Il s’agit, selon les chercheurs du CNRS et de l’Inserm de l’équipe Codage et mémoire olfactive [1], d’un nouvel exemple de l’étonnante plasticité cérébrale dont est doté l’être humain [2]. Ces résultats, obtenus grâce à des IRM anatomiques réalisées sur des parfumeurs professionnels, des étudiants en parfumerie et des sujets témoins, montrent également que l’entraînement permet d’inverser la diminution du volume de matière grise des aires olfactives liée à l’âge et observée dans la population générale.

Lors de travaux précédents, les mêmes chercheurs avaient démontré que, grâce à l’entraînement, les parfumeurs acquièrent la capacité d’imaginer mentalement une odeur au point de la « sentir » dans leur nez alors qu’elle est physiquement absente. Les scientifiques avaient aussi observé, chez ces experts, une communication neuronale plus efficace, rapide et spécifique, dans les zones cérébrales dédiées à l’olfaction.

Les chercheurs se sont donc demandé si l’entraînement intensif des parfumeurs se traduisait aussi par une augmentation du volume de matière grise dans les zones cérébrales liées à l’olfaction. Pour répondre à cette question, ils ont fait passer une IRM à 14 experts parfumeurs réputés, parmi lesquels Jean-Claude Ellena et Daniel André. Le même examen a été réalisé sur 13 étudiants de l’Institut Supérieur International de la Parfumerie, de la Cosmétique et de l’Aromatique (ISIPCA) de Versailles, et 21 sujets dits « naïfs », n’ayant aucune expertise olfactive particulière.

© JP Royet
Des images anatomiques de cerveaux de parfumeurs novices et professionnels ainsi que ceux de sujets témoins appariés en âge ont été acquises à l’aide d’un scanner IRMf.

L’IRM a montré que le volume de matière grise du cortex olfactif primaire et d’une région orbitofrontale qui avoisine le sillon olfactif est plus grand chez les parfumeurs que chez les volontaires naïfs. Par ailleurs, le volume de matière grise est directement corrélé avec l’expérience des parfumeurs. Plus ils sont entraînés, plus le volume de ces aires olfactives est grand.

En revanche, les chercheurs ont observé que, chez les sujets naïfs, ces aires cérébrales se réduisent notablement avec l’âge, phénomène continu et général lorsqu’aucun entraînement n’est réalisé. Ainsi, cela indique que les modifications cérébrales observées chez les parfumeurs seraient le fruit de l’entraînement, et non de particularités innées.

© JP Royet
Les parfumeurs novices et professionnels présentent un volume de matière grise des cortex olfactif primaire et orbital médian (en jaune) plus importants que chez les sujets témoins. Plus les parfumeurs professionnels ont de l’expérience, plus le volume de matière grise dans le cortex orbital médian est élevé (en vert). Inversement, plus les sujets témoins sont âgés, plus ce volume diminue (en bleu).

« Ces résultats rappellent les modifications structurales observées chez d’autres types d’experts comme les musiciens, les sportifs, les personnes multilingues, les mathématiciens, ou les chauffeurs de taxi. Tous ces spécialistes réorganisent et surdéveloppent des aires cérébrales spécifiques à leur expertise. L’extraordinaire capacité du cerveau à s’adapter à la demande environnementale et à se réorganiser avec l’expérience semble être sans limite,  » explique le CNRS dans un communiqué.