Valérie de la Peschardière

Valérie de la Peschardière

Premium Beauty News - À ce jour, quelles sont les attentes des consommateurs en parfumerie fine ?

Valérie de la Peschardière - Les consommateurs recherchent des parfums qui les font toujours rêver mais dont ils ont aussi l’assurance qu’ils sont sans risque pour leur santé et leur peau. Nos études consommateurs montrent qu’après la crise de la Covid-19 les attentes évoluent encore plus fortement, pour le bon pour la santé, le naturel au sens large et le bon pour l’environnement.

Par ailleurs, en France, la santé et le respect de la peau ont grimpé de 6 points, le naturel de 9 points et le respect de l’environnement de 7 points. Tandis qu’aux USA, les deux premières attentes ont augmenté de 6 points. Il est à noter que le marché des cosmétiques a opéré sa mutation il y a maintenant dix ans !

Premium Beauty News - Qu’est-ce qu’un parfum écoresponsable ?

Valérie de la Peschardière - C’est un parfum dont la formule comprend des ingrédients écoresponsables c’est-à-dire des ingrédients à faible impact sur l’environnement. Dans le cas d’ingrédients naturels, il s’agit d’améliorer les pratiques agricoles des pays d’origine, de limiter les étapes et les transports, en transformant la matière première sur place, dès que c’est possible. Dans le cas des ingrédients de synthèse, c’est appliquer les principes de la chimie verte et d’aller vers les biotech !

Premium Beauty News : Comment les naturels deviennent-ils innovants et responsables ?

Valérie de la Peschardière - Dans un premier temps, il faut travailler sur le végétal lui-même, innover sur la matière fraîche sur place dans le pays d’origine. Nous avons aussi conçu de nouvelles méthodes d’extraction, ayant moins d’impact sur l’environnement. La flash distillation en est un exemple, le temps de traitement est ainsi passé de 24 heures à 20 minutes, pour un résultat olfactif totalement innovant et un bilan carbone bien meilleur. D’ailleurs, les épices en flash distillation révèlent toute leur fraîcheur. En Inde, Givaudan a mis au point un ginger, un curcuma et un lemongrass. Des produits co-développés avec notre partenaire Synthite. Nous avons aussi conçu avec eux, un nouvel absolu jasmin Sambac.

Enfin, l’upcycling utilise soit des déchets d’autres industries, comme ceux du bois, des jus, ou encore nos propres résidus. C’est une prouesse technique où l’on capture les micro huiles essentielles restantes, à l’état naturel. C’est une très piste encourageante pour des naturels responsables, sans impact environnemental.

Premium Beauty News - Avez-vous des exemples de marque de parfum pour illustrer ce propos ?

Valérie de la Peschardière - L’un des pionniers de l’upcycling a été le parfum I am trash d’État Libre d’Orange. Le parfumeur Marc Antoine Barrois ira encore plus loin avec Ganymede, en retirant les conservateurs de sa formule.

Dans ce même esprit, Angel Nova de Thierry Mugler, renferme une rose Damascena super naturelle, dont la double extraction allie distillation classique et upcycling. Il s’agit d’une rose mise au point uniquement pour Thierry Mugler. Conçu par Sonia Constant, Louise Turner et Quentin Bisch, ce parfum contient aussi notre akigalawood, un produit de la biotechnologie. Ici, la marque Mugler revendique haut et fort l’utilisation de produits issus de l’upcycling, une première pour une marque de parfum de luxe.

Premium Beauty News - Qu’est-ce que les produits issus de la biotechnologie apportent à la parfumerie écoresponsable ?

Valérie de la Peschardière - Ces procédés permettent de créer de nouvelles molécules responsables tout en préservant les ressources naturelles. En effet, tout se joue à partir d’une réaction enzymatique : à partir de très peu de matière de départ et une faible consommation d’énergie, de nouvelles molécules odorantes sont générées. Au final, nous obtenons un produit biodégradable à moindre empreinte carbone. C’est le cas de notre Ambrofix, obtenu en utilisant 100 fois moins de ressources naturelles. Et quelle merveille olfactive !

Premium Beauty News - Comment créer de nouvelles molécules de synthèse tout en respectant l’environnement ?

Valérie de la Peschardière - Grâce à notre vision Five Carbon Path, toutes nos nouvelles molécules sont issues de sources renouvelables, transformées selon les principes de la chimie verte et biodégradables. Comme les atomes de carbone jouent un rôle important dans la fabrication des parfums, Givaudan a mis au point un programme d’innovations articulé autour de cinq principes : utilisation de matériaux renouvelables, optimisation des procédés de synthèse pour réduire leur impact carbone, biodégradabilité de la molécule finale, augmentation du rapport odeur/carbone avec des matériaux à fort impact olfactif, et optimisation des process de recycling/upcycling.

Premium Beauty News - Que reste-t-il à faire pour améliorer les cultures de plantes à parfum ?

Valérie de la Peschardière - De nombreux programmes ont été mis en place depuis plus de quinze ans, pour soutenir les filières et améliorer les pratiques. Les progrès ont été importants sur les matières iconiques : patchouli, vétiver, vanille, santal, benjoin… Nous continuons à soutenir les communautés impliquées dans la production de ces matières naturelles, et nous allons un peu plus loin chaque année.

C’est ainsi que nous sommes directement implantés à Madagascar pour la production de vanille et de girofle. Cette année, nous avons aidé à la replantation du black pepper, disparu depuis de nombreuses années. Afin d’aider les cultivateurs de toutes ces filières naturelles, Givaudan enseigne les bonnes pratiques agricoles et agronomiques. Nous développons des programmes ad’hoc comme la lutte contre l’érosion des sols à Haïti pour le vétiver, ou la régénération des sols en Indonésie, la reforestation à Madagascar, où nous avons planté plus de 500 000 arbres, en protégeant la biodiversité… Tout ceci, grâce à notre expertise agronomique, provenant directement de certaines acquisitions récentes comme Naturex.