La compatibilité contenant-contenu est définie généralement comme la garantie que les qualités d’un produit (organoleptiques, sécurité et hygiène, etc.) et ses propriétés intrinsèques (intégrité, état activités et performances, etc.) soient présentes tout au long de la durée de vie. C’est une étape incontournable du développement d’un nouveau produit : elle seule garantit la sécurité et la performance du produit annoncée aux consommateurs.

Pour les marques cosmétiques, le rôle majeur du système d’emballage dans cette compatibilité est de protéger la formule du produit et de limiter les phénomènes possibles d’absorption, d’adsorption, de perméation, de perméabilité ou de relargage : le contenant ne devant pas contaminer ou transférer des composés susceptibles d’altérer ou modifier le contenu. Ainsi la compatibilité inclut le fait que le « contenant doit protéger le contenu jusqu’à la fin de sa durée de vie » et « ne pas avoir un impact inacceptable sur le produit emballé », dans les conditions normales et prévisibles de stockage et d’utilisation.

Les modifications induites par des dégradations du produit peuvent être de quatre ordres et entraîner des conséquences sur :

 ses caractéristiques organoleptiques,
 sa composition chimique,
-son profil microbiologique,
 ses données toxicologiques.

Le règlement cosmétique européen (1223/2009 du 30 novembre 2009) pose une règle générale selon laquelle les produits cosmétiques mis sur le marché doivent être sûrs pour la santé humaine dès lors qu’ils sont utilisés dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles (article 3). Cette exigence de sécurité s’applique au produit cosmétique avec son emballage. Toutefois, le Règlement n’a pas pour objet de réglementer les emballages qu’il examine uniquement par le biais des interactions contenant-contenu.

Tests de stabilité physique

Afin de s’assurer qu’aucun problème de stabilité n’est induit par le type de conteneur et d’emballage utilisé, le CSSC [1] recommande de réaliser des essais de stabilité physique avec des conteneurs inertes et ceux destinés à être utilisés sur le marché. Certains industriels utilisent les référentiels pharmaceutiques (ICH10). Par ailleurs, un guide de bonnes pratiques de stabilité pour les produits cosmétiques est en cours de finalisation auprès de l’ISO (ISO/AWI TR 1881112).

Le test de stabilité permet de s’assurer que le produit répond aux normes physiques, chimiques et microbiologiques prévues lorsqu’il est stocké dans des conditions normales et raisonnablement prévisibles. Le produit est ainsi exposé à différentes conditions telles que les changements de température, l’humidité, ou encore la lumière UV. Il détermine la durée limite d’utilisation du produit (DLU) et la période d’utilisation après ouverture (PAO). Ce test peut être réalisé grâce à une méthode de vieillissement accéléré (1 à 3 mois) ou bien en temps réel.

Intégrité quantitative et qualitative

La formule du produit, en contact avec le contenant peut parfois subir des altérations physico-chimiques provoquant une modification de ses propriétés cosmétiques, de la performance des actifs ou de son intégrité. Il est nécessaire dans cette analyse de compatibilité d’étudier, étape par étape, les possibles migrations des composants de l’emballage dans la formule et ce dans différentes conditions d’humidité et de température mimant les conditions normales et réelles d’utilisation et les potentielles évolutions dues au vieillissement du produit avant sa date limite d’utilisation.

Après l’étude bibliographique des contaminations possibles, et avant toute quantification par des méthodes analytiques sophistiquées, la compatibilité de la formule avec son contenant comporte tout d’abord une étude visuelle et sensorielle (norme NF-ISO-5492 ) des caractéristiques organoleptiques du produit, de son odeur, de sa texture, de sa couleur en particulier.

Les analyses de la formule réalisées à différents temps de contact et dans des conditions variées de stockage permettent de mesurer : la stabilité de la formule, l’intégrité quantitative et qualitative du produit cosmétique grâce à des technologies analytiques de pointe telles que la chromatographie en phase gazeuse (GC), la chromatographie en phase Gazeuse couplée à un Spectromètre de Masse (GCMS), la spectrométrie de masse, la chromatographie en phase Liquide couplée à un Spectromètre de Masse (UPLC MS/MS)…

Ces analyses couplées à des dégradations thermiques contrôlées vont permettre de vérifier si des contaminations de l’emballage vers le produit ont lieu et si des pollutions qu’elles soient minérales, métalliques ou plastiques endommagent la formule sous forme de traces, d’impuretés ou par la présence de substances interdites (additifs, les colorants, plastifiants, solvants, antioxydants).

Par ailleurs cette étude des interactions contenant-contenu peut être accompagnée en amont de l’analyse de l’emballage lui-même qu’il soit en carton, plastique, aluminium, verre. Face à une règlementation mondiale importante, les fournisseurs d’emballage réalisent généralement ces tests en amont pour garantir la conformité de leur emballage avec l’usage cosmétique et valider qu’il n’y ait pas de phénomènes d’oxydation ou de migration.

Nouveaux défis

À l’inverse du secteur agroalimentaire, l’industrie cosmétique ne propose pas aujourd’hui de cadre de référence ou de lignes directrices encadrant l’analyse systématique des interactions contenant-contenu. Des consortiums d’étude rassemblant des acteurs du packaging, de la formulation et de l’analyse ont vu le jour en France ces dernières années comme le groupe de travail Cosmetopack réunissant 17 partenaires des matières plastiques jusqu’aux fabricants de cosmétiques en passant par les toxicologues, les écoles et les filières professionnelles. En complémentarité, le consortium CosmetBooste a pour objectif en partenariat avec différents acteurs du secteur de proposer une plateforme d’expertise numérique afin d’évaluer les risques pour la santé humaine, liés aux interactions contenu-contenant grâce au développement de modèles prédictifs, et ainsi de favoriser l’écoconception par l’intégration de matière recyclé.

En conclusion, l’étude des interactions content-contenu apparaît comme une étape cruciale du développement de la sécurité des cosmétiques. Dans un contexte où l’écoresponsabilité des consommateurs est grandissante et que les cosmétiques solides (diminuant l’utilisation d’emballage) se font de plus en plus présents, il convient de prendre le sujet au sérieux. Par ailleurs les défis de l’upcycling et du recyclage font naître de nouveaux besoins de vérification et de validation de ces contenants afin de garantir aux consommateurs sécurité et performance tout au long de l’utilisation du produit cosmétique quel qu’il soit.