Premium Beauty News - Dans quelle mesure la hausse des coûts de production affecte-t-elle les produits cosmétiques ?

Emmanuel Guichard - Le contexte d’inflation pour le rayon hygiène cosmétique est équivalent à celui de l’alimentaire. Le secteur subit l’impact de la hausse de toutes les matières premières, de l’énergie et des salaires. Par exemple, sur les huiles, c’est plus de 50% versus 2021, sur les emballages en plastique c’est plus 30% par rapport à 2021, et cette hausse s’est accélérée avec la guerre en Ukraine. En revanche, l’augmentation des coûts de production a été très peu répercutée sur le prix de vente public des produits.

Premium Beauty News - Pourquoi cette stabilité des prix par rapport, notamment à l’alimentaire ?

Emmanuel Guichard - Dans notre secteur, les négociations commerciales se font en octobre novembre pour un prix applicable à cette date. Or, quand à cette période nous avons construit les tarifs, nous étions loin de cette explosion inflationniste. Aujourd’hui, les marques font face à des coûts d’achat liés à des équations économiques qui n’avaient pas été anticipées. Si l’augmentation avait été répercutée auprès des consommateurs, nous serions probablement sur des produits de 8 à 10% plus chers.

Premium Beauty News - Quelle est la position la grande distribution ?

Emmanuel Guichard - À notre connaissance, elle refuse l’ouverture de négociations anticipées. Et nous sommes doublement pénalisés par la loi EGalim [1]. Cette loi impose aux distributeurs de bloquer les promotions des produits de l’alimentaire au delà de 30%. Nous ne sommes pas soumis à ce blocage donc pour les distributeurs, le produit d’appel devient celui de la catégorie hygiène cosmétique, les promotions peuvent aller jusqu’à des réductions de 80%.

Premium Beauty News - Que demande la FEBEA pour parer à la situation ?

Emmanuel Guichard - La FEBEA a obtenu une saisine du médiateur des entreprises par le Ministère de l’économie pour évaluer la situation et envisager un cadre qui permette une réouverture des négociations et l’élaboration de bonnes pratiques . Nous avons réussi à ce que le Ministère de l’Économie reconnaisse cette hausse des coûts pour le secteur et qu’il soit conscient de l’importance de notre participation à l’économie, 90% de nos produits est fabriqué en France.

Premium Beauty News - À quoi faut-il s’attendre ?

Emmanuel Guichard - Nous allons probablement aboutir à une charte de bonnes pratiques, et aussi préparer le terrain pour l’an prochain. Nous entrons dans une ère d’inflation et cela va continuer. L’objectif derrière cela, est de permettre à toutes les entreprises dont les PME d’avoir un cadre qui leur permette d’aller en négociation sans avoir peur de se faire déréférencer.

Premium Beauty News - Pourquoi faut il revaloriser les prix dès maintenant ?

Emmanuel Guichard - On parle uniquement des situations où les hausses de matières premières sont telles que la renégociation est nécessaire. Tous les produits et toutes les entreprises ne sont pas concernées et c’est à chacun de mener librement cette négociation. Si la grande distribution n’est pas prête à une augmentation de 8 à 10% en juillet, cela va être 15% en novembre. Dans tous les cas il faudra le faire, donc il nous paraît plus logique de le faire le plus tôt possible pour que la marche soit moins haute dans six mois. Il y a aussi la réalité économique. Il ne faut pas attendre d’être au bord du précipice, c’est à dire devoir arrêter de produire.

Dans les autres pays d’Europe qui ne sont pas soumis aux mêmes lois, les hausses ont déjà eu lieu. En Allemagne, ils en sont déjà à leur troisième augmentation. Or notre secteur cosmétique exporte 60% de sa production. Donc s’il n’y a pas de revalorisation en France, où il y a déjà une baisse en valeur de nos prix depuis ces dix dernières années dans la grande distribution, à terme il n’y aura plus les volumes. Il va devenir plus intéressant pour ces marques de travailler à l’export, c’est vraiment le sujet.

Premium Beauty News - Quel est l’impact de l’inflation sur la demande ?

Emmanuel Guichard - À ce jour nous ne voyons pas d’érosion de la consommation des produits cosmétiques, mais il n’y a pas eu d’effet prix majeur puisque les hausses n’ont pas eu lieu. Mais si du jour au lendemain le prix du shampoing augmente de 20%, nous risquons de perdre le consommateur, alors que si c’est progressif peut être que son comportement sera différent.