Sénescence, autophagie et vieillissement de la peau

La sénescence se définit comme une perte progressive des fonctions de l’organisme. Selon le Pr. Gérald E. Pierard de l’Université de Liège « la sénescence cutanée qui est le reflet global de l’influence de nombreux facteurs intrinsèques et extrinsèques peut se décomposer en sept types (chronologique, actinique, génétique, endocrinienne, catabolique, addictive et gravitationnelle)  ». Les cellules sénescentes s’accumulent au niveau de la peau, mais tout l’organisme est concerné.

De son côté, le Pr. Judith Campisi du Buck Institute for Research on Aging s’intéresse avec son équipe à la question de savoir quand et où commence la sénescence et quels en sont les mécanismes associés. « C’est un processus très complexe dont une partie s’explique par la sécrétion par les cellules sénescentes de nombreuses cytokines pro-inflammatoires, facteurs de croissance et protéases que l’on a appelé SASP pour Senescence Associated Secretory Phenotype » explique-t-elle.

Des modèles de peau constitués de fibroblastes, de kératinocytes ou de mélanocytes sont, par ailleurs, très utilisés pour étudier le vieillissement. C’est ainsi que le Dr. Martine French du laboratoire d’Hématologie des Hospices civils de Lyon a montré que dans les fibroblastes sénescents, la taille et le nombre des vacuoles d’autophagie augmentent par rapport à des fibroblastes jeunes. Au niveau des kératinocytes, c’est le niveau de l’activité autophagique qui détermine la mort cellulaire et pour les mélanocytes, la diminution de leur activité avec l’âge conduit à des défauts de pigmentation et à une perte d’efficacité de l’homéostasie tissulaire. « Après 30 ans, il y a perte de 8 à 10% de l’activité des mélanocytes par décades d’où l’apparition des cheveux blancs, du lentigo sénile, de l’hypomelanosis » explique Corinne Bertolotto de l’Inserm U1065 de Nice.

Enfin, le vieillissement peut aussi être observé au niveau de la mitochondrie (Dr. Carine Nizard, LVMH Recherche) ou bien au niveau de la matrice extracellulaire dont la structure est modifiée avec l’âge (Dr. Sylvie Brassart-Pasco, CNRS - Laboratoire de Biochimie Médicale et de Biologie Moléculaire).

Retarder ou contrer le vieillissement ?

Dans ce contexte, quelles sont les voies vers un vieillissement « optimal » ou même vers la réversibilité du processus ? Une des pistes investiguées par le Dr. Jean-Marc Lemaître, de l’Institut de Génomique Fonctionnelle de Montpellier, est celle des cellules souches. « Récemment nous avons développé un crible pour identifier des gènes cibles capables d’influencer l’entrée en sénescence ou son échappement à l’aide d’une combinaison spécifique de six facteurs de reprogrammation, nous avons été en mesure de reprogrammer des cellules sénescentes de donneurs âgés  ». Dans ces expériences, les marques de vieillissement, telles que celles associées à la longueur des télomères, à la perte d’efficacité de la mitochondrie, ont été effacées.

Au niveau de la peau, il est déjà possible d’atteindre des fibroblastes ou des kératinocytes rajeunis. Nous avons tous remarqué que suivant les individus, la longévité est différente et dépend, selon Jean-Marc Lemaître, « de facteurs génétiques à 25% et épigénétiques à 75%. » Le style de vie, l’alimentation, le stress ont une influence sur le déclin moléculaire.

Des méthodes d’évaluation variées

Pour évaluer le vieillissement des organismes, certains abordent la sénescence sous l’angle de la régulation de l’expression génique. C’est notamment le cas de la société Prediguard. « Nous étudions les gènes de la peau jeune et âgée et faisons des corrélations entre les différences observées et les pathologies développées  » explique le Docteur Philippe Benech fondateur et dirigeant de Prediguard.

D’autres vont se focaliser sur des éléments constitutifs de la peau pris d’une manière isolée ou dans son ensemble. Ainsi, la société Bioexigence a étudié les propriétés contractiles des fibroblastes âgés et fonds de ride. « Les fibroblastes issus de fond de rides développent moins de forces de contraction que les fibroblastes de la peau âgée non ridée avoisinante » explique le docteur Carol Corderot-Masuyer, gérante.

La société Straticell, de son côté, a étudié la sénescence prématurée induite par les stress radicalaires ou induits aux UVB. Mais on trouve encore des mesures de l’évaluation de la couleur et de l’homogénéité du teint par Skinexigence qui démontrent que ce critère est influent sur la détermination de l’âge perçu. Car l’essentiel n’est-il pas d’avoir un âge apparemment inférieur à la réalité ? La société Chanel a partagé à ce sujet une importante étude réalisée sur 289 femmes âgées de 20 à 70 ans et démontrant que les contrastes colorimétriques relevés au niveau du visage étaient un bon marqueur de l’âge perçu. Suffirait-il alors de se maquiller pour faire illusion de jeunesse ?

Du côté des actifs…

Cette solution n’est pas exclusive et les fournisseurs d’actifs cosmétiques travaillent de leur côté pour proposer des molécules toujours plus performantes.

Cette année, l’extrémité des chromosomes - les télomères pour lesquels les recherches ont fait l’objet d’un prix Nobel de médecine en 2009 - sont la cible de nouvelles substances que l’on trouve sous le nom de Juvinity chez Sederma, Telosomyl chez Silab et Telosense chez Ashland ISP.

Pour Biotechmarine et Lucas Meyer Cosmetics, la progérine est le nouveau marqueur que leurs derniers actifs ciblent. Induchem-Libragen a travaillé de son côté sur une nouvelle classe de récepteurs, les DOR (Delta Opiod Receptors) participant au contrôle des processus de différenciation de la peau. L’activité anti-glycation de l’extrait de Sakura de Oryza Oil et les activités repulpantes et détoxifiantes d’Effipulp d’Expanscience ont été également mises en avant.

Cette édition des Journées Jean-Paul Marty à peine achevée, la Société Française de Cosmétologie prépare déjà la suivante sur le théme : « Peau et Photoprotection ».