Les jours des cabines de bronzage sont-ils comptés ? Dans un avis rendu aujourd’hui, 10 octobre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a demandé aux pouvoirs publics de « prendre toute mesure de nature à faire cesser l’exposition de la population aux UV artificiels ». En cause : un risque de cancer « avéré » sans que les rayons UV apportent le moindre bénéfice sanitaire significatif en retour.

« On recommande l’arrêt de l’activité liée au bronzage artificiel, et aussi l’arrêt de la vente d’appareils délivrant des UV à visée esthétique notamment aux particuliers », a expliqué à l’AFP Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques aux agents physiques à l’Anses, qui a suivi l’expertise.

Dans un avis rendu mercredi, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a demandé "aux pouvoirs publics de prendre toute mesure de nature à faire cesser l’exposition de la population aux UV artificiels" devant le risque de cancer "avéré". – Photo : © AFP / Thomas Coex

Dans un précédent avis en 2014, l’Anses recommandait « la cessation à terme de tout usage commercial du bronzage par UV artificiels » et jugeait que la dernière réglementation en date (2013) « constituait une réponse partielle et insuffisante au regard du risque avéré de cancers cutanés pour les utilisateurs ».

« On ne peut plus attendre », a souligné Olivier Merckel. « Les données scientifiques s’accumulent, il n’y a plus de doute, on a des preuves solides, le risque de cancer est avéré, on a des données chiffrées sur les risques pour les jeunes, pour toute la population, maintenant on recommande une action des pouvoirs publics ».

Aucun bénéfice, risque de cancer avéré

Alors que le Centre international de recherche sur le cancer a déclaré « cancérogènes certains » les rayonnements artificiels depuis 2009, l’interdiction des cabines de bronzage en France est demandée depuis 2015 par les dermatologues, l’Académie de médecine et même les sénateurs. Ces recommandations n’ont pas été suivies par le gouvernement à ce jour, qui s’est contenté de durcir la réglementation en vigueur, avec notamment l’obligation d’afficher dans les centres des mises en garde à l’attention des utilisateurs.

L’Anses relève « qu’aucune valeur limite d’irradiance ou de dose ne peut être fixée pour protéger les utilisateurs ». Concrètement, selon l’Agence : « Les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant l’âge de 35 ans augmentent de 59% le risque de développer un mélanome cutané. En France, il a été estimé que 43% des mélanomes chez les jeunes pouvaient être attribués à une utilisation de ces cabines avant l’âge de 30 ans ».

Olivier Merckel a rappelé que la réglementation interdisait la pratique du bronzage en cabines aux mineurs, « or les contrôles montrent qu’il y a encore une fraction non négligeable des moins de 18 ans qui le pratiquent ».

Selon un calcul récent publié par l’Agence, en France en 2015, chez les adultes de plus de 30 ans, 10.340 cas de mélanomes pouvaient être attribués à l’exposition solaire et 382 cas de mélanomes à l’exposition aux appareils de bronzage (1,5% des cas de mélanomes chez les hommes et 4,6% chez les femmes).

Par ailleurs, le brunissement induit par les UV artificiels est créé par un mécanisme différent de celui causé par le soleil. Conséquence, outre le risque de cancer, les rayonnements artificiels non seulement « ne préparent pas la peau » au bronzage, « ne protègent pas des coups de soleil », « ne permettent pas un apport significatif de vitamine D » mais provoquent un vieillissement de la peau « quatre fois plus rapide qu’avec le soleil ».

« Les UV à fin esthétique ne présentent aucun bénéfice », martèle Olivier Merckel.

Dénégations des professionnels

Du côté des professionnels du bronzage, on s’insurge. Selon le Syndicat national des professionnels du bronzage en cabine (SNPBC), la recommandation de l’Anses « ne repose sur aucune donnée scientifique fiable. Elle ne participe que d’une dérive hygiéniste dangereuse ».

D’après le Syndicat, « l’activité a été divisée par deux depuis 2009 et la polémique sur les risques des UV ». On compterait aujourd’hui 4.500 établissements en France dont 300 centres de bronzage spécialisés, les autres le proposant en activité secondaire. « Utilisé de manière raisonnée, le bronzage en cabine ne présente pas de dangerosité particulière », poursuit le Syndicat.

Le sérieux des professionnels a toutefois été questionné à l’occasion de différents contrôles. En 2016, 63% des 982 cabines contrôlées par la DGCCRF se sont révélées non conformes en raison de manquements à la sécurité ou de non-respect de la réglementation, qui interdit la publicité et les promotions. Certains appareils n’avaient fait l’objet d’aucun contrôle technique depuis sept ans, ou étaient opérés par des personnels sans aucune formation ni aucun diplôme d’esthétique.

Le Brésil et l’Australie ont interdit les cabines de bronzage. « Faut-il les supprimer ? Les reconvertir ? Ce n’est pas à nous de décider mais aux pouvoirs publics », selon le chef de l’unité d’évaluation des risques de l’Anses.

Le ministère de la Santé, contacté par l’AFP, n’a pas encore défini sa décision après l’avis transmis il y a « quelques jours ».