Des épluchures de tomates, des grignons d’olive, des cabosses, ou des écorces de clémentine, du marc de café… L’industrie de la beauté se réinvente pour faire du neuf avec ce qui était auparavant négligé. Nombreuses sont les marques de cosmétiques qui commencent à lorgner du côté de nos poubelles, ou plutôt de celles de l’industrie agroalimentaire (même si les industriels préfèrent parler de « sous-produits » plutôt que de déchets), pour concocter les nettoyants, crèmes, sérums, et autres démaquillants de demain.

Du ketchup et du jus de mandarine

Ce nouvel attrait pour les déchets est également lié à la nécessité pour les acteurs de la beauté de réduire leur empreinte environnementale, et tenter de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, de plus en plus en quête d’engagements sur le plan écologique.

Une problématique que la marque My Skin Feels a décidé de prendre à bras-le-corps, au point d’inscrire le déchet au cœur de son ADN. Né sur les plages de Brighton, au sud de Londres, cet acteur de la beauté se concentre essentiellement sur des ingrédients biologiques issus des industries de l’alimentation et de la boisson, qui auraient autrement été jetés à la poubelle. Le tout rendant chaque produit - une crème hydratante et un nettoyant pour le visage - unique, et parfois même insolite.

Pour ses deux produits phares, la marque a misé sur les déchets de jus de mandarine, indiquant que huit kilos de déchets équivalent à un litre d’ingrédients, et précisant ne pas ajouter d’eau à ses produits. Mais ce n’est pas tout, puisque My Skin Feels a également intégré des peaux de tomates italiennes provenant tout droit des déchets du ketchup, bourrées d’antioxydants, des résidus d’avoine, connu pour ses vertus apaisantes, ainsi que des déchets issus de la fabrication d’huile d’olive, elle aussi réputée pour ses propriétés antioxydantes. Un pari fou au premier abord, qui devrait pourtant inspirer bien des acteurs de la cosmétique tant le potentiel des déchets semble illimité.

Des déchets en bouteille

Le Royaume-Uni semble bien en avance en matière de transformation des déchets en nouvelles ressources. La preuve avec la marque britannique UpCircle Beauty qui se tourne elle aussi essentiellement vers des ingrédients voués à être jetés. Déchets de jus de myrtille, noyaux de datte, tiges de camomille, épices mises au rebut, ou encore noyaux d’olive constituent partie ou totalité des ingrédients de ses produits emblématiques. Une marque fondée bien avant la pandémie, en 2016, qui propose aujourd’hui des dizaines de références.

Mais la France n’est pas en reste, comme en témoigne le succès de la marque Cultiv qui revalorise les rebus de l’agriculture française et biologique, et notamment les fameux légumes moches dont personne - ou presque - ne veut. Née dans des coopératives agricoles françaises, comme elle le précise elle-même sur son site internet, Cultiv élabore des cosmétiques à base de betteraves, épinards, chicorée sauvage, lin, ou seigle, pour le respect de la santé humaine et de la planète.

Mais les soins visage et corps ne sont pas les seuls à profiter des vertus des déchets de l’agroalimentaire, l’industrie de la parfumerie s’y intéresse également de près. C’est le cas du groupe familial TechnicoFlor, spécialisé dans la création et la fabrication de compositions aromatiques, qui a récemment développé une collection de huit parfums upcyclés. Lie de vin blanche récupérée à partir du dépôt généré pendant la période de vieillissement en fût de vin, déchets de l’ébénisterie, écorces de clémentine, cabosses, ou encore résidus de fraise gariguette entrent dans la composition de ces fragrances conçues grâce aux rebuts de l’industrie agroalimentaire.

Tout récemment, la marque de beauté de luxe française La Bouche Rouche a lancé sa première gamme de parfums : une gamme de cinq fragrances contenant 30% d’ingrédients upcyclés. Même si Les Fleurs du Déchet, I Am Trash by État Libre d’Orange (2018) fait figure de pionnier de l’upcycling en parfumerie.