Après la période d’euphorie post-Covid, marquée par une croissance à deux chiffres en Amérique du Nord et en Europe et portée notamment par les segments du maquillage et du parfum, le marché français de la beauté de prestige est entré en 2024 dans une phase de ralentissement marquée.

Le premier trimestre 2025 indique aujourd’hui une rupture de la dynamique avec un recul de -2% en valeur, contre une croissance qui se maintenait encore à +8% sur la même période de janvier à Mars 2024.

« La période de Noël 2024 n’a pas été très bonne, contrairement aux années précédentes. Aujourd’hui, les inquiétudes sur le ralentissement du marché français sont très claires car cela touche toutes les catégories », confirme Mathilde Lion.

Le parfum, traditionnel pilier du segment, résiste légèrement mieux avec -1% en valeur et -4% en unités, mais la surprise vient principalement de la catégorie maquillage qui progressait encore de +15% début 2024 et chute désormais à -4% en valeur et -5% en unités. Le soin, quant à lui, représente la catégorie la plus impactée avec un recul de -5% en valeur et -9% en volume. Seule la partie capillaire, marginale en taille, connait une croissance de 25% en valeur et 17% en unités.

Le recul du marché se vérifie quel que soit le mode de distribution puisque les magasins physiques affichent -2%, alors que le e-commerce reste stable globalement à +1%, grâce notamment aux parfums qui progressent de +7% sur ce canal.

Dans le parfum, polarisation entre ultra-luxe et accessibilité

Certains segments tirent encore leur épingle du jeu. Dans la catégorie parfums, c’est le cas des féminins qui résistent mieux que les masculins, ainsi que des coffrets qui continuent de performer à +8%. « Cela fait apparaitre une problématique de prix avec une tendance encore forte sur les promotions », indique l’experte.

Notons également que les extraits et parfums aux concentrations élevées continuent de progresser à +18%, mais également les body sprays (+43%) ou les parfums pour cheveux (+5%).

« Cette divergence de choix des consommateurs traduit une double tendance. D’un côté, une clientèle prête à investir dans des produits plus luxueux avec plus d’intensité, et de l’autre, une cible plus jeune ou plus sensible au prix, qui se tourne vers des formats accessibles comme les body sprays dont le prix moyen est de 23 euros, contre 110 euros pour un extrait », souligne Mathilde Lion.

Par ailleurs, les Eaux de Toilette poursuivent leur recul avec -12% cette année, et les Eaux de Parfum ne progressent plus pour la première année.

Retournement marquant du maquillage

Auparavant moteur du marché de prestige, le maquillage est désormais en repli, hormis quelques segments. Celui du teint, en progression ces dernières années, connait un renversement de tendance avec -7%. Seules les crèmes teintées (+9%) et les accessoires continuent de progresser. Le segment des lèvres reste légèrement positif tiré principalement par les produits hybrides (baumes, huiles, liners), alors que les rouges à lèvres sont en recul.

Plus surprenant encore, anticernes et highlighters, très plébiscités ces dernières années conformément à la tendance de routines plus légères et naturelles, reculent respectivement à -14% et -28%.

« Le grand changement par rapport à 2024 est que la catégorie était extrêmement portée par les MDD et marques exclusives, montées en puissance ces dernières années au dépend des acteurs historiques. Aujourd’hui, elles connaissent un recul de -4% sur le maquillage », ajoute Mathilde Lion.

Le soin à la peine

Dans la catégorie soin, tous les segments sont en recul à l’exception là encore des coffrets (+7% en valeur), et des soins corporels techniques (déodorants, sérums), qui connaissent une progression à deux chiffres, illustrant l’attention à de nouvelles gestuelles et galéniques en soins du corps.

Du côté des produits visage, les seuls segments en croissance sont les démaquillants (+5%), les toniques clarifiants (+3%) et les soins pour les lèvres non teintés, qui s’envolent à +26%.

Royaume Uni et Europe du Sud toujours en dynamique

Au niveau régional, la croissance européenne reste positive à +3% en valeur au premier trimestre, contre +10% en valeur sur la même période en 2024. Cela s’explique par la décroissance, particulièrement visible en France, mais aussi en Allemagne qui recule à -4%, et à l’inverse des dynamiques positives du Royaume-Uni, de l’Espagne et de l’Italie.

Hors Europe, le marché américain ne connait qu’une légère progression à +1% au premier trimestre.

« L’année 2025 s’annonce délicate pour les marques et les enseignes de la beauté de prestige. Si certaines poches de croissance subsistent, l’enjeu va être de réengager le consommateur en réaffirmant la valeur ajoutée du prestige face à une consommation alternative. Dans un contexte économique difficile, la problématique du prix reste importante tout comme la concurrence d’autres secteurs et autres plateformes de consommation. Nous remarquons par exemple, que sur le marché français certaines enseignes comme Rituals, Adopt ou Aroma Zone progressent fortement », déclare Mathilde Lion.

La spécialiste invite néanmoins à nuancer la portée de ce recul. « Si le marché français du prestige recule de -2% en ce début d’année, il reste quand même en nette progression par rapport à trois ans en arrière, soit +17% versus le premier trimestre 2022. Le secteur a connu de telles progressions ces dernières années que la situation d’aujourd’hui se stabilise », souligne-t-elle.