Nicolas Dewitte, directeur général du groupe Bogart

Premium Beauty News - Comment un groupe de marques de parfums et cosmétiques comme Bogart en vient-il à faire du retail ?

Nicolas Dewitte - Toute la stratégie du groupe découle de son histoire. Groupe Bogart a été créé en 1975 et s’est rapidement tourné vers l’international. Au fil des années, la société s’est développée à travers le rachat de marques de parfums comme Ted Lapidus et Balenciaga (nous avons revendu cette dernière à Kering 20 ans plus tard). Aujourd’hui, le groupe Bogart compte quatre marques de parfums (Jacques Bogart, Ted Lapidus, Carven et Chevignon), deux marques de soins (Méthode Jeanne Piaubert et Stendhal) et April qui est la marque enseigne sur plusieurs segments dont le soin, le maquillage, le bain. Nous avons progressivement développé la partie R&D puis l’acquisition d’usines de parfums et de cosmétiques/maquillage en France.

Nous sommes sur un modèle très intégré, avec nos usines, nos laboratoires, notre R&D, il est apparu assez logique d’ajouter le retail. Notre ambition est de devenir un acteur significatif de la beauté sélective.

Premium Beauty News - Qu’en est-il aujourd’hui de cette activité de distribution ?

Nicolas Dewitte - Il y a 15 ans, le groupe Bogart a racheté 20 boutiques April en Israël et donc testé ce modèle de fabricant / retailer. Aujourd’hui, nous avons 42 boutiques April en Israël, 32 boutiques en France, 87 points de vente en Allemagne avec le réseau HC, et depuis novembre 2018, 200 points de vente en Belgique au travers des réseaux Planet Parfums et Di, très implantés dans ce pays, auxquelles s’ajoutent depuis mai 6 nouvelles parfumeries en Flandres. Nous venons également d’entamer un partenariat de trois ans avec le Printemps qui commence par celui de Metz. Il s’agit d’un espace parfumerie April comprenant les principales marques sélectives du marché dont les marques du groupe, à l’intérieur du Printemps, ce qui nous permet de bénéficier d’un trafic significatif pour adresser une clientèle plus large.

Premium Beauty News - Est-ce destiné à devenir l’activité principale du groupe ?

Nicolas Dewitte - Notre positionnement est celui de fabricant-retailer de parfums et cosmétiques, mais il est vrai que pour la première fois cette année avec 370 parfumeries, le chiffre d’affaires des boutiques excèdera celui de l’activité « marques ». Au global, le CA avoisinera les 300 millions d’euros pour l’exercice 2019. Nous avons réussi à développer un modèle qui fonctionne en termes de rentabilité. C’est un outil formidable pour nous aider à développer les meilleurs produits, les meilleures marques et répondre au mieux aux attentes des consommateurs.

Premium Beauty News - C’est un pari audacieux dans le contexte actuel de la distribution sélective, qu’est-ce qui vous caractérise pour expliquer cette dynamique ?

Nicolas Dewitte - Nous mettons en avant une offre la plus large possible avec nos produits bien sûr mais aussi avec les marques des autres groupes. Mais ce qui nous caractérise c’est surtout d’être à la fois industriel et retailer, avec les réflexes correspondants qui vont nourrir les deux facettes. C’est à dire d’un côté, écouter les besoins des clients afin de développer une offre en adéquation. Avec 370 parfumeries, nous écoutons beaucoup et bénéficions d’une remontée d’informations directe extraordinaire sur 5 pays différents, sur les évolutions des tendances et les besoins des consommatrices, que nous pouvons transmettre aux équipes marketing, aux laboratoires. C’est un schéma très épanouissant.

D’un autre côté, le réflexe du fabricant va porter sur une expertise forte des équipes de vente dans les parfumeries, avec des personnes qui comprennent vraiment ce qu’est un concept olfactif par exemple, des professionnels de la beauté et du bien-être diplômés. Nous essayons de transmettre le savoir-faire industriel de nos laboratoires R&D jusque dans les boutiques pour que nos clientes ressentent une écoute particulière au sein d’une parfumerie April. Il y a une spécificité en France que l’on ne réalise pas forcément, c’est que nous avons des conseillères très expertes. Nous avons tout intérêt à développer cette exigence française, cela nous rend plus forts et plus exigeants sur les autres pays.

Le développement de partenariats avec des marques prestigieuses est un fort axe de développement du groupe (Hermès en Israël par exemple). Nous restons attentifs à d’autres propositions, en Europe notamment, pour agrandir le réseau.

Premium Beauty News - C’est votre conception de la vente en magasin en France ?

Nicolas Dewitte - Nous pensons qu’il doit y avoir un lien très fort entre les industriels et le retail. Notre développement passera par des partenariats intelligents avec de vrais experts des cosmétiques des marques pour avoir à la fois une offre large et complète et cibler aussi sur certains axes. Pour exemple, le dernier parfum Carven, Dans ma Bulle, est entré au bout de quelques mois dans le top 5 des parfumeries April dans plusieurs pays, et ce, à côté de poids lourds comme La Vie est belle ou J’Adore. Ce qui prouve qu’en présentant une marque avec un travail très qualitatif, même si c’est une marque alternative, on arrive à faire des choses formidables avec une clientèle qui prend beaucoup de plaisir à découvrir une parfumerie différente. Il est clair qu’en proposant une offre plus large on arrive à toucher une autre clientèle. L’essentiel étant de rester extrêmement attentif aux attentes des clients.

Premium Beauty News - Comment voyez-vous les choses évoluer ?

Nicolas Dewitte - Le retail et le e-commerce vont fusionner. On nous prédisait la mort du retail à l’arrivée du e-commerce or même si c’est une évolution forte nous ne sommes pas sur un phénomène de remplacement. La vraie tendance va être la fusion des deux. Les fonctions du e-commerce comme le re-targeting par exemple sont de mieux en mieux utilisées dans le commerce physique, et la remontée d’informations, viendra aussi des points de vente. Chacun pensait que les data allaient venir du web grâce à un trafic important mais il y a déjà à l’intérieur des boutiques énormément d’informations précieuses sur les besoins et comportements des consommatrices, cela viendra nourrir un ensemble. Les retailers comme April qui réussiront cette mutation au service de leur clients ont une carte à jouer.

Nous souhaitons accélérer sur l’e-commerce et venons d’ailleurs de relancer le site www.april-beauty.com il y a un mois sur la France.