Premium Beauty News - Qu’est-ce qui vous a poussé à assumer le rôle de Maître Parfumeur maison chez Osmo ?
Christophe Laudamiel - Rejoindre Osmo a été une bouffée d’air frais. Cette entreprise cherche sans relâche des bases scientifiques, technologiques et créatives véritablement ouvertes et à la pointe de la technologie, et les trouve !!
Osmo est une entreprise de parfumerie basée sur l’intelligence artificielle, les logiciels et l’art. La possibilité de combiner vision artistique et technologie de pointe est une bénédiction. Cela fait une énorme différence d’avoir pour CEO un scientifique de haut niveau, titulaire d’un doctorat, le Dr Alex Wiltchko. C’est aussi un dirigeant pour qui le parfum est une passion depuis l’adolescence. Je dirais que la passion, les visions, en fait les olfactions, futuristes, sont partagées de manière organique, viscérale chez Osmo et avec nos clients. De plus, la R&D d’Osmo ne s’intéresse ni aux crèmes anti-âge, ni au stylisme de mode (domaines de la vue et du touché), ni à la nourriture pour animaux de compagnie ou aux fausses fibres pour hamburgers : tout ce que je considère comme des distractions bizarres vers lesquelles l’industrie s’est orientée au cours des 10 dernières années. Nous sommes dans l’olfaction à 100% et nous y consacrons toute notre énergie.
Aussi, je crois qu’accueillir un parfumeur interne est la chose la plus cohérente à faire si l’on prend la parfumerie au sérieux. Il est évident dans la mode, l’architecture et la gastronomie d’avoir un créateur pour chaque maison. Cela a été une évidence pour Osmo dès le début et une bénédiction pour moi d’être invité à les rejoindre.
Premium Beauty News - Pouvez-vous nous expliquer comment l’IA s’intègre dans votre processus créatif et dans le développement de nouvelles molécules ?
Christophe Laudamiel - Chez Osmo, nous utilisons l’IA pour ce que les humains ne peuvent pas faire ou ne savent pas faire bien. Elle analyse des milliards de molécules pour identifier des propriétés olfactives ou environnementales uniques. Il faudrait à un parfumeur, sentant chaque molécule pendant seulement 5 minutes, 66.000 ans pour toutes les passer en revue. Même avec l’IA, ce processus ne se fait pas en un jour. Nous n’avons même pas encore atteint le milliard de molécules.
Nous utilisons aussi l’IA pour suggérer aux parfumeurs ou aux robots d’autres façons de créer des odeurs similaires afin d’optimiser une formule existante, ou pour créer l’imprimante d’odeurs du futur. Les applications sont multiples, en interne et pour de nombreuses autres entreprises ou parfumeurs de tous horizons. On sait bien que les formules contiennent encore un peu de gras car il est difficile pour les humains de tester toutes les possibilités : on parle ici de 100, voire de 1000 modifications théoriquement nécessaires pour optimiser chaque formule, avant de la mettre en production.
Premium Beauty News - Certains professionnels de l’industrie de la parfumerie ont exprimé leur scepticisme vis-à-vis de la rapidité d’Osmo et la sécurité de ses molécules. Comment assurez-vous que vos innovations répondent aux normes les plus élevées ?
Christophe Laudamiel - Certains de ces sceptiques sont probablement la raison pour laquelle l’industrie évolue à un rythme de mammouth depuis 40 ou même 400 ans.
Osmo est membre du Research Institute for Fragrance Materials (RIFM) et compte des investisseurs issus de l’industrie pharmaceutique. Nous sommes ainsi parfaitement au fait des exigences de la FDA et de REACH, et même de normes plus exigeantes que ce qui est requis en parfumerie. Notre rapidité est le résultat de l’utilisation intensive de l’IA et d’une collaboration fructueuse et sans filtre entre chimistes, toxicologues, parfumeurs et …. de l’évaluation de ces molécules. Le laboratoire de parfumerie et le laboratoire de chimie sont côte à côte, séparés par une simple vitre transparente. Pas de trajet en voiture, pas de vol en avion, pas de réunion de direction entre les deux. Cela existe-t-il ailleurs dans le monde ? Chez Osmo, nous prenons la sécurité au sérieux, la chimie au sérieux et les nez au sérieux, pour aboutir en quelques minutes à des décisions, et enthousiasmer le public en quelques mois.
Enfin, comme beaucoup de clients raisonnables, nous acceptons le fait que les molécules soient lancées région par région. Le monde n’est pas encore scientifique, même en ce qui concerne la sécurité. C’est pourquoi nous sommes heureux de répondre aux besoins d’une région, même si une autre crée des barrières non scientifiques pour les parfumeurs et les consommateurs.
Premium Beauty News - Quel est, selon vous, l’avenir de la parfumerie ? L’IA va-t-elle complètement changer la façon dont les parfums sont créés et portés ?
Christophe Laudamiel - L’IA va certainement changer notre façon de créer. Les parfumeurs d’excellence, comme les architectes d’excellence, resteront très demandés. Mais l’IA peut vérifier que les nouveaux parfums ne sont pas des copies ou des remix. L’IA peut optimiser les formules, au moins sur des critères objectifs tels que le remplacement des molécules, le coût, le nombre de pesées, le nombre de bases pré-mixées. Sur ce point par exemple, nous avons trouvé une molécule de melon si juteuse qu’on la boirait (je suis partial) : elle remplace à elle seule 5-6 molécules qu’il faudrait pour recréer ce joli melon charentais juteux et ensoleillé. Soyez bienvenus.es à notre table !
La version complète de cet article a été publiée dans notre numéro spécial Fragrance Innovation de janvier 2025, à lire ici. |