Le marché de l’hygiène-beauté en GMS représente 6,4 milliards d’euros (sur la période mai 2024 à mai 2025). Mais le rayon est en déclin depuis plusieurs années et a encore reculé de 2,1% en volume sur les 12 derniers mois de l’année, à fin mai 2025, selon Circana. « L’hygiène-beauté en GMS est marquée par une déconsommation continue depuis une décennie », souligne Valérie Locci, experte hygiène-beauté en grandes surfaces alimentaires (GSA) chez Circana.
La crise inflationniste de 2021 à 2023 n’a pas arrangé les choses. Dans un contexte de budget tendu, « les ménages ont dû arbitrer, au détriment de l’hygiène-beauté, et plus encore au détriment des cosmétiques bio », explique Valérie Locci.
Après une phase de forte croissance, les ventes de cosmétiques bio ont connu une vraie rupture à partir de 2023 avec une chute de -5% en volume, qui se poursuit depuis (-13% en 2024 et -12,6% sur les douze derniers mois jusqu’en mai 2025, selon Circana).
L’assortiment en rayon se réduit également : -5,5% en 2023, -13,3% en 2024 et -13,8% en 2025, selon les données de Circana. Les déréférencements se sont multipliés depuis trois ans. « Il est vrai qu’une clarification de l’offre était nécessaire pour ne pas perdre le consommateur, mais aujourd’hui, la réduction est forte et pourrait fragiliser ce marché », alerte Valérie Locci.
Une combinaison de facteurs défavorables
La sous-représentation de l’offre des cosmétiques bio en GMS est bien présente dans l’esprit des consommateurs : 22% trouvent qu’il y a trop peu de choix (+6 points par rapport à 2021) et 9% déclarent qu’il est difficile de trouver les produits en magasin, selon une étude Harris Interactive pour Léa Nature.
Par ailleurs, 11% des consommateurs disent ne pas comprendre les bénéfices du bio. Et pour nombre d’entre eux, la distinction entre bio et naturel reste floue. « 27% des consommateurs pensent que l’offre naturelle est forcément certifiée bio, et 36% estiment que les ingrédients des produits naturels sont bio », explique Marianne Dupuch-Guillois, directrice générale déléguée de la B.U. Cosmétique du groupe Léa Nature.
Le prix reste un frein majeur : 50% des consommateurs n’achètent pas ou peu de produits de grande consommation bio car ils sont plus chers (+7 points par rapport à 2021) [1]. « La MDD bio tire son épingle du jeu car elle permet aux consommateurs d’accéder au bio à un prix qu’ils jugent plus juste », déclare Valérie Locci.
Parallèlement, le regroupement des achats aggrave la situation, notamment pour les TPE et PME qui négociaient directement avec les enseignes ou les centrales régionales. « Ces dernières n’ont plus le temps pour les négociations en direct et nous sortent donc du circuit », explique Marion Rebaud, responsable des opérations commerciales pour Bio Bretagne Océan, Laboratoire Uspalla. « Dans le même temps, les livraisons des grandes marques et des MDD, gérées par les centrales, continuent d’arriver en magasin, sans que les ventes suivent toujours. Ce qui empêche d’autres marques d’être référencées ou de développer leur gamme », ajoute-t-elle.
Repositionnements
Avec 400 références actives, So Bio Etic, la marque non-alimentaire du groupe Léa Nature, couvre toutes les catégories et a maintenu sa présence en GMS. Un maillage qui a permis de limiter la casse. De décembre 2024 à juin 2025, quand la cosmétique bio reculait de 14% en valeur, So Bio ne cédait que 3,7%. « Les ventes se sont stabilisées en mai 2025, et ont enregistré +5,8% en juin 2025 », indique Marianne Dupuch-Guillois.
Léa Nature, qui a récemment réorganisé la direction de sa Business Unit Cosmétique, mise sur l’innovation et des produits accessibles et rassurants.
Distribuée dans l’ouest de la France, Bio Bretagne Océan en revanche, a vu son réseau passer de 120 à 80 magasins, avec en prime une profondeur d’offre réduite. « Je concentre actuellement mes investissements sur une deuxième marque, Passion Marine, vendue dans des boutiques spécialisées en bord de mer. Le site e-commerce BtoC lancé il y a un an nous permet de réaliser de belles marges. Le façonnage fait aussi partie de notre modèle économique », explique Marion Rebaud.
Virage stratégique également pour Pulpe de Vie. « Ce n’est pas la première fois. Cela prouve l’agilité de l’entreprise », indique Julie Ducret, fondatrice de la marque. Après s’être longtemps interrogée sur le circuit des officines, la dirigeante revient à ses premières amours en se concentrant sur le réseau des grandes enseignes bio, avec une offre visage moderne et sensorielle.Pulpe de Vie a ainsi opéré un repack complet : nouveau logo, nouvelles couleurs et design minimaliste, plus en phase avec les codes du marché et les attentes consommateurs. « Parallèlement, nous avons modernisé notre site e-commerce avec un diagnostic beauté en ligne. En deux ans, nous avons doublé notre chiffre d’affaires sur le web. Enfin, l’export fait partie de nos priorités, notamment pour notre gamme hygiène, très demandée », précise la dirigeante.
Pour Circana, la cosmétique bio a des atouts à valoriser. « Il faut mettre en avant la composition, l’origine des ingrédients, mais aussi l’efficacité, le plaisir et le confort d’utilisation », indique Valérie Locci. « L’avenir de la cosmétique bio en GMS pourrait s’éclaircir d’ici un à deux ans, à l’image de la tendance observée dans l’alimentaire », poursuit-elle. Mais les défis restent nombreux : « stopper la diminution de l’offre, travailler le rapport bénéfices/prix et communiquer de manière simple et accessible ».
























