Premium Beauty News - Quel est l’impact de la crise sur votre activité ?

Laurent Mercier - En 2018, toute l’industrie a subi une crise des matières premières sans précédent. Ce fut une année compliquée économiquement mais c’est reparti en 2019 et nous avons continué à nous développer géographiquement. L’année 2020 avait très bien commencé, le premier trimestre fut le meilleur réalisé depuis la création de la société. Puis avec la pandémie, est arrivé le plus gros problème qui soit pour notre activité, le problème de mobilité. Toute notre industrie est basée sur le fait que l’on offre une expérience que ce soit en B2B ou en B2C. Avec nos clients, nous devons réinventer le contact avec ce paramètre de la mobilité réduite. C’est une chaîne de transfert d’émotions que l’on doit passer de l’un à l’autre et aujourd’hui ce lien a disparu. Les ventes de parfums sont à la peine, avec un marché du duty free très touché. Avant que l’on remonte dans les avions il va se passer quelques mois. Nous n’allons pas revenir à une situation normale avant deux ans. Et est ce que l’on a envie de voyager comme avant ? Nous quittons la crise sanitaire, et rentrons dans la crise économique avec une crise sociétale qui est sous jacente. Les gens vont remettre les choses en question.

Premium Beauty News - Quels sont les secteurs les plus touchés ?

Laurent Mercier - Notre activité concerne principalement la Fine Fragrance, puis le Body et le Home Care. Concernant les parfums, je pense qu’il y aura toujours de la place pour les choses belles et chères. Tout ce qui est assez exclusif et niche a une chance d’avoir une visibilité plus pointue. Les marques bien établies ont la possibilité de séduire des consommateurs qui auparavant achetaient des produits un peu moins chers, et qui ont maintenant la disponibilité ou l’envie de dépenser de l’argent pour se faire plaisir. Mais le prix va être un facteur assez important pour ce qui ne se différencie pas trop du reste. Les gagnants de la niche seront aussi ceux qui investissent dans les réseaux en propre, comme Puig avec Penhaligon’s ou l’Artisan Parfumeur par exemple. La catégorie qui va conaître le plus de changements risque d’être le bodycare car il y a un grand retour aux formats solides. Nous misons également sur le Home Fragrance, les gens ont redécouvert leur intérieur et vont avoir envie de beaux produits parfumants pour la maison.

Premium Beauty News - Quid de la tendance aux parfums naturels ?

Laurent Mercier - Nous avons organisé l’année dernière avec Stéphanie Marze, directrice marketing et communication, l’événement #GreenIsEasy, pour aider nos clients à naviguer dans ce domaine. Une soixantaine d’industriels y ont participé avec beaucoup de questions à la clé. L’idée était aussi d’expliquer que la nature pour la nature, ce n’est pas toujours un cadeau. Beaucoup de parfums conventionnels sont bien préférables en terme de carbon foot print aux parfums naturels si on les compare sur toute la chaine de valeurs. Il est difficile pour l’industrie de faire pour l’instant du tout naturel qui soit bon pour la planète, il y a une transition qui va prendre du temps. Nous avons apporté des explications sur l’état du marché, l’état des packagings, mais le sujet star était la règlementation et la certification. Il faut un vrai un travail d’accompagnement face à des clients qui sont vraiment en demande sur ce sujet du naturel, surtout post pandémie. Eurofragance continue dans ce sens avec une palette de parfumeurs qui évolue, et qui doit encore être améliorée. Notre industrie a compris qu’il fallait expliquer ce qu’était le « vrai » naturel, car ce mot cache beaucoup de non-dits et autres imperfections. Il est aussi malheureusement souvent utilisé au détriment du synthétique alors qu’en terme de biodiversité ils sont complémentaires. C’est ce devoir de transparence qui nous est cher, que ce soit auprès de nos clients ainsi que nos consommateurs et c’est une de nos principales missions pour les quelques années à venir.