Mais si les classiques tirent leur épingle du jeu, si la Chine se parfume à nouveau, et si l’Europe retrouve le chemin des boutiques, le compte n’y est pas pour les verriers du flaconnage et encore moins avec le Travel Retail qui ne redécolle pas. Stoelzle tourne à 50% de sa capacité, même chiffre pour Heinz Glas mais « ponctuellement » explique l’entreprise. Les sites français de Verescence fonctionnent en moyenne, à hauteur de 75% de l’activité normale. Sur les trois fours de l’usine de Mers-les-Bains, deux sont actifs. En Espagne, l’activité flaconnage est de l’ordre de 60%, et aux États-Unis de 75%.

Dans cet environnement incertain, les producteurs misent sur leur agilité. Pour Heinz « c’est même une préoccupation permanente », comme pour Stoelzle qui met aussi en avant « son niveau de service ». Verescence revoit ses modes de fonctionnement, accélère sa transformation digitale et teste de nouveaux outils. « La crise ne fait que renforcer notre stratégie de groupe international avec un ancrage local fort », indique Jean-Luc Leblond, directeur Commercial et Marketing. « Être plus rapide implique de persévérer dans l’amélioration de nos flux en réduisant la complexité de la Supply Chain ».

Autre piste de croissance, adapter son offre aux évolutions de la demande. Comme les autres catégories, le parfum recrute lui aussi davantage sur internet. « La visibilité est très limitée sur ce segment mais il est clairement un axe de développement important chez nos clients », confirme Verescence qui travaille d’ores et déjà à une plus grande solidité du verre, avec un revêtement innovant « le rendant plus résistant aux chocs ».

Mais ce sont surtout l’économie circulaire et le développement durable qui retiennent l’attention des verriers. Et ce à plusieurs niveaux. Comme le recommande Citeo, ils proposent des décors moins impactants pour l’environnement et facilitant le recyclage des flacons. Une préoccupation qui existe depuis une vingtaine d’années chez Heinz Glas. « On peut revendiquer d’avoir été pionnier dans l’utilisation de matières premières de décor eco-friendly avec le laquage hydrosoluble », déclare Rudolf Wurm, directeur commercial. L’an dernier, Verescence a concrétisé son engagement de supprimer sur ses sites de parachèvement, 100% des solutions solvantées. Au-delà des émissions de COV, le verrier qui étudie - de concert avec certains de ses clients - des décors plus responsables, a développé un outil pour prendre en considération l’impact des parachèvements sur la recyclabilité d’un contenant en verre. Stoelzle travaille depuis quelques années sur le Quali Glass Coat 2.0, une nouvelle méthode de décoration par poudrage qui permet de réduire l’impact CO2 de près de 77%. « Nous avons également étendu cette technologie avec le procédé Tigital (en partenariat avec la société Tiger) qui permet une sérigraphie, qualité photo, avec une réduction de CO2 de 85%, tout en maintenant la possibilité de recycler le verre », précise Étienne Gruyez, pdg de Stoelzle Masnières Parfumerie.

Plus globalement, les fours restant les principaux postes d’émissions de CO2 liés à la production du verre, les fabricants annoncent plusieurs investissements pour réduire leurs impacts environnementaux. Ainsi, Stoelzle va reconstruire début 2021 un four qui « utilisera les toutes dernières technologies ». Heinz Glas a fait le choix depuis 2016 d’une source verte hydroélectrique pour alimenter ses sites allemands, tout comme le nouveau four du site de Kleintettau. À ce jour, la majorité des fours de Verescence sont neufs. «  Ils ont, en moyenne, gagné 15% d’efficacité énergétique par rapport aux générations précédentes. La réduction de l’empreinte carbone sera forcément progressive et s’inscrit sur une stratégie long terme, un four ayant une durée de vie d’une dizaine d’années », précise Jean-Luc Leblond.

Quant au volet économie circulaire, tous les verriers ont des projets concernant le re-remplissage des flacons. Quant à intégrer plus de calcin dans les flacons, les verriers ont tous des projets d’optimisation. Le verrier allemand, qui propose un verre avec un taux de PCR entre 10 et 20%, a décidé la construction d’un four nouvelle génération « permettant des ambitions plus importantes », rapporte Rudolf Wurm. Après le Verre Infini proposé en 2008, puis le Verre Infini NEO en 2014 avec 25% de PCR, Verescence va très prochainement dédier à Mers-les-Bains, son four principal à la production de verre comportant 10% de PCR. Si Stoelzle Masnières a fortement augmenté son taux de calcin tout en maintenant sa qualité de verre, Etienne Gruyez considère « plus important de regarder l’impact global du flacon ».

Malgré leur engagement à répondre aux nouvelles exigences du marché de la parfumerie, les verriers n’inscriront pas un bilan 2020 positif. « Nos résultats financiers seront dégradés et nous nous attendons à une année en retrait d’environ 20% par rapport à 2019. Pour protéger notre trésorerie, nous avons mis en place des plans d’économies significatifs et décalé un certain nombre d’investissements, avec la volonté préserver ceux liés aux axes prioritaires de RSE, de qualité et d’amélioration continue », confie Jean-Luc Leblond. Heinz Glas a pris une série de mesures pour réduire les coûts et limiter au possible l’impact. « Une attention toute particulière est portée sur les liquidités de notre entreprise, en conséquence nous pratiquons une gestion très pointue du niveau de nos stocks », relève Rudolf Wurm. Pour sa part, Stoelzle estime qu’il est encore trop tôt pour avoir une vision claire du bilan de 2020. « Les choses évoluent en permanence et très vite », assure Etienne Gruyez. « Nous avons réalisé différents scénarios allant jusqu’à des baisses de 25 à 30% des ventes. Nous devrons être le plus réactif possible afin de ne pas perdre les quelques opportunités qui se présenteront ».