Alors que les marques s’efforcent de réduire leur empreinte environnementale, la vente en vrac et les solutions de recharges se multiplient sur le marché de la beauté, dans tous les circuits de distribution, y compris dans le monde du luxe.

Et la proposition semble séduire les consommatrices françaises ! En effet, les ventes de recharges et produits rechargeables en circuit sélective ont augmenté de 50% entre janvier et fin octobre 2022, par rapport à la même période l’année précédente, selon The NPD Group. Ce segment, estimé à 158 millions d’euros pendant cette période de 10 mois, réalise ainsi une performance nettement supérieure à celle de l’ensemble du marché de la beauté sélective, qui a gagné 20% entre janvier et fin octobre 2022 par rapport à 2021.

La société d’études de marché avait relevé un phénomène similaire sur les sept premiers mois de 2022 au Royaume-Uni.

« Les consommateurs étant de plus en plus sensibles aux problématiques de développement durable et conscients de l’influence qu’ils exercent, on constate logiquement une augmentation des ventes de produits de beauté sélective rechargeables », explique Mathilde Lion, Expert Beauté Europe chez The NPD Group.

Parfums rechargeables, le renouveau d’un geste traditionnel

C’est dans la catégorie parfums que l’option recharge est la plus développée, note The NPD Group. En France, les ventes de flacons de parfum rechargeables ont ainsi bondi de 56% en cumul annuel à octobre 2022 par rapport à l’année précédente. « L’élargissement de l’offre rechargeable contribue à cette belle dynamique : sur les cinq lancements les plus réussis de la période, trois parfums sont proposés en version rechargeable aux consommateurs », précise The NPD Group.

Sur cette nouvelle pratique, la France est en avance : les recharges et produits rechargeables représentent 8% des ventes dans la catégorie parfum dans l’Hexagone, contre 6% en Europe, et 3% en Amérique du Nord.

Il faut dire que recharger son parfum n’est pas un geste nouveau pour les consommatrices françaises. Plusieurs marques emblématiques de la parfumerie française traditionnelle — telles que Caron, Guerlain ou Goutal — proposent un service de reremplissage dans leurs boutiques, comme cela se pratiquait historiquement. En retail multimarques, cette possibilité a été inaugurée lors du lancement d’Angel par Thierry Mugler en 1992.

« Aujourd’hui, plusieurs solutions techniques sont à la disposition des marques de parfumerie », remarquait Gérald Martines, créateur de l’agence de conseil en développement packaging In•Signes, lors du Fragrance Innovation Summit. « Selon la technologie retenue, et le niveau de service souhaité, le remplissage peut ainsi être effectué en boutique ou chez soi, avec ou sans démontage de la pompe. Interparfums a même lancé pour Moncler un concept de flacon substituable, permettant de conserver l’habillage extérieur ».

Maquillage et soin de la peau emboitent le pas

Dans la catégorie maquillage, les recharges et les produits rechargeables explosent également avec, selon The NPD Group, des ventes en hausse de 122% entre janvier et fin octobre 2022 par rapport à 2021 dans le circuit sélectif. S’ils ne représentent que 2% des ventes dans la catégorie, ces produits rechargeables ouvrent de nouvelles perspectives aux marques et aux distributeurs.

Côté soin de la peau, le marché n’en est qu’à ses balbutiements. Seules 1% des ventes soins haut de gamme concernent des produits rechargeables et leurs recharges. Mais le potentiel est énorme, selon The NPD Group qui note qu’au cours des dix premiers mois de l’année, les ventes de recharges ont bondi de 46%, tandis que celles de produits rechargeables augmentaient de 30%. Dans cette catégorie, les recharges sont potentiellement un vecteur important de fidélisation des consommateurs.

L’enjeu de la fidélisation

Le ré-achat est en effet un enjeu clé, puisqu’il est évident que les cosmétiques rechargeables n’ont un impact environnemental positif que s’ils sont effectivement rechargés ! De ce point de vue, « la route est encore longue », souligne Mathilde Lion.

Ainsi, les recharges ne représentent actuellement que 2% des ventes de parfums, avec une croissance de 21%, bien plus modeste donc que celle des flacons rechargeables. « Il faut laisser aux nouveaux parfums lancés avec une version rechargeable le temps de fidéliser leurs clients et cela prendra plusieurs mois. En revanche, nous identifions dès maintenant des opportunités de croissance sur le lancement de versions rechargeables pour les parfums phares du marché qui ont su démontrer leur capacité de fidélisation depuis des années », conclut-elle.

Si le succès des recharges s’explique logiquement par l’intérêt des consommateurs pour des produits à l’empreinte environnementale réduite, de nombreux freins doivent encore être surmontés. Pour Gérald Martines, « la fidélité est un véritable changement de paradigme dans un marché qui a construit son modèle de croissance sur la multiplication des lancements et l’encouragement à l’expérimentation ». À cela s’ajoutent d’autres freins, comme la multiplication des références liées aux recharges, et donc un problème d’espace en points de vente.

Après l’engouement pour les cosmétiques solides et le vrac, le succès des recharges confirme toutefois l’intérêt des consommateurs pour des usages nouveaux, moins lourds d’un point de vue environnemental !