Le petit monde de la parfumerie était réuni la semaine dernière dans l’ancien Palais Potocki, siège de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, pour célébrer le 70e anniversaire de la Société Française des Parfumeurs (SFP) qui, avec ses 800 membres, dont près de 300 parfumeurs, regroupe près de la moitié des « nez » en exercice dans le monde.

La soirée a été marquée par trois temps forts : le lancement d’une variété de rose sélectionnée pour son parfum avec le concours de membres de la SFP et baptisée « Rose des Parfumeurs », la présentation du Cercle International des Parfumeurs-Créateurs, et la remise du prix International du Parfumeur-Créateur 2012, à Virginie Armand, parfumeur chez Argenville.

Discours d’ouverture de Patrick Saint-Yves (Président SFP)

Mais en arrière-plan des réjouissances, c’est la protection de la création en parfumerie qui était au cœur des discussions. Y aurait-il un parfum de révolte parmi les nez ?

L’intelligence du nez

Car à ce jour, une fragrance n’est pas considérée comme une œuvre de l’esprit, mais comme la simple résultante de la mise en œuvre d’un savoir-faire. Elle ne bénéficie donc pas de la protection du droit d’auteur.

En France, la position de la Cour de Cassation, la plus haute juridiction judiciaire, n’a jamais varié sur ce point. À deux reprises, en 2006 et en 2008, malgré une opinion contraire exprimée entre temps par la Cour d’Appel de Paris, elle a rappelé son point de vue : « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit. » [1]

Si l’on suit le raisonnement de la Cour de Cassation, la composition d’un parfum requiert essentiellement des connaissances techniques et la place laissée à l’expression personnelle de l’auteur est trop faible pour qu’il soit possible de parler de création originale. Pour quiconque connaît un tant soit peu le métier de parfumeur et la façon dont travaillent ceux qui l’exercent, cela ne tient pas debout !

Mais pour Matthieu Bourgeois, avocat intervenant principalement en droit de la propriété intellectuelle au sein du cabinet KGA, l’explication est peut être ailleurs. «  La position discutable de la Cour de Cassation s’explique probablement par la crainte des juges de devoir faire face à de trop délicats débats sur le terrain de la ressemblance entre deux fragrances proches, » estime-t-il. « Elle semble considérer que les magistrats se trouveraient particulièrement démunis pour apprécier les similitudes, dès lors que - ne l’oublions pas - l’odorat est et reste, dans notre société, le sens le moins développé de l’homme ou, en tous cas, le plus subjectif et inégalement partagé.  »

S’ils n’ont pas l’appui des juges, les parfumeurs ont celui des gens des arts. En janvier dernier, le ministre de la Culture du moment, Frédéric Mitterand, en remettant la médaille des Arts & des Lettres à six grands parfumeurs, a souhaité « qu’à l’instar de l’intelligence de la main, soit reconnue l’intelligence du Nez ».

Patrick de Vilmorin (Vice Président de la SFP) ; Raymond Chaillan (Président d’honneur de la SFP) ; Pierre Nuyens (Vice Président de la SFP)

Valoriser le métier de parfumeur

C’est à ce projet, qu’ont décidé de s’atteler plusieurs parfumeurs. La proposition de Maurice Maurin et Raymond Chaillan de créer un Cercle International des Parfumeurs-Créateurs [2], avec pour missions de valoriser, promouvoir et défendre le métier de parfumeur, a ainsi immédiatement reçu un large soutien.

Le Cercle aura pour vocation de réunir tous les parfumeurs-créateurs, qu’ils soient indépendants, rattachés à des maisons de compositions ou à des marques de luxe et quel que soit leur pays de résidence.

Un Comité des Sage regroupant 29 parfumeurs autour du président de la SFP a été constitué et la première réunion plénière devrait bientôt se tenir pour, ainsi que l’annonce Raymond Chaillan, « définir, défendre ce métier difficile que l’on galvaude, (…) dire que ce n’est plus possible de réduire toujours et encore notre palette des Naturels, que la création est en danger, qu’elle atteint ses limites, que les voyants sont au rouge.  »

Un combat à suivre…