Marie Huet, Directrice générale des Parfums d’Orsay

Beaucoup de créations mais une équation financière difficile pour de nombreuses marques. Si, pour David Frossard, distributeur de marques de parfumerie de niche sous le label Différentes Latitudes, créateur des parfums Liquides Imaginaires et directeur de la parfumerie indépendante parisienne Liquides, «  la parfumerie de très haut de gamme a un gros potentiel  » la question de la viabilité économique des très nombreuses marques lancées au cours des dernières années se pose. « Le marché devient de plus en plus mature et l’appel d’air créé par l’intérêt des grands magasins pour ce segment est terminé, » explique-t-il.

Équation difficile

La difficulté de conjuguer confidentialité et rentabilité oblige donc à nuancer le constat du phénoménal développement des parfums de niche au cours de la décennie passée. Car s’il est possible aujourd’hui de créer des lignes assez larges dans des volumes modestes, cela implique le plus souvent un prix en boutique supérieur à 100 euros le flacon, bien au dessus du prix moyen dans une parfumerie sélective classique. À ce prix on réduit forcément le nombre de clients potentiels !

Et impossible de mégoter sur la qualité. Toute la valeur de cette parfumerie repose sur son choix d’excellence à tous les niveaux. « Les amateurs de belle parfumerie veulent des produits sans défaut, ils attendent d’une petite marque de niche un niveau au moins équivalent à celui des marques de grands groupes, l’originalité en plus » souligne Marc Antoine Corticchiato, créateur de Parfum d’Empire.

L’originalité c’est aussi un risque supplémentaire. Pour le réduire, les marques de parfumerie alternatives élargissent leurs collections pour tenter de couvrir un maximum de goûts. « On se doit d’être originaux, segmentants. On ne fait pas des blockbusters qui plaisent à un maximum de personnes, mais une collection avec des senteurs très qualitatives mais très variées, » confirme Brigitte Wormser, chargée chez Beauté Prestige de la marque Atkinsons distribuée dans une trentaine de pays, dans un réseau très sélectif.

Pour les nombreuses marques françaises qui tentent leur chance sur ce marché, le salut passe par l’export. Contrairement à l’Allemagne ou à l’Italie et malgré les ouvertures récentes de points de vente spécialisés, la distribution française est presqu’entièrement entre les mains de grandes chaines.

Selon Nicolas Cloutier, co-fondateur de Nose, une des boutiques parisiennes spécialisées dans la vente de parfums et cosmétiques de niche, d’autres facteurs expliquent la difficulté de distribution de parfums d’exception, «  les boutiques en propre de plusieurs marques, la faiblesse des concepts de parfumeries, les droits au bail exorbitants, les charges sociales et d’entreprises s’ajoutant à une rentabilité fragile… Les français étaient aussi plutôt classiques dans leurs choix et leurs valeurs, les anglo-saxons étant plus portés sur le risque et l’importance d’être différent. Heureusement, Les choses changent !  ».

Vont elles changer avec l’arrivée du nouvel acteur Amazon ? Le géant de la vente en ligne vient d’inaugurer en France une plate forme dédiée à la vente de marques de parfumerie confidentielles. « Une erreur de casting  », selon Nicolas Cloutier. Un avis que ne partage pas David Frossard qui voit là l’opportunité de satisfaire la clientèle « très connectée » de la parfumerie alternative. Pour Marie Huet, Directrice générale des Parfums d’Orsay, « c’est très motivant de voir un acteur comme Amazon s’intéresser à nous, ce n’est certainement pas un hasard ».

L’union fait la force

Aux côtés de quatre autres membres personnalités de la parfumerie alternative en France - François Hénin, fondateur de Jovoy ; Ana Estevane, co-fondatrice de Perfarium ; Luc Gabriel, président de The Different Company ; et Nicolas Chabot, président de Le Galion Parfums - Marie Huet aura justement à cœur au sein du Comité Joséphine de fédérer, représenter, aider, défendre et promouvoir l’ensemble de ce secteur. Accompagnée par une commission d’experts (journalistes, parfumeurs, conditionneur, distributeurs), cette association qui doit son nom à Joséphine de Beauharnais, l’épouse de Bonaparte, passionnée de science et de botanique, se fixe pour objectif d’aider les consommateurs à mieux choisir, les marques à mieux communiquer et les distributeurs et points de vente à mieux identifier les « authentiques maisons de parfums rares ». Celles qui répondent aux critères de la charte de qualité́ et d’engagement du Comité Joséphine [1] pourront rejoindre le comité et bénéficier de son label de qualité.