Explosion des places de marché
« La transformation digitale de nos clients est devenue une évidence », explique Philippe Corrot, cofondateur de la licorne française Mirakl, en plein boom avec sa solution logicielle de création et gestion de places de marché sur internet (marketplaces en anglais). Si plusieurs de ses partenaires ont été impactés par la crise, 2020 a malgré tout été une année faste pour l’entreprise, qui s’achève avec l’annonce du lancement d’une place de marché pour le géant du bricolage Leroy Merlin.
Quel que soit le secteur, les places de marché permettent de proposer « une offre quasi illimitée » grâce aux produits proposés par des vendeurs extérieurs. Comme ces derniers vendent directement aux clients, les distributeurs n’ont pas à gérer ces stocks.
« Quasiment toutes les enseignes, (...) qu’elles soient en ligne ou non à l’origine, sont en train d’ouvrir des marketplaces », observait au début de l’automne Edouard Nattée, directeur général de Foxintelligence, qui mesure l’activité des entreprises de e-commerce. Dans le secteur cosmétique, c’est notamment le choix fait par le groupe Douglas, un acteur majeur de la distribution sélective en Europe.
Magasins « augmentés »
Tout au long de l’année 2020, les inquiétudes sanitaires, les appels à limiter les déplacements et les différents confinements ont rudement mis à l’épreuve le modèle du magasin « en dur ». En France, lors du second confinement du mois de novembre, la chute des ventes a atteint 79% pour la beauté, malgré le développement du click&collect.
Malgré un attachement affirmé aux commerces physiques, « les clients n’ont pas encore suffisamment retrouvé le chemin de leurs commerces », relevait fin décembre l’association de fédérations du commerce Conseil du commerce de France (CDCF).
Pour les faire revenir, certaines enseignes tentent de réinventer leurs boutiques. C’est le cas de Go Sport, qui vient de rouvrir un de ses magasins emblématiques place de la République à Paris : son président Philippe Favre veut en faire « un espace d’expertise et de conseil », via la formation de certains salariés « comme coaches sportifs » par exemple. Une piste d’athlétisme de 30 mètres est aussi en construction. Objectif : « que les clients se sentent dans un environnement sportif » et que le magasin « complète le numérique ».
Les clients aujourd’hui « vont prendre beaucoup d’informations en amont sur le web, seront nombreux à passer en magasin pour échanger avec les vendeurs, voir les produits, avant de retourner sur le site pour finaliser les commandes », abonde Akim Denora à Leroy Merlin.
Seconde main en force
Ikea, Zalando, La Redoute, et même Auchan : de nombreuses enseignes se sont mises en 2020 à l’offre de seconde main, notamment dans le textile où la pression est forte avec l’engouement pour le site spécialisé Vinted. « Il semble que ce soit une tendance qui change l’industrie et qui persiste », expliquait fin octobre le PDG de ce dernier, Thomas Plantenga, à l’AFP. « Que les gens sentent que l’industrie a besoin de changer, qu’elle a besoin d’être plus circulaire, cela bénéficiera à la société ».
Engagement éthique, mais aussi arbitrage économique sont les clés de cet engouement, particulièrement vif parmi les plus jeunes. Cela profite au site français Le Bon Coin, mais aussi aux vendeurs en ligne : la place de marché numérique Rakuten a noté dès le 25 décembre « plus de 300.000 nouvelles annonces » de cadeaux revendus en une matinée en France. Même constat chez le concurrent eBay avec « 600.000 annonces liées à la revente des cadeaux de Noël » en une journée.
Prime à la proximité
Enfin, le « localisme », la préférence pour les produits fabriqués localement, mais aussi pour les petits commerce de proximité, a connu un véritable boom à l’occasion de la crise sanitaire.
« La production de biens de consommation pour une valeur de près de 5 milliards d’euros pourrait être relocalisée en France au cours des douze prochains mois », estimait dans une étude mi-novembre le cabinet de conseil en transformation d’entreprises Alvarez & Marsal.
Les raisons de cette montée en puissance ? D’une part, éviter les ruptures de chaînes d’approvisionnement lointaines, davantage soumises aux aléas diplomatiques et sanitaires (fermetures des frontières, droits de douanes...). D’autre part, répondre aux préoccupations de consommateurs désireux de soutenir les producteurs locaux. C’est notamment perceptible pour les achats alimentaires, selon une autre étude réalisée par Accenture et SAP : les circuits courts, comme l’achat direct aux producteurs ou les commerces de proximité, ont tiré leur épingle du jeu en 2020.
Selon la société d’études GlobalData, l’attitude des consommateurs a fortement changé pendant la pandémie, plus de 50% des personnes interrogées affirmant accorder plus d’importance à l’origine locale des qu’avant l’épidémie.