Le succès rencontré par quelques marques de parfumerie alternative stimule les vocations. Fabricants de compositions et flaconniers témoignent tous du même phénomène : la multiplication des sollicitations de créateurs de marques. Des demandes auxquelles il n’est pas toujours possible de donner suite, notamment quand les temps de développement sont trop importants par rapport aux quantités envisagées, ou quand le coût de la réalisation industrielle serait démesuré.

Une quarantaine de métiers différents

Du point de vue du créateur, c’est le nombre d’intervenants et d’étapes nécessaires pour le développement qui peuvent être déroutants. Création de la fragrance, fabrication du flacon, décoration, choix de la pompe, du capot, sourcing des éventuels accessoires, conception et impression d’un étui, etc. Au total, ce sont près de 40 métiers différents qui interviennent dans une création. Alors, pour ceux qui souhaitent faire simple et vite, le recours à un spécialiste de la création clef en main s’impose. Des sociétés comme Perfarium, Flair ou Boss’M proposent ainsi la création en full service, en réunissant les compétences de leur réseau.

Selon les désirs - et le budget - du client, elles peuvent faire appel à un parfumeur-créateur indépendant, ou puiser dans le catalogue d’une grande maison. C’est un point sensible compte tenu de l’importance de la fragrance dans la décision d’achat du consommateur, surtout dans le cas de marques qui misent sur la différence.

Le plus souvent, les grandes maisons de compositions olfactives ne facturent pas de frais de création. Mais, comme leur rentabilité repose sur la vente des jus, elles sont dépendantes des quantités. Matériellement, il ne leur est donc pas possible de multiplier les projets pour de petites marques émergentes. Pour réduire le délai de développement, la solution consiste alors à proposer des compositions issues de leur catalogue et qui correspondent au brief de la marque, avec parfois quelques adaptations. La démarche du parfumeur indépendant sera, au contraire, celle d’un développement sur mesure au plus près de l’ADN de la marque. Mais elle implique des frais de création.

Standard ou spécifique ?

Côté flacon, les créateurs de petites marques alternatives vont être confrontés à un dilemme similaire : le choix entre sur-mesure et standard. Là encore, la question ne saurait être négligée puisque le packaging constitue le premier point de contact entre le consommateur et le produit.

La réalisation de flacons spécifiques du fait des coûts qui lui sont liés (design, fabrication des moules, quantités minimales de production) est le plus souvent inaccessible à une petite marque.

La première solution proposée par les fournisseurs consiste à personnaliser un flacon standard. «  Nous leur proposons de sublimer nos standards, ce sont des challenges techniques forts et intéressants,  » explique Isaure de la Noue, directrice générale de Metapack, fournisseur français spécialisé dans la conception, la fabrication, l’habillage et l’accessoirisation de flacons. Compte tenu de quantités relativement réduites et de la complexité des opérations parfois nécessaires pour des produits en quête d’exception, il faut parfois effectuer une partie du travail à la main. CCI Productions, qui propose différents services de fabrication et de conditionnement, dispose ainsi sur son site d’Acquigny, en Normandie, de lignes manuelles et d’un « Atelier Haute Couture » destiné aux petites séries et aux produits les plus sophistiqués. Autre spécialiste du packaging « sur mesure » (verre, capot, packaging, conditionnement…), La Factory dispose de sites en France et en Roumanie.

Finalement, en matière de packaging, les options de personnalisation sont telles que le recours au standard ne devrait pas être perçu comme un frein à la créativité. Le véritable obstacle est plutôt financier : c’est lui qui, en dehors des cas flagrants de copie, peut générer les ressemblances dommageables à l’identité des marques du fait d’un sous-investissement dans le parachèvement.

Des solutions intermédiaires entre produits standards et spécifiques, entre du made in France et un approvisionnement dans d’autres pays, sont par ailleurs disponibles. Quelques verriers proposent aussi une production semi-automatique. C’est le cas des Verreries Brosse. « La maitrise de procédés en semi automatique nous permet de réaliser des séries de seulement 2000 à 3000 pièces alors que les procédés automatiques demandent des volumes 10 fois supérieurs,  » explique François Chéru, directeur commercial.

Par ailleurs, des sociétés, comme Flacon Couture, se sont spécialisées dans le développement de flacons spécifiques en petites séries destinés au segment des parfums de niche. «  La difficulté consiste à concilier les exigences de qualité très élevées des marques émergentes avec les petites séries, tout en restant dans des budgets réalistes,  » confie Xavier Vaisière, le président de la société.

Si le verre est plébiscité et constitue l’essentiel du marché, il ne faut toutefois pas oublier que des solutions intéressantes sont également offertes par d’autres matériaux : les polymères plastiques, comme le Surlyn de DuPont, le bois, avec des exemples remarquables de flacons et de capots créés par les sociétés espagnoles Technotraf et Pujolasos, ou même l’inox, largement utilisé pour les concentrés mais dont la pénétration sur le marché reste très faible en raison d’un coût élevé.

Lorsque le budget n’est pas un problème, des solutions remarquables sont disponibles, comme celles proposées par Marcel Franck. La société, recréée il y a peu, offre des vaporisateurs de luxe inspirés de ceux qui avaient fait la renommée de la marque dans la première moitié du XXe siècle, ainsi qu’une collection de flacons en verre en très petites séries. «  Ce sont des flacons de très haut de gamme, soufflés bouche par des maîtres verriers,  » explique Bernard Dennery, le président de la société. On touche là aux confins de l’artisanat.