Une parfumerie de niche en fleurs

Cette édition 2022 s’est distinguée par l’omniprésence des notes florales. Après deux ans de sinistrose, les marques nous incitent à voir “la vie en rose”. La reine des fleurs a dominé les lancements du premier semestre de l’année (L’Eau Rose de Diptyque, Mémoire de Roses de L’Artisan Parfumeur, les trois nouvelles roses de Tom Ford, La Petite Robe Noire Rose Rose Rose chez Guerlain, Paris-Paris de Chanel…). Une tendance confirmée à Esxence, où la rose était omniprésente, à l’image de Rose Ardoise d’Atelier Materi, un mariage de roses Centifolia et Damascena, twisté par des notes épicées sur un fond minéral, ou du Jardin des Avelines chez Pont des Arts, une rose baumée et boisée signée Bertrand Duchaufour.

Les fleurs blanches ne sont pas en reste, prisées pour leur dimension lumineuse et positive, à l’instar d’Avant et Après d’Isabey, un joli bouquet solaire rafraîchi par une brise salée. Longtemps boudé car “désuet”, le muguet, symbole de bonheur, fait son retour (Eau Guillerette, par Anatole Lebreton). Les marques continuent d’explorer le côté “feel good”, suave et rassurant, de la fleur d’oranger, très en vogue.

De l’évasion en flacon

Mais les confinements ont aussi réveillé l’envie de reconnexion à la nature, un phénomène auquel n’échappe pas la parfumerie de niche. Les notes vertes se réinventent avec une écriture végétale, pour incarner un besoin de respirer, un retour au jardin. Cette soif d’évasion puise aussi dans la fraîcheur du registre marin. Depuis quelques années, les notes aquatiques reviennent à la mode, dans un jeu de contraste avec des accords ambrés, boisés, gourmands… Cette tendance se poursuit autour d’une forte présence de facettes minérales et iodées évoquant l’été, des embruns océaniques aux rayons de soleil sur la peau. Retenons notamment Il Solo Dentra de Uermi, signé Pierre Guéros (Symrise), qui mêle des notes solaires et salines au souffle vert du géranium, sur une base gourmande.

Petits flacons et layering

L’heure est au nomadisme olfactif. Les marques l’ont compris et privilégient la légèreté, en proposant des flacons de 30, 20 ou 10 ml. Des petits formats plus adaptés aux consommateurs qui changent régulièrement de parfums. Une tendance qui épouse aussi celle du layering, très en vogue actuellement. En effet, des marques de niche “classiques”, à l’image de L’Artisan Parfumeur ou des Parfums de Rosine, invitent leur clientèle à marier les fragrances au sein de leur gamme. Une pratique qui constitue en partie l’ADN d’Olibanum, la nouvelle marque de Gérald Ghislain, fondateur d’Histoire de Parfums, qui met en scène l’encens dans des duos de matières, habillés d’un écrin de 12 ou 50 ml, à superposer au gré de ses envies.

En quête de naturalité

En parfumerie aussi la tendance du naturel a le vent en poupe. Nombreuses sont les marques à revendiquer des formules à 95% d’ingrédients naturels, à l’image de Bastille Parfums. Un parti-pris que l’on retrouve dans un nombre croissant de marques, même si ce n’est pas leur concept initial (Obvious, Cherigan…). D’autres font du 100% naturel leur identité, à l’instar de Floratropia, des Parfumeurs du Monde ou d’Hiram Green, une marque artisanale dont les fragrances dégagent une complexité surprenante pour ce registre.

Place à l’innovation technique

En marge de la tendance du naturel, on note une vraie curiosité pour les innovations technologiques. Headspace, la nouvelle marque fondée par Nicolas Chabot (Le Galion, Aether) a fait sensation à Milan. Un projet original, qui repose sur la technique du headspace, un mode d’extraction qui permet de capturer l’odeur d’un végétal lorsque c’est impossible par les techniques d’extraction classiques. L’occasion de découvrir des compositions habillant des headspaces de peau, de champagne, ou de nature après l’orage…

Vers une parfumerie ecofriendly

Enfin, on ne peut manquer de noter le nombre croissant de marques déployant un positionnement écologique, en termes de packaging (matériaux recyclables, flacons ressourçables) et de sourcing des ingrédients (upcycling, matières biodégradables). C’est notamment le concept de la marque Obvious créée par David Frossard, construite autour d’une parfumerie écoresponsable : alcool biologique, flacon de verre recyclé et recyclable, capot de liège aggloméré issu des chutes de production des bouchons de vin, écrin en papier recyclable sans cellophane. De nombreuses marques épousent cette problématique environnementale (Cherigan, The Different Company, Stéphanie de Bruijn…).

Une tendance aussi louable qu’incontournable, bien que le nombre effréné de lancements puisse interroger sur le paradoxe de cette “durabilité”. Un rythme peu enclin à ralentir, à en juger par les nouveautés et les nouvelles griffes qui ont marqué cette 12e édition d’Esxence.