Karine Torrent, créatrice de la marque Floratropia

Karine Torrent, créatrice de la marque Floratropia

Lancée en janvier 2020 après deux années de développement et une campagne de crowdfunding démarrée en octobre 2019, la toute jeune marque étonne par ses choix radicaux, en rupture complète avec les habitudes du monde du parfum. Après tout juste six mois d’existence, et une commercialisation exclusivement en ligne, Floratropia fera ses débuts au BHV Marais à Paris en juillet.

La créatrice, Karine Torrent, est pourtant issue du sérail. « Très tôt le parfum a été une passion. J’ai travaillé à des postes marketing et développement avec des gens qui avaient une passion des matières premières, et j’ai évolué professionnellement avec l’idée qu’un beau parfum, ce sont d’abord de belles matières », explique-t-elle. Après avoir fait ses classes chez Guerlain et Yves Rocher, elle rejoint le groupe Puig avant de bifurquer vers la parfumerie de niche. « Tout cela m’a conduit à m’interroger sur le modèle de la parfumerie moderne et à réfléchir à comment l’inscrire dans un modèle d’impact positif pour la planète, la biodiversité des plantes à parfum et les communautés qui les cultivent », raconte-t-elle.

Déconstruction méthodique

Floratropia s’est ainsi fixée pour ambition de questionner les vérités établies de l’univers du parfum. « La mise en œuvre du projet a consisté à déconstruire et interroger méthodiquement chaque étape du développement produit, du sourcing des matières premières jusqu’à la conception du packaging », poursuit Karine Torrent. L’objectif était de relier le savoir-faire du parfumeur et les objectifs de développement durable.

L’idée d’un parfum 100% naturel et vegan n’est pas nouvelle, c’est même une tendance majeure de la parfumerie actuelle et les géants de l’industrie - qui cherchent à renforcer leur portefeuille d’ingrédients naturels à grand renfort d’acquisitions - l’ont bien compris. Pourtant, l’idée d’une création entièrement végétale, fondée sur des filières responsables, a fait face à une grande circonspection. « Beaucoup de retours ont même été franchement négatifs », souligne la créatrice. « Il y a une conviction, solidement ancrée, qu’un beau parfum ne peut être entièrement naturel. Heureusement, les lignes bougent grâce à l’obstination de nouvelles marques, comme 100Bon, qui font un gros travail sur ce thème ».

La rencontre avec la parfumeur Delphine Thierry sera finalement l’élément déclencheur. « Elle m’a montré qu’il était possible de conjuguer 100% naturel et parfumerie d’exception ».

Les quatre parfums Floratropia s’appuient ainsi sur le portefeuille de matières premières naturelles de Robertet, avec quelques belles innovations comme l’utilisation d’Hedychium (lys papillon), dont la culture à Madagascar offre un revenu complémentaire aux récoltants. « Le choix des matières premières est à la fois artistique et éthique », souligne Karine Torrent. « Nous voulons des parfums qui poussent dans la terre pour offrir un débouché aux plantes à parfums et à leurs cultivateurs ».

« Plus de parfum, moins d’emballage »

Mais c’est aussi pour son parti pris en matière d’emballage que Floratropia s’affirme en rupture avec les codes actuels de la parfumerie. Les parfums ne sont plus vendus dans de luxueux flacons, qui seront jetés une fois le produit terminé, mais dans des recharges flexibles qui alimentent un vaporisateur de voyage décoré de simili cuir vegan, vendu séparément. Et rien n’empêche l’utilisatrice d’utiliser son propre vaporisateur, si elle en possède déjà un !

« C’est la solution la plus optimale en termes d’empreinte carbone sur toute la chaîne de valeur. Nos ‘Ressources’ en aluminium, PET et PE consomment peu de matières et d’énergie, elles sont légères et ne nécessitent pas de suremballage. Bien sûr, elles ne sont pas parfaites, notamment parce qu’elles ne sont pas recyclables. C’est pourquoi nous proposons à nos clients de nous les renvoyer gratuitement, pour que nous gérions leur fin de vie dans le cadre d’un partenariat avec un acteur allemand du recyclage », détaille la créatrice.

Une solution qui permet non seulement de réduire l’impact des emballages mais aussi de rendre le produit plus accessible. « Quand on achète un parfum, on achète aussi beaucoup de packaging. En changeant la donne en matière de pack nous changeons à la fois l’équation environnementale et l’équation économique. Le parfum naturel est cher, mais notre solution d’emballage permet de concentrer la valeur du produit sur le parfum, en réduisant les déchets et les émissions de carbones. En résumé, nous proposons plus de parfum et moins d’emballage ».

Alors que Floratropia s’apprête à faire son entrée dans la distribution physique, la marque étudie également la possibilité de recharges en magasins.

Lancée juste avant la pandémie de Covid-19, Floratropia ambitionne d’apporter une réponse à plusieurs des interrogations concernant les modes de consommation contemporains. « On critique beaucoup la fast fashion mais le modèle actuel de la fast parfumerie n’est pas neutre non plus, avec son rythme effréné de lancements qui s’accompagne d’une banalisation de l’offre, même si l’impact global n’est pas comparable », conclut Karine Torrent. Alors, bienvenue dans le monde de la slow perfumery !