Premium Beauty News - Vous avez initié un grand plan de transformation en 2019. Quelles en sont les lignes directrices ?

Éric Ducournau - Notre plan réaffirme d’abord ce qui différencie le groupe Pierre Fabre depuis sa création : L’Alliance du Médical et de la Naturalité. Ce positionnement s’appuie sur nos expertises complémentaires dans les sciences de la vie et de la nature : biologie cellulaire, biotechnologies, botanique et biodiversité.

Pour donner corps à ce positionnement, nous avons retenu trois domaines prioritaires d’investissement : l’oncologie, la dermatologie et la dermo-cosmétique. Ainsi, nous sommes la seule entreprise au monde à proposer des solutions pour prévenir les cancers de la peau, les traiter et prendre en charge leurs effets secondaires. Eau Thermale Avène propose par exemple des cures thermales destinées aux femmes qui ont suivi une chimiothérapie et des gammes de soins relipidants formulés sans aucun conservateur grâce à la Cosmétique Stérile.

Un autre axe de notre plan de transformation est la digitalisation qui doit irriguer toutes les fonctions de l’entreprise. En 2020, nous avons doublé la part du e-retail dans nos ventes et créé un centre d’excellence de la data qui a vocation à soutenir tous les métiers, de la R&D à la commercialisation.

Premium Beauty News - Pourquoi avoir cédé Galénic à Yatsen et Elancyl à Cantabria ?

Éric Ducournau - Ce sont deux très belles marques, très innovantes sur leurs marchés respectifs, mais qui ne correspondaient plus à notre positionnement stratégique alliant le Médical et la Naturalité. Galénic est une marque de soins visage haut de gamme et Elancyl une marque spécialisée dans l’amincissement. Or, nous voulons focaliser nos investissements sur des marques qui s’appuient sur la recommandation des dermatologues et qui ciblent en priorité les peaux abimées ou fragilisées, ce qui est le cas d’Eau Thermale Avène, de Ducray et d’A-Derma, ou sur des marques très végétales comme le sont Klorane et René Furterer.

Premium Beauty News - Existe-il des synergies entre vos activités médicales et dermo-cosmétiques ?

Éric Ducournau - C’est ce qui fait notre force dans l’univers mondial de la beauté ! Quelle autre entreprise cosmétique peut se prévaloir de posséder un centre de R&D qui accueille des chercheurs en oncologie, en dermatologie et en cosmétologie ? C’est précisément notre cas à Toulouse sur un campus où travaillent plus de 600 collaborateurs Pierre Fabre à proximité de laboratoires de recherche fondamentale, de biotechs et de médecins hospitaliers.

Des histoires extraordinaires d’innovation naissent de cette proximité entre chercheurs venus d’horizons différents. Par exemple, Avène va lancer cette année une crème solaire contenant un nouveau filtre baptisé Triasorb. Ce filtre provient de molécules découvertes et brevetées par une équipe de recherche médicale Pierre Fabre dans le cadre d’un programme contre la migraine. Le brevet déposé par l’équipe mentionnait un potentiel en protection solaire des molécules, ce qui a donné l’idée à une seconde équipe de se focaliser sur cette performance anti-UV pour aboutir à la découverte du Triasorb. Celui-ci est entré en 2018 sur la liste très fermée des filtres solaires autorisés en Europe.

Premium Beauty News - Le microbiome est aussi un sujet important pour le groupe.

Éric Ducournau - Oui, nous faisons partie des pionniers dans la compréhension du microbiome cutané dans la dermatite atopique. Près de la moitié des curistes accueillis à la station thermale d’Avène en sont atteints. C’est donc un observatoire sans doute unique au monde sur lequel s’appuie nos chercheurs pour poursuivre un important programme de recherche intitulé « microbiologie cutanée et dermatite atopique ». Leurs travaux ont donné lieu à plusieurs publications dans des revues internationales et nos équipes ont développé la première méthode non invasive d’analyse du microbiome cutané. Nous avons ainsi pu constituer une collection de microorganismes isolés aussi bien à partir de peaux saines que de peaux pathologiques, ce qui nous a permis d’analyser et de mieux comprendre les désordres cutanés liés à la dermatite atopique et de développer des soins permettant de restaurer la diversité bactérienne. C’est le cas de la gamme de soins Xéracalm d’Avène dont le principe actif est extrait d’une bactérie présente dans la microflore unique présente dans l’eau thermale. Nos travaux pharmacologiques ont démontré que cette bactérie stimule la production de peptides antimicrobiens qui défendent la peau contre les bactéries pathogènes.

Premium Beauty News - Le groupe Pierre Fabre a été précurseur avec l’invention de la Cosmétique Stérile, une technologie brevetée permettant de ne pas utiliser de conservateurs dans les produits de soin de la peau. Où en êtes-vous à ce sujet ?

Éric Ducournau - Vous avez raison de rappeler combien Monsieur Pierre Fabre avait été avant-gardiste en imaginant dès les années 1990 le premier système permettant la fabrication de soins stériles pour les peaux pathologiques ou fragilisées. À l’époque, il s’agissait de mono-doses à usage unique. Depuis, nous avons perfectionné cette technologie qui est devenue la Cosmétique Stérile en 2009. Grâce à la Cosmétique Stérile, nous formulons des produits ne contenant que des actifs essentiels pour la peau et sans conservateurs. Ils sont stérilisés au moment de leur fabrication selon un procédé unique, conditionnés en bloc stérile et leur stérilité est parfaitement garantie tout au long de l’utilisation. En 2020, nous avons encore amélioré le système de conditionnement avec une pompe miniaturisée très facile d’utilisation et totalement hermétique. Cette innovation est disponible sur la nouvelle gamme de soins visages Tolérance Control de la marque Eau Thermale Avène pour les peaux hypersensibles.

Premium Beauty News - Quels sont vos projets de croissance en Chine ?

Éric Ducournau - 2020 a été marquée par l’envolée du e-retail qui représente désormais plus de 60% de nos revenus en dermo-cosmétique. Cette accélération du digital a permis à nos marques de soins capillaires René Furterer et Klorane, récemment arrivées en Chine, de s’installer plus rapidement que prévu aux côtés d’Eau Thermale Avène qui est bien connue de toutes les Chinoises. En 2021, nous allons renforcer l’ancrage médical d’Avène en travaillant étroitement avec notre nouveau partenaire stratégique : l’hôpital de l’Université de Pékin et plus particulièrement son centre national de recherche clinique sur les maladies cutanées et immunitaires. Nous allons aussi développer notre marketing de précision et renforcer notre présence sur les réseaux sociaux pour recruter de nouveaux consommateurs.

En parallèle, nous avons beaucoup de projets en oncologie. Nous commercialisons une chimiothérapie par voie orale dans les cancers du poumon et du sein, et nous allons démarrer des essais cliniques pour une nouvelle thérapie ciblée dans le cancer colorectal que nous commercialisons déjà en Europe. A cela s’ajoute le relancement d’un traitement innovant dans la prévention de la récidive du cancer du sein dont nous venons d’obtenir les droits exclusifs auprès de la biotech américaine PUMA. Au-delà de la Chine, c’est toute la région APAC qui va bénéficier de nos investissements en oncologie.

Premium Beauty News - Où en êtes-vous en matière RSE et quelles actions mettez-vous en place pour réduire votre impact environnemental ?

Éric Ducournau - Jusqu’en 2018, les programmes de développement durable et de naturalité du groupe étaient suivis par plusieurs départements disséminés dans l’entreprise. En 2019, nous avons créé une entité dédiée, la Green Mission Pierre Fabre qui est en charge de notre politique RSE dans sa globalité et du sourcing de nos actifs naturels. Nos engagements sont alignés sur l’objectif de l’Accord de Paris visant à limiter l’augmentation de la température du globe à 2C° d’ici la fin du siècle. Pour faire notre part de l’effort, nous allons notamment réduire de 30% nos émissions de CO2 et utiliser 25% d’énergie renouvelable d’ici 2025. Par ailleurs, nous utilisons plus 400 extraits végétaux dans le groupe, et 80% d’entre seront bientôt issus de l’agriculture biologique. À titre d’exemple, Klorane vient de lancer une gamme de soin visage hydratant au bleuet bio cultivé par nos agronomes dans le Tarn. Son actif est extrait selon un procédé d’extrusion sans solvant à base d’eau distillée. La formule est naturelle à plus de 95% et le packaging est en verre recyclable. C’est un bel exemple de notre démarche d’engagement Conscious Care qui allie formulation sans ingrédients controversés ou inutiles, rigueur scientifique, maîtrise des filières d’approvisionnement, éco-conception et chimie verte.