parfumeurs Sans Frontières, en passant par un 15 ml d’une nouveauté à découvrir chez BDK. Un exercice auquel les marques se prêtent volontiers pour gagner en visibilité.

Les nouvelles expériences virtuelles sont aussi les bienvenues. Parce que les informations glanées dans la presse ne suffisent pas aux amateurs de parfum, les lives Instagram et autres vidéos se développent beaucoup. « Nous allons donc organiser un concours en ligne, où les plus belles descriptions des internautes figureront sur notre site et leur permettront de gagner un flacon », s’enthousiasme François Hénin.

Pour contourner les désagréments liés aux règles de distanciations sociales en boutique, Jovoy propose des consultations privées en petit comité (deux à trois personnes.). L’occasion d’offrir un moment privilégié aux clients qui apprécient cette bulle luxueuse, tout en compensant la baisse de trafic physique. Outre atlantique, LuckyScent propose d’ailleurs de prendre rdv pour profiter pleinement d’un conseil en boutique. « Des initiatives qui poussent les concept-stores à développer de nouvelles compétences analytiques, afin de fidéliser la clientèle », explique François Hénin.

Les marques et les grands groupes ne sont pas en reste. Puig multiplie notamment les initiatives innovantes pour réenchanter l’expérience shopping en boutique. Afin de respecter les règles sanitaires, le groupe a développé un outil dérivé de Wikiparfum, AILICE, permettant de visualiser une fragrance avant de la sentir, à l’aide d’un QR code via le smartphone du client. En scannant le flacon ou l’emballage d’un parfum, AILICE analyse automatiquement les informations et récupère le contenu pertinent dans une base de données de parfums (famille olfactive, principaux ingrédients etc..). Cette nouvelle technologie a, pour l’instant, été initiée dans les boutiques Penhaligon’s au Royaume-Uni et en Asie.

Dans cette même optique, Puig a collaboré avec Air Parfum pour mettre en place un diffuseur restituant parfaitement la complexité d’un sillage. Un outil qui a permis de faire découvrir la PaCollection de Paco Rabanne comme en “3D”, au Séphora de la Défense au durant l’été 2020.

En Amérique du Sud, Natura a récemment équipé ses boutiques de tablettes odorantes MultiScent 20. Une technologie développée par la startup brésilienne Noar et qui est maintenant proposées dans le monde entier par le groupe Orlandi.

Il y a fort à parier que ce type de technologies fasse partie intégrante du shopping parfum de demain. Conscients de ces enjeux, les organisateurs du salon PCD à Paris, en partenariat avec le groupe Coty, ont d’ailleurs fait plancher les étudiants de l’ESEPAC et de l’ESP sur des solutions innovantes de testing parfum. Les revues curatrices, comme Nez, les sites et les blogs dédiés au parfum, tout comme les box et les sets d’échantillons seront sans doute de plus en plus plébiscités par le public pour découvrir une fragrance. Reste à savoir comment le contexte impactera la création mais aussi, à terme, le rapport au parfum.