Avant 2019, le nombre de références de cosmétiques solides en GMS était quasi nul. Trois ans plus tard, la donne a nettement changé avec une progression en valeur de +17%. Une progression qui s’explique notamment par l’entrée sur ce segment des mastodontes de la beauté tels que Garnier, Dop (L’Oréal), Nature Box (Henkel) mais aussi Nivea (Beiersdorf), Sanex (Colgate-Palmolive), ou encore Corinne de Farme (Sarbec).

« En tant que marque leader de son industrie, il nous a semblé indispensable de démocratiser ce nouveau geste de beauté plus responsable et d’accompagner nos consommateurs dans son adoption », explique Stéphanie Borri, directrice générale de Garnier France.

« 7,5% des Français ont acheté au moins une fois de la cosmétique solide dans l’année (2021) contre 1% en 2019 », ajoute Anaïs Dupuy, experte hygiène beauté chez Kantar. En France, le chiffre d’affaires de la cosmétique solide s’élève aujourd’hui à 85,5 millions d’euros (de novembre 2021 à octobre 2022) et sa part de marché avoisine les 1,5% et les 0,2%, hors savons (source IRI tous circuit GMS - hors dentifrices et déodorants en stick).

Le haircare, n°1 en termes de recrutement

« Les solides pour les cheveux représentent un peu moins de 13% de part de marché, suivis par le visage avec 2,1% et précédés par le savon avec 83,4% », indique Valérie Locci, responsable grands comptes chez IRI. « Si on exclut le savon, le haircare porte nettement le marché en comparaison à d’autres catégories encore marginales en GMS comme celle du rasage, du bain douche ou encore du déodorant », ajoute-t-elle.

Une analyse à nuancer toutefois, puisque l’institut exclut de ses calculs « les déodorants en stick écologique (carton, rechargeable) », dont le poids est donc « probablement sous-représenté ».

Une appétence pour le format solide que confirme Anaïs Dupuy : « Le haircare, principalement le shampooing, a fortement recruté en 2021 avec +6,5 points contre +2,4 points en 2019. Aujourd’hui, le consommateur accorde 25% de son budget shampooing global au shampooing solide. Cela montre bien que cette nouvelle gestuelle s’ancre dans les habitudes d’achat ».

Un segment en quête d’innovation

Pourtant, la cosmétique solide n’a pas toujours eu bonne presse. « Ce n’est pas pratique, ça ne mousse pas, ça ne lave pas bien, ça fait les cheveux pailleux et j’en passe », s’amuse Laure Favre, co-fondatrice [1] de la toute nouvelle marque beaudy. Pourtant, selon elle, la demande de cosmétiques solides clean et responsables est particulièrement forte. D’où l’importance de formules innovantes.

Fini donc le shampooing solide posé dans une coupelle et qui flotte dans son jus, les marques ont redoublé d’ingéniosité pour rendre accessible et ludique la gestuelle des produits solides : porte-savon ventouse, filet pour finir son produit jusqu’au bout, jolie trousse de voyage imperméable… Tout doit être bien pensé pour séduire le consommateur et lui donner envie d’essayer.

Et ça marche ! « 50% de notre chiffre d’affaires aujourd’hui est réalisé grâce au réachat », nous raconte Sarah Pouchet, co-fondatrice d’Unbottled qui a sorti il y a quelques semaines son démaquillant solide waterproof accompagné des lingettes réutilisables.

« L’enthousiasme des marques pour la cosmétique solide confirme une prise de conscience écologique qui se traduit par la diminution de l’usage du plastique pour les packagings mais aussi de l’eau, qui peut monter jusqu’à 80% dans une formule cosmétique », souligne Sophie Lauret, fondatrice de Comme Avant. « En revanche, je mets un bémol sur la composition, sur laquelle de notre côté nous avons toujours été irréprochables. Nous avons fondé la marque sur cette valeur fondamentale : une composition clean pour la santé de toute la famille », précise-t-elle.

Démocratisation de l’offre

« De nombreuses marques émergent sur tous les circuits et parallèlement le solide se fait gentiment sa place en GMS. Le grand public finit par s’en emparer, ce qui crée un segment en croissance », résume Valérie Locci, IRI.

Le profil de l’acheteur de shampooings solides est d’ailleurs loin de se cantonner aux « bobos parisiens ». « Il est proche du profil de l’acheteur de shampooing liquide aussi bien en termes sociodémographiques que d’âge et de classe sociale », explique Anaïs Dupuy.

Les marques interrogées confirment un profil consommateur assez large : majoritairement des femmes, entre 30 ans et 50 ans qui achètent pour elles et pour leur foyer un peu partout en France. « Chez Lamazuna, nous avons un socle de fans qui s’élève à 20% environ. Cependant, nous remarquons que les consommateurs sont plus fluctuants qu’avant 2019, ce qui s’explique très certainement par l’abondance de l’offre actuelle. Ils ont envie de tester plusieurs marques et c’est tout à fait logique », explique Laëtitia Van De Walle, fondatrice de la marque pionnière du solide en France.

En 2022, Garnier Ultradoux a même lancé une nouvelle référence solide à destination, cette fois, des enfants, un shampoing à l’abricot et à la fleur de coton. « Proposer une gamme de solides, sans aucun déchet plastique, est une étape de plus dans notre engagement pour une beauté plus verte et plus durable. C’est aussi une réponse aux attentes de nos consommateurs », explique Stéphanie Borri. Elle nous confie que des projets sont en cours sur la marque Fructis.

« Le fait que cette nouvelle galénique soit de plus en plus présente en grandes surfaces, alors qu’on la voyait jusqu’alors majoritairement en magasins bio, en distribution sélective et sur Internet, nous rappelle l’engouement connu avec le bio il y a quelques années », présage Anaïs Dupuy.

Mais la diversification de la distribution se poursuit aussi en centre-ville. Après une entrée dans le réseau Sephora en tout début d’année, Unbottled vient tout juste d’installer sa première boutique en propre à Paris, au 60 rue Vieille du Temple dans le 3e arrondissement. Un choix mûrement réfléchi qui s’explique selon Sarah Pouchet par deux forts constats : les coûts cachés du e-commerce et le besoin des consommateurs d’expérience en magasin.

« En effet, aujourd’hui pour avoir du trafic en ligne il faut dépenser des sommes folles. Il y a selon moi un mouvement inverse qui s’opère tout doucement dans le secteur qui consiste à réviser sa vision du retail pour revenir davantage en physique. De plus, les consommateurs n’ont pas, comme on l’entend parfois, envie de rester derrière leur ordinateur. Ils sont friands de se déplacer en magasin pour vivre une expérience unique et c’est ce qu’on leur propose avec cette nouvelle boutique : de tester avant achat cette nouvelle gestuelle liée à la consommation de cosmétiques solides », explique la créatrice. Évidemment, la marque s’occupe parallèlement de sa clientèle e-commerce et lancera l’année prochaine son site internet en plusieurs langues afin de franchir - virtuellement - les frontières de la France.

Des données encourageantes pour un marché encore tout jeune et dont la diversification s’amorce à peine !