L’émergence de la science du microbiote et sa pénétration nécessaire dans absolument tous les secteurs de nos vies, nous confrontent au fait que rien n’est jamais aussi simple qu’on le croyait. La nature invisible du microbiote, combinée avec son importance massive pour notre futur rendent la transition compliquée. Et, au delà de cet état de fait, le microbiote est une science compliquée.

Dans un monde qui a pris l’habitude de mettre trois bactéries sur une boite de pétri et d’observer leur comportement, il a fallu passer à la génomique, elle même faisant loi depuis une bonne quinzaine d’années déjà sur un grand nombre de problématiques.

Comme les vieilles habitudes ont la vie dure, ne pouvant rester sur boites de pétri, on essaye sur des modèles 3D. Un germe, deux germes, trois germes… pour étudier l’impact des actifs, des formules.

Et pourtant.

Avec plus de 500 variétés de micro-organismes, décrivant une signature différente sur chaque peau, cela semble presque futile.

Pour répondre à des questions ponctuelles, bien sûr ces modèles ont leur valeur. Mais le challenge du microbiote c’est bien que rien ne se limite jamais à un point de détail, puisque toute ce qui s’y passe s’inscrit au cœur d’une multitude d’écosystèmes et de circonstances en flux permanent. Comme la vie. N’en déplaise à Descartes, la vie ne se compartimentalise pas. Elle raconte l’histoire de l’interdépendance, de la co-dépendance, de la corrélation, des influences, des retro-feedbacks, des collaborations.

Il est clair que les modèles in-silico, qui commencent lentement à voir le jour, seront les seuls nous permettant de modéliser la complexité du microbiote. Des sociétés comme ProdermIQ ont bien compris cela, qui développent des modèles prédictifs de l’efficacité des actifs.

Mais, et la génomique me direz vous ?

La génomique c’est bien, mais, comme le génome humain en 2000 n’apportait pas de réponses immédiates, la génomique du microbiote ne décrit elle aussi que le premier étage d’une fusée qui en comporte de nombreux autres.

Le microbiote, c’est le billard à trois bandes par excellence. Et l’étude génomique, si elle a eu le mérite de nous permettre de le décrire, ne suffit pas à le comprendre. Pas toute seule en tout cas.

Nous le savons aujourd’hui, ironiquement aussi grâce au microbiote, un être humain ne se limite pas à ses gènes. C’est leur expression qui compte. Il en est de même pour un microorganisme. Alors évidemment, ça complique. Personne ne parle encore beaucoup d’épigénétique du microbiote mais il est certain qu’on y viendra.

En attendant, la métabolomique prend son envol et la protéomique, bien qu’encore chère et complexe semble lui être déjà supérieure.

L’étude du microbiote de la peau ne prend pas encore en compte le climat, le sommeil, l’alimentation. Toute ce qui constitue un individu et son environnement compte.

Mais ça marche pour tout, me direz vous ! Oui, mais ce n’est que récemment qu’on a commencé à prendre en compte ces choses là et elles sont loin d’être passées dans la pratique. Descartes, encore une fois, a la vie dure. Notre culture nous ramène toujours au familier et, quoiqu’on puisse penser, la science est un lieu ou les conservatismes sont aussi forts qu’ailleurs.

Le microbiote constitue donc un double challenge, de par la complexité qu’il introduit dans nos pratiques, à marche forcée, et de par le fait que la gérer nous oblige à sortir de nos cadres de pensée habituels.