Si l’édit du 5 octobre 1688, dit « Édit de Colbert », s’efforce de limiter l’utilisation du nom « savon de Marseille » aux savons fabriqués avec une teneur minimale de 72% en masse d’acides gras issus d’huile d’olive et sans aucune graisse animale, l’utilisation d’huile de coprah ou d’huile de palme est néanmoins attestée dès le 18e siècle. Facilitée par le statut de grand port colonial de la ville, l’importation d’huiles exotiques d’Asie du sud-est ou d’Afrique procure aussi des avantages techniques grâce à leur pouvoir solidifiant supérieur. Au cours du 19e siècle, l’ajoute d’huile de coco ou d’huile de palme permettant de sécher plus vite les savons et d’obtenir un meilleur pouvoir moussant s’est généralisée.

Dans le cadre de sa démarche RSE, la Savonnerie Fer à Cheval avait déjà supprimé l’huile de palme de ses formules depuis plusieurs années, mais l’entreprise continuait à utiliser de l’huile de coprah, principalement pour des raisons techniques. « Nous utilisions en moyenne 84 tonnes d’huile de Coprah par an (6 citernes) pour la marque Fer à Cheval », explique Raphaël Seguin, président de l’entreprise.

Or, selon l’entreprise, le transport d’une citerne d’huile exotique depuis l’Asie, l’Amérique du sud ou l’Afrique, représente une émission d’environ 9,4 tonnes de CO2, là où l’acheminement d’huile de grignon d’olive issue du bassin méditerranéen n’émet que 3 tonnes de CO2, en moyenne. Sur l’ensemble de la production de l’entreprise, cela représente une réduction de 38,4 tonnes des émissions de CO2 (-68%), indique la Savonnerie Fer à Cheval.

Le retour à la recette originale 100% huile d’olive a toutefois représenté un véritable défi industriel. « C’est une chose de créer un savon en laboratoire, mais il est beaucoup plus délicat de maitriser sa production à l’échelle industrielle tout au long de l’année, quelles que soient les variations de température et d’humidité », souligne Mario Pontarollo, Directeur commercial.

Au total, il a fallu deux ans pour mettre au point la nouvelle formule et s’assurer que la qualité des savons restait identique. L’huile de grignon d’olives est en effet composée d’acides gras insaturés qui risque de rendre le savon trop malléable. « La fabrication d’un chaudron 100% olive demande donc un savoir-faire particulier et un suivi minutieux de nos maîtres-savonniers. Le séchage a également été adapté afin d’optimiser la texture du savon pour le moulage, mais surtout pour son utilisation au quotidien. Un savon trop mou n’apporte pas le même confort d’utilisation et s’use beaucoup plus vite », indique Raphaël Seguin.

Grâce à cette transition, les quarante références de la gamme olive (qui représentent 80% de ventes de la savonnerie) ne contiennent donc plus d’huile exotique. Le savon de Marseille traditionnel ne contient lui que quatre ingrédients : de l’huile d’olive, de la soude, de l’eau et du sel marin. « Nous sommes actuellement les seuls de la profession à respecter la recette originale. C’est une retour sources », se félicite le dirigeant.

Aujourd’hui, la Savonnerie Fer à Cheval produit 1200 tonnes de savons en moyenne par an nécessitant 220 tonnes d’huiles d’olive, un chiffre qui devrait passer à 300 tonnes annuelles dès 2022 du fait de la transition vers la formule 100% olive. Les produits sont commercialisés dans un circuit sélectif, permettant d’expliquer les spécificités du produit. L’entreprise emploie 40 salariés pour un chiffre d’affaires de 7,8 millions d’euros, dont 80% en France et 20% à l’étranger. La marque est présente dans 24 pays, principalement sur le continent asiatique, mais aussi en Amérique du nord, en Europe et en Australie.

Pour aller plus loin dans sa démarche, la marque étudie un procédé utilisant moins d’eau et permettant de conserver la glycérine. La gamme cosmétique devrait également être élargie, notamment avec des shampooings solides en préparation.