En juin dernier, Takasago ouvrait ses portes à la presse, autour d’une gamme de nouvelles molécules. Une série de captifs (à son usage exclusif) et de spécialités (disponibles pour le marché) articulés autour de trois axes : la green tech, la beauté de l’épure et la signature olfactive (tenue, diffusion).

Pour le parfumeur Aurélien Guichard, « La chimie verte et la pureté des ingrédients sont deux piliers majeurs chez Takasago depuis les années 1970. Mais la contrepartie de cette pureté réside parfois dans le manque de puissance. En apportant plus d’impact aux matières, cette nouvelle palette aiguise la créativité des parfumeurs ».

Des processus doux pour la planète

Chez Takasago le souci de l’environnement passe, notamment, par la synthèse d’ingrédients issus de ressources naturelles (biobased) et biodégradables. Le pin ou des matières upcyclées, issues par exemple de la distillation de l’orange, comme le limonène, permettent ainsi de créer des molécules biobased (contenant au moins 50% de carbone renouvelable). Parmi celles-ci, citons notamment le biomuguet, une note florale et ozonique intense, qui permet de ciseler un accord muguet, en palliant aux restrictions de l’IFRA sur le lyral et le lilial.

D’autres ingrédients relèvent des biotechnologies blanches (white biotech), qui s’appuient sur l’expertise japonaise ancestrale en matière de fermentation. Le sucre de canne est transformé en molécules aromatiques, grâce à l’action d’enzymes, telles que des levures et des bactéries. Un processus très respectueux de l’environnement qui n’utilise pas de dérivés pétroliers et qui est très économe en énergie. La biocyclamol résulte de cette technique, et offre une note florale rosée tenace, dont la fraîcheur et la transparence apportent de la modernité au muguet.

Minimalisme et pureté

La créativité de Takasago est également guidée par l’esthétique Shibui, qui désigne la beauté de l’épure. Une écriture minimaliste, portée par des formules simples, qui comptent moins d’ingrédients puisqu’ils sont plus purs et impactants. C’est là toute l’expertise de Takasago : créer des matières pures, grâce à la chimie chirale. Un processus récompensé par un prix Nobel en 2001, dont l’objectif est de répliquer à l’identique un corps odorant biobased ou naturel dans son état le plus pur. Cette technique déleste l’ingrédient de ses aspérités pour n’en conserver que la partie la plus intéressante, olfactivement, et la plus proche de la nature. À l’image, par exemple, du L-Citronellyl Acetate, (à 84% d’origine naturelle), une note complexe, facettée et addictive, aux accents fruités, floraux et métalliques.

L’autre innovation réside dans la création d’ingrédients CX, des versions épurées de molécules déjà connues. Initialement sous forme de cristaux, ces matières subissent une deuxième cristallisation qui a pour objectif de les sublimer. Dépouillées de leurs facettes les moins raffinées, elles révèlent ainsi de nouvelles nuances olfactives. L’Ambroxan CX, version épurée de ce bois ambré très apprécié, en accentue ainsi les tonalités minérales et animales avec une intensité qui le rend encore plus addictif.

Design & Signature

Troisième axe créatif de cette nouvelle palette, le souci d’élaborer des formules concises à l’aide d’ingrédients plus impactants. La synthèse ne se contente plus d’imiter la nature, elle en surpasse les limites. Grâce aux technologies de pointe, naissent des matières plus performantes, en termes de tenue ou de sillage, et des molécules aux facettes inédites. Celles-ci offrent une véritable bouffée d’air frais aux parfumeurs qui y puisent des idées créatives. Le pamplefix, un captif dont la fraîcheur revêt une ténacité surprenante pour ce registre (vert, hespéridé), épouse ainsi parfaitement les accords boisés. Ces molécules peuvent en outre pallier aux restrictions réglementaires en remplaçant des matières iconiques. À l’image du Sakura Salicylate, une note florale douce, qui peut se substituer aux salicylates de benzyl, récemment limités par l’IFRA, pour créer un accord solaire.

Au total, une quinzaine d’ingrédients qui offre un nouveau terrain de jeu pour les parfumeurs. Cette palette est le fruit d’un long développement, puisqu’il s’écoule au moins cinq ans entre la découverte d’une molécule, son évaluation, son industrialisation potentielle et son enregistrement. Sur quelques milliers de propositions, seules quelques-unes passent les différentes étapes de validation. Un travail de longue haleine qui devrait s’enrichir, à terme, de l’expertise des neurosciences pour mesurer l’impact émotionnel et holistique des molécules sur le consommateur.