Environ 130 congressistes se sont retrouvés au Pavillon Dauphine à Paris le 30 novembre et le 1er décembre 2011 pour mieux comprendre la façon dont une formulation interagit avec la peau. Un thème choisi en hommage au Docteur Alec D. Bangham, découvreur des liposomes et décédé en mars 2010. Pour Claudie Willemin, membre du conseil scientifique de la Société Française de Cosmétologie (SFC) et organisatrice de ce congrès, « l’immense découverte du Docteur Alec D. Bengham a suscité plus de 41000 publications, 6000 brevets d’application et nous permet aujourd’hui de traiter la formulation sous un angle rationnel, scientifique et réfléchi.  »

Le format de ces journées a permis d’alterner des sessions animées par des chercheurs de renommée européenne, des grands noms de la cosmétique et des fournisseurs de matières premières. Nouveauté cette année : l’opportunité donnée à un jeune docteur de présenter les résultats de sa thèse.

La peau et ses propriétés de surface

La peau, organe dont la surface est la plus importante du corps humain a de multiples propriétés dont celle d’assurer une fonction de défense par rapport à l’extérieur. En introduction, le docteur Marek Haftek, directeur de recherche au CNRS, a rappelé que «  les lipides intercellulaires donnent l’étanchéité au stratum corneum et régulent le fluide hydrique. Le bon fonctionnement de la barrière du stratum corneum est indispensable pour notre survie.  » Mieux connaître la peau et ses propriétés de surface est un enjeu important pour les chercheurs qui souhaitent concevoir des produits en parfaite adéquation avec ce milieu complexe.

Pour Gustavo S Luengo, de L’Oréal Recherche et Innovation «  l’interaction des liquides avec la surface de la peau est d’une importance capitale puisque de nombreux produits sont déposés dans cet état.  » Des techniques de microscopie à force atomique, de mesures d’angles de contact, de diffusion latérale permettent de déterminer sur plasties les conditions optimales de mouillage. Elles dépendent de la nature des molécules déposées et de la chimie de celles présentes à la surface de la peau.

Le CERT (Centre d’Études et de Recherche sur le Tégument) à Besançon a étudié de son côté en in vivo les effets du sébum et de différents liquides (acide palmitique, squalène ...) sur la mouillabilité de la peau. «  Le dégraissage entraine une augmentation de l’hydrophobie de la peau tandis que l’application d’une crème hydratante va la diminuer,  » selon Ahmed Elkhyat chercheur à l’Université de Franche Comté. Ces modifications de surface agissent aussi, comme l’a expliqué le Docteur Cyril Pailler Mattei de l’école centrale de Lyon, sur la tribologie de la peau ou encore son comportement mécanique, «  des mesures qui permettent de discriminer les différentes natures de peau et pourquoi pas un jour définir objectivement ce qu’est une belle peau  ».

L’absorption percutanée

Bien connaître le support pour mieux le traiter est un premier pas. Le suivant se trouve dans la nécessité de mesurer ce qui traverse les couches supérieures de l’épiderme pour aller dans certains cas jusqu’à la circulation sanguine. L’absorption percutanée in vitro est l’un des outils de recherche pour répondre à ce besoin. Son évolution est constante. Pour exemple, les nouveaux modèles cutanés prennent en compte la présence ou non des follicules pilosébacés, zone propice à la pénétration. Par ailleurs comme l’a précisé le Dr. Marie-Alexandrine Bolzinger de la faculté de pharmacie de Lyon «  le développement de l’imagerie permet des avancées notables dans le suivi non invasif des actifs et des ingrédients et dans l’étude des interactions actifs / lipides, protéines  ». À ce jour, il est largement établi que les tailles des molécules, les charges ioniques, le caractère hydrophile/lipophile, la solubilité du principe actif, les sites d’application, les galéniques sont des facteurs essentiels pour optimiser l’absorption percutanée.

Des galéniques performantes

Au niveau des galéniques, les liposomes découverts en 1964 par Alec D. Bangham sont toujours d’actualité comme vecteurs efficaces des principes actifs. La technologie initiale a inspiré de nombreux produits et matières qui ont su évoluer en intégrant les dernières avancées scientifiques dans leur conception. Sur le marché, ces « magic bullet  » sont utilisées pour encapsuler des parfums, contrôler la libération des actifs, protéger des matières sensibles, s’adapter aux besoins de la peau… Les possibilités sont grandes et certains liposomes sont formulés pour résister à des conditions extrêmes de pH, de concentrations en électrolytes, en solvants ou encore en huiles polaires. Le système de vectorisation est le plus souvent basé sur des multicouches de tensio actifs ou des dispersions huile/eau. Or, le professeur Markus Antonietti du Max Planck Institute of Colloids and Interfaces à Postdam a ouvert un nouveau champ d’investigation en présentant un travail sur les doubles polymères hydrophiles qui peuvent stocker des molécules dans la double couche de neutralisation.

Très loin des liposomes mais présentant un intérêt notable en formulation, les chercheurs de Shiseido sont arrivés à formuler un rouge à lèvres longue tenue, non transférable, très brillant et ayant une hydratation optimale. La technologie expliquée par Mme Mouna Ghoul, chargée d’étude chez Shiseido Europe est basée sur l’incorporation dans la formule d’un cristal liquide en association avec une huile à haut indice de réfraction, très visqueuse et non compatible avec les pigments et le cristal liquide. Au moment de l’application il y a séparation de phase et formation d’un film brillant à la surface des lèvres. Ce travail fut récompensé par l’Award of Applied Research lors du congrès IFSCC [1] 2010.

En conclusion Étienne Soudan, président de la SFC, a annoncé le thème prévu pour l’édition 2012 : « la peau et la sénescence ». Un sujet éternellement actuel sur lequel la science progresse très vite. De quoi attirer, une nouvelle fois, un public nombreux.