Un contexte réglementaire exigeant

Alors que la formulation des produits de protection solaire était au cœur de la dernière édition du salon In-Cosmetics, un expert du sujet rencontré à ce sujet expliquait que, selon lui, « formuler des produits solaires c’est avant tout prendre en compte les différentes réglementations. »

De fait, compte tenu de l’enjeu qu’ils représentent en matière de santé publique, le cadre réglementaire s’est considérablement renforcé pour ces produits. Les préconisations de la recommandation européenne du 22 septembre 2006 vis-à-vis de la protection contre les UVA, auxquelles viennent s’ajouter le statut incertain des nanomatériaux et les différentes spécificités géographiques, rendent particulièrement délicate la tâche des formulateurs.

Les choses se compliquent encore du fait d’une harmonisation encore partielle des méthodes d’évaluation in vitro. « Au niveau du Comité de normalisation européen, un groupe travaille sur la création, la mise à jour et l’harmonisation des méthodes d’analyses des produits cosmétiques, dont les produits solaires. Les travaux du groupe ISO sur les produits cosmétiques viennent en appui. Concernant les produits solaires, les résultats peuvent différer suivant les protocoles utilisés. C’est pourquoi l’apparition de normes internationales et européennes harmonisées facilitera le travail en amont pour les formulateurs. La Commission a déjà donné un avis favorable pour une méthode in vitro de mesure de FPS basée sur la transmittance, au niveau de l’efficacité waterproof les discussions sont en cours,  » résume Laurence Mulon, consultante en stratégie de développement et affaires réglementaires.

Respecter le ratio UVA/UVB

Autre contrainte, relativement récente celle-là, la nécessité pour chaque produit d’être efficace à la fois contre les rayonnements ultraviolets B (UVB) et contre les rayonnements ultraviolets A (UVA). Lors d’expositions prolongées, les UVB sont à l’origine des coups de soleil tandis que les UVA en pénétrant plus en profondeur causent un vieillissement accéléré et peuvent contribuer à l’apparition de cancers.

Source : Croda

L’Europe, via Cosmetics Europe, l’organisation représentant les industriels, les États-Unis, mais aussi l’Asie, demande donc des produits au large spectre. L’exigence est portée en Europe et aux États-Unis sur un ratio entre UVA et UVB égal à 1/3 avec une longueur d’onde critique de 370nm. Un équilibre difficile à atteindre lorsque l’on recherche des FPS élevés.

C’est pour surmonter cette difficulté que Croda a lancé en 2010 la gamme Solaveil SpeXtra™ obtenu par un procédé de fabrication exclusif et breveté. Le TiO2 utilisé permet d’avoir une efficacité sur l’ensemble du spectre UVA et UVB. Ces dispersions permettent, sans filtre chimique additionnel ou sans ZnO, d’obtenir de hauts FPS tout en respectant le ratio UVA/UVB de 1/3. En 2011, la gamme s’est étendue, avec le Solaveil XT40W, une dispersion en phase aqueuse laissant ainsi une plus grande latitude pour le choix de la phase huileuse et éventuellement ajouter des filtres chimiques, pour de très hauts FPS.

« Avec le SolaveiL XT-40W, les formulateurs peuvent créer des crèmes solaires naturelles, à haut FPS, conformes aux recommandations européennes, approuvées mondialement et avec d’excellentes propriétés sensorielles, » affirme Julie Saintecatherine, coordinatrice technique et marketing chez Croda. Cette gamme a été récompensée par le prix de la meilleure technologie des Cosmetics & Toiletries R&D Awards.

De son côté, Zschimmer & Schwarz Group propose une large variété de dispersions de titane sous la dénomination HelioPro et répondant aux exigences réglementaires. Le grade HelioPro BSP 50L est très adapté pour formuler de hauts FPS sans molécules organiques.

Quant à Kobo, distribué en France par Unipex, il propose UV Balanced Powder 100 un mélange optimisé de titane de plusieurs tailles pour supporter le ratio 1/3.

Des écrans minéraux aux dimensions étudiées

Aux côtés des exigences de large protection, l’incertitude sur le devenir réglementaire des nanomatériaux fait que les tailles de particules proposées par les fournisseurs s’élargissent. Dès le 1er janvier 2013, le Règlement européen [1] obligera à désigner dans la liste des ingrédients ceux dont la taille est nanométrique par la mention [nano]. La Recommandation de la Commission du 18 octobre 2011 précise la définition des nanomatériaux comme étant « un matériel naturel contenant des particules libres sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat dont au moins 50% des particules présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 et 100nm. » [2]

C’est dans ce contexte que Kobo propose sa gamme Non-nano Titane et Zinc, dont le nom est sans ambigüité, avec des tailles de particules supérieures à 100nm disponibles soit sous forme de poudre ou de dispersions. Lors du salon In Cosmetics 2012, Kobo a également présenté le composite ACT-50, une matrice d’acrylates novatrice renfermant des particules de titane ou de zinc de faibles tailles assurant une bonne efficacité sans effet blanchissant, évitant les ré-agglomérations de particules et ayant un toucher doux.

Une action élargie

Mais la protection solaire ne s’arrête pas aux UVA et UVB et certaines matières vont plus loin. C’est le cas de Dermoprotectyl de Rovi, distribué en France par Inter’Actifs, qui par un système d’encapsulation multiple offre une double protection. Ce produit comprend un mélange de filtres chimiques associé à un cocktail de vitamines C et E. La technologie employée permet d’assurer le maintien des filtres à la surface de la peau alors que les vitamines pénètrent au cœur de l’épiderme et assurent ainsi une deuxième ligne de défense.

Tayca, distribué en France par Unipex, se positionne avec le MP100 en protection contre les rayonnements infrarouges (IR), ces radiations qui constituent la plus grande partie (55%) du rayonnement solaire. Il est intéressant de noter que Lancaster a intégré dans sa nouvelle gamme Sun Beauty, une protection contre les IR.

Les fournisseurs d’actifs complètent également l’éventail des possibilités en mettant au point des molécules capables de lutter ou de réparer le photovieillissement induit. C’est ainsi que Cosmetochem à présenté à Barcelone, Sereniks un extrait naturel de Tsuga Canadensis aux propriétés anti inflammatoires, anti oxydantes, et de protection contre le photovieillissement.

Exsymol avec OTZ10 protège des dégâts cellulaires et cutanés causés par les UV et les IR. Sa biodisponibilité optimisée préserve la qualité des strates cutanées. IRB avec Buddleja Davidii Stems G, disponible en version titrée en verbascoside est préconisé pour protéger la peau contre les Uva grâce à ses propriétés anti-oxydantes, anti-inflammatoires et photoprotectrices.

DSM élargit le concept de protection solaire en travaillant les effets de l’exposition aux doses sub-erythémales, c’est-à-dire à des doses UV inférieures à celles conduisant aux coups de soleil. « À des doses plus faibles de radiations UV, on peut déjà mettre en évidence des dommages non négligeables au niveau de l’ADN, des cellules de langerhans impliquées dans le système immunitaire, du collagène, de l’élastine,  » témoigne Caroline Ploton, Regional Technical Marketing Manager. DSM préconise l’utilisation du Parsol SLX, un filtre polymérique liquide qui agit en synergie avec le Parsol HS, un filtre hydrosoluble permettant d’atteindre de hauts FPS tout en garantissant une texture légère et non grasse. Le Parsol 1789, standard universel et filtre UVA le plus performant, sera ajouté en complément des filtres UVB.

La photostabilité : une quête difficile

Autre enjeu important pour le formulateur, même si peu de marques communiquent sur ce sujet : la photostabilité des produits. Cette capacité du produit à conserver son efficacité après avoir subi une dose d’irradiation lumineuse est pourtant d’une grande importance. Un filtre photostable réémet l’énergie absorbée sans être dégradé alors qu’un filtre photoinstable va sous radiation lumineuse se fragmenter en radicaux libres, changer de conformation ou s’additionner avec d’autres molécules présentes dans la formulation et perdre ainsi son potentiel d’absorption UV.

Plusieurs solutions permettent d’éviter l’apparition de tels phénomènes. Hallstar, distribué en France par Arnaud-Azelis, est très actif sur ce sujet. La société américaine propose le Solastay S1, une molécule d’ethylhexyl methoxycrylene, dénommée quencher de l’état singulet excité, c’est-à-dire qu’elle est capable de récupérer l’énergie absorbée par les chromophores du filtre UV avant que celui-ci ne se déstabilise le conduisant soit à un état triplet excité, soit à une modification de sa structure en radicaux libres. Cette activité au niveau de l’état singulet est innovante et permet ainsi de photostabiliser des filtres sensibles comme l’avobenzone, l’octyl methocycinnamate (OMC). Le potentiel de photostabilité est largement augmenté : 3% de solastay S1 permet une photostabilisation de l’avobenzone dans l’UVA à 90% et à 98% dans l’UVB. Pour le mélange avobenzone et OMC, le potentiel de photostabilisation est de 80% dans l’Uva et de 84% dans l’UVB. Cette année, Hallstar a mis sur le marché le polycrylène S1 qui ajoute une amélioration de la résistance à l’eau aux capacités de photostabilisation.

L’obligation de transmettre une information liée à la photostabilité des produits solaires n’est pas encore d’actualité, mais qui sait ce que le futur réserve ! En attendant, pour que le grand public soit au fait des techniques et de l’importance de la protection solaire, Croda met à la disposition des consommateurs un site internet pédagogique : www.solaveil.com. Le site propose des informations simples et claires sur la science des produits solaires. Il vient d’être traduit en français cette année. Plus d’excuses pour ne pas comprendre ce que sont les FPS, UVA, UVB et autres termes techniques…