Dernier épisode en date, l’ouverture fin juin de la parfumerie Nose, rue Bachaumont, dans une zone piétonne à proximité de la place des Victoires et du Sentier, un peu à l’écart des hauts lieux touristiques. « La clientèle que nous visons, ce sont les parisiens, les curieux et les gens du quartier, qui s’intéressent aux parfums de niche. Bien sûr, des étrangers et des personnes très à l’affut des tendances et des modes nous rendent également visite, mais ce n’est pas notre cœur de cible,  » explique Nicolas Cloutier, co-fondateur et Président de Nose [1].

Il y aurait donc de la place en France pour les marques de parfums alternatifs et les détaillants ?

Le chainon manquant de la distribution

« Nose est né du constat que la plupart des marques de parfums de niche sont françaises, mais qu’elles font généralement plus d’affaires à l’étranger qu’en France  », précise Silvio Levi, l’un des sept co-fondateurs, qui est également le créateur d’Esxense, l’événement annuel dédié à la parfumerie artistique à Milan.

La structure très concentrée de la distribution en France (les chaînes de parfumerie - telles que Marionnaud, Sephora et Nocibé - représentent plus de 70% du marché) rend les choses difficiles pour les petites marques. Une situation qui contraste avec la distribution italienne, qui compte une proportion bien supérieure d’indépendants, dont un nombre non négligeable s’intéresse de près à la parfumerie alternative. Une situation que l’on retrouve dans plusieurs autres pays européens, comme l’Allemagne, les Pays-Bas, ou même la Hongrie et la Roumanie.

« On compte en France 20 à 30 points de vente - boutiques traditionnelles ou concept-stores - qui prennent le contre-pied de l’offre standard. En Allemagne ou en Italie, ce sont 250 à 300 points de vente qui ont développé une vraie culture des parfums de niche,  » explique François Hénin, Président de Jovoy.

Là où les chaînes de parfumerie françaises voient des produits à faible taux de rotation, ces détaillants alternatifs perçoivent quant à eux une occasion de se différencier et de capter une clientèle exigeante et plutôt aisée.

Pourtant, les consommateurs français ont maintes fois démontré leur intérêt pour les marques originales, à faible diffusion, lorsque celles-ci parviennent à acquérir une certaine visibilité, en entrant dans quelques grands magasins, dans des concept-stores ou en ouvrant leurs propres boutiques. Selon Nicolas Cloutier, «  la clientèle de niche était existante, mais personne ne la servait, ou presque.  »

Une situation assez curieuse en fait, avec une offre abondante d’un côté, une vraie demande de l’autre, mais pas ou trop peu d’intermédiaires structurés.

Si certaines parfumeries de province - la Parfumerie de l’Opéra à Bordeaux, la Parfumerie Santa Rosa à Toulouse, ou la Parfumerie du Soleil d’Or à Lille - proposent depuis longtemps à leur clientèle une véritable offre alternative, il n’y avait aucun équivalent à Paris, où l’offre était éclatée entre les boutiques des marques, les grands magasins, et les concept-stores non spécialisés comme Colette ou L’Éclaireur.

« Nous avons pensé que cette situation pourrait mener à la résurgence des détaillants alternatifs en France et qu’il y avait une énorme opportunité pour reconstruire un réseau de distribution pour les marques de parfumerie de niche dans ce pays,  » explique Silvio Levi.

Parfumerie ambulante

Pour élargir la distribution et diffuser la culture de la parfumerie créative tant auprès des clients que des distributeurs, François Hénin, a imaginé de son côté, un concept original : la malle à parfums.

« Les deux obstacles à l’entrée de petites marques de niche chez les détaillants traditionnels sont le manque de trésorerie d’une part et le manque de place en rayons d’autre part,  » explique-t-il.

Pour les contourner, il a développé un concept de malle sur roulettes, capable de transporter les best-sellers de 16 marques différentes. La malle occupe un espace réduit au sol et le détaillant n’a que l’achat d’un nombre limité de produits à financer. Elle peut même trouver sa place dans des hôtels ou des spas.

« C’est une piste, mais nous réfléchissons à d’autres concepts possibles : la boutique éphémère dans un lieu de grand passage, ou la déclinaison de notre concept sous la forme de franchises en format réduit, de 30 à 40 m2.  »

Besoin d’expertise

Sur ce marché, les détaillants ne peuvent se contenter de se différentier par le seul assortiment de produits. Dans la mesure où la parfumerie créative se recentre sur le jus, au détriment du packaging et de la publicité, un gros travail d’éducation et de conseil est nécessaire auprès de la clientèle.

Chez Nose, on a ainsi conçu un outil informatique dédié qui facilite le choix du parfum, mais toujours avec l’aide et avec les explications d’un vendeur. De quoi séduire une clientèle à la recherche de nouveautés et tenter d’entrer dans un cercle vertueux de développement du marché. « Plus nous améliorerons le réseau de distribution, plus la demande augmentera, » insiste Silvio Levi.