Gérald Martines

Issue de l’alchimie du sable et du feu, la fabrication de flacons en verre nécessite d’importantes quantités d’énergie. Son empreinte environnementale est donc importante, notamment en termes d’émissions de CO2. Très énergivore, la production d’un seul flacon de 100ml typiquement composé de 200gr de verre, réalisée dans un four classique à gaz (les plus courants), entraine l’émission de 180gr de CO2 [1]. Pour une transition vers une verrerie de luxe plus durable, différentes techniques d’écoconception permettent déjà de réduire le contenu énergétique des flacons. Au niveau industriel, plusieurs approches sont à l’étude, voire à l’essai.

Des flacons éco-conçus

L’empreinte carbone étant grosso modo proportionnelle au poids de verre utilisé, la première approche est l’allègement du flacon. Selon Gérald Martins, un flacon allégé de moitié en poids de verre émet ainsi deux fois moins de CO2 à la production. Plusieurs initiatives récentes de grandes marques explorent cette voie, prouvant que l’on peut s’affranchir de l’identité classique du luxe associé à un objet lourd.

Une autre piste, consiste à intégrer du verre recyclé post consommation dans la fabrication. « L’empreinte carbone est réduite de 2,5% par tranche de 10% de PCR », assure Gérald Martins. Quelques initiatives illustrent déjà la démarche comme Girl de Rochas composé à 40% de PCR, ou l’édition limitée du Chanel N°5 intégrant 15% de verre recyclé. Au-delà de 40% de PCR le verre perd de sa transparence cristalline, sans pour autant perdre de ses qualités fonctionnelles. « Pourquoi ne pas imaginer que ce point culturel, donc subjectif, ne puisse évoluer, et qu’un verre un peu moins ‘cristallin’ ne devienne le symbole contemporain d’un luxe responsable ? », interroge Gérald Martines.

Enfin, « et c’est de loin la voie la plus efficace », ajoute-t-il, laisser au consommateur la possibilité de conserver son flacon et de le recharger permettrait de réduire l’empreinte CO2 du flacon de 50% au premier rechargement et jusqu’à 90% au 9e. « Pour être rigoureux il faudrait tenir compte de l’impact de la recharge, qui va dégrader quelque peu ce bénéfice - cet impact variant selon les modalités de recharge choisies par la marque », précise Gérald Martines.

Bien évidemment, toutes ces options peuvent être combinées pour encore optimiser l’impact environnemental.

Au niveau du process de fabrication

Améliorer les paramètres de production représente une autre voie de progression importante en direction d’un verre low carbon, avec des perspectives de progrès importantes, souligne Gérald Martins.

Le mode de chauffage d’un four verrier provient principalement aujourd’hui de la combustion de gaz naturel. Un procédé qui représente une émission d’environ 270 Kg de CO2 par tonne de verre, soit environ 5000 flacons de 100 ml, ainsi que l’émission d’oxydes d’azote, un gaz à effet de serre secondaire.

Une des alternatives au four à gaz est le four électrique. Par défaut, celui-ci est alimenté par le mix énergétique standard du réseau national. Dans ce cas, l’impact carbone diffère selon les pays qui produisent leur énergie électrique différemment. En France, où le nucléaire prédomine, l’impact CO2 sera de 143 kg de CO2 par tonne de verre, soit 47% de moins que le référentiel du four à gaz. À l’inverse, en Allemagne où l’utilisation du charbon reste la principale source de production de l’électricité, le ratio penche en faveur de la solution gaz.

Pour un coût plus élevé, il est aussi possible de faire le choix d’une électricité issue d’énergies renouvelables (éolien, hydraulique, photovoltaïque, …). Une option notamment choisie par le verrier allemand Heinz Glas pour l’alimentation d’un de ses fours. L’économie de CO2 est alors de 56% par rapport à un four à gaz, (cette valeur tient compte du ‘surcoût’ énergétique du stockage de l’électricité, nécessaire en raison du caractère intermittent des énergies renouvelables).

Autre possibilité, celle de l’oxy-combustion qui consiste avec un four à gaz, à utiliser de l’oxygène comme comburant [2] plutôt que de l’air (qui comporte 80% d’azote, inutile au processus). Cette alternative, qui permet l’économie de 15% de CO2 réduit également l’émission d’oxydes d’azote de 83%. Un modèle expérimental est d’ailleurs en activité pour la production de verre plat.

L’utilisation de l’hydrogène vert comme combustible est aussi une solution mise en avant et expérimentée par le verrier slovène Steklarna Hrastnik depuis 2021. Produit à partir d’énergies renouvelables, l’hydrogène, réduit de 26 à 40% l’émission de carbone selon les estimations de Gérald Martines. Le bilan est affecté par la nécessité de stocker l’électricité utilisée pour la fabrication de l’hydrogène.

Enfin, 20 fabricants européens d’emballages en verre se sont unis autour du projet Furnace of the future pour concevoir et mettre au point un four hybride de grande capacité. Ce projet porté par la FEVE (Fédération européenne des entreprises verrières), combine les options puisqu’il fonctionnera à 20% grâce au gaz avec un procédé d’oxy-combustion, et à 80% avec de l’électricité verte. Ce modèle permettra selon la FEVE de réduire de 50 à 60% les émissions de CO2 par rapport au four classique à gaz. Un prototype devrait voir le jour en 2023. « Cette solution procure un meilleur rendement et offre en outre l’avantage d’être plus sécure en termes d’approvisionnement en énergie », souligne Gérald Martines.

Au regard des différents résultats du benchmark réalisé par l’expert, pour l’heure la fabrication la plus vertueuse repose sur l’utilisation d’un four électrique alimenté en énergies renouvelables avec un gain de 56% d’émissions de CO2.

« C’est aujourd’hui la meilleure solution mais toutes les pistes de travail sont intéressantes et complémentaires car plus ou moins faciles et rapides à mettre en place. À terme, le projet européen représentera la meilleure alternative dans l’état de l’art actuel, mais cette technologie du futur ne sera opérationnelle que d’ici 5 à 10 ans car elle nécessite un four de construction spécifique. Sachant qu’un four possède une durée de vie d’environ 20 ans et représente un très gros investissement, le processus de transformation évoluera au rythme du renouvèlement des fours actuellement en service », conclut Gérald Martines.

Pour plus d’information sur les dernières innovations en matière de packaging beauté, lire notre hors-série : Innovation packaging beauté - février 2022.

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