Anna Drillat, responsable de recherche en biologie cutanée

Premium Beauty News - Comment passe-t-on de la mécanique des matériaux à l’industrie des cosmétiques ?

Anna Drillat - La start up a été créée en 2016 par Julien Chlasta et Pascale Milani tous deux docteurs en biologie. Pascale Milani a été la première à publier sur l’utilisation de la microscopie de force atomique (AFM) pour mesurer les propriétés mécaniques de tissus biologiques en croissance. Elle a collaboré avec Marek Haftek [1] sur le sujet de la dermatite atopique. Julien Chlasta de son côté a réalisé une thèse sur l’influence des propriétés mécaniques de la matrice extracellulaire dans un organe en croissance. Ils ont mis en commun leurs expertises pour créer BioMeca qui parmi ses activités propose l’AFM pour mesurer les propriétés mécaniques de la peau.

Premium Beauty News - Qu’apporte la microscopie de force atomique à la connaissance de la peau ?

Anna Drillat - L’AFM est une technique avec une très haute résolution ce qui nous permet de travailler à de très petites échelles et d’étudier les structures de tissus biologiques tels que la peau en conservant les conditions physiologiques. L’approche innovante développée par BioMeca permet aujourd’hui d’étudier la structure 3D de la peau et ainsi obtenir des informations sur les propriétés mécaniques du tissu dans sa globalité. Nous sommes également capables d’étudier des structures particulières comme le follicule pileux et de se focaliser sur des zones précises : l’épiderme afin de mesurer la cohésion entre les cellules, le derme pour obtenir par exemple des informations sur l’organisation du collagène, la densité et l’épaisseur des fibres, leurs espacements etc. Il est alors possible de faire des comparatifs sous différentes conditions après traitement par un actif ou selon les âges.

Premium Beauty News - Lors des Journées européennes de dermocosmétologie, organisées par le CED en janvier 2018, Pascale Milani a présenté une étude sur les propriétés nano-mécaniques des cornéocytes, quelles informations peut-on obtenir sur l’état de la barrière cutanée ?

Anna Drillat - La microscopie à force atomique permet de balayer la surface d’un échantillon grâce à une pointe très fine et de mesurer les forces d’interaction entre la pointe et l’échantillon. Plus le module élastique est élevé, plus l’échantillon est rigide. L’étude montre que la rigidité des cornéocytes donne une information sur leur niveau de maturation, qu’avec l’âge les contraintes mécaniques sont plus fortes, qu’elles diminuent dans le cas de la dermatite atopique. Ces mesures permettent d’évaluer l’état de la fonction barrière et de diagnostiquer les peaux sensibles ou une prédisposition à la dermatite atopique.

Premium Beauty News - Quelles autres informations obtient-on sur la peau ?

Anna Drillat - Nous travaillons sur les principaux compartiments de la peau notamment l’épiderme, la jonction dermo-épidermique (JDE), le derme, etc. Un de nos système AFM est couplé à un microscope à épifluorescence, ce qui nous permet de faire des corrélations entre le comportement mécanique et le comportement moléculaire d’une structure. Nous avons également à disposition des microscopes confocaux grâce à qui nous pouvons compléter les données mécaniques par des données de fluorescence précises et ainsi déterminer avec exactitude les processus biologiques mis en cause. Nous sommes capables de mesurer l’impact d’un stress qu’il soit physique ou chimique.

Nos clients sont des acteurs de la cosmétique mais nous travaillons aussi pour les secteurs de l’oncologie, de la phytobiologie et la pharmaceutique. Notre expertise nous permet de fournir à nos clients une compréhension de l’activité biologique et une interprétation scientifique des résultats, nous apportons des données quantitatives pouvant appuyer des revendications.

Premium Beauty News - Quelles sont vos perspectives ?

Anna Drillat - À ce jour, il y en a beaucoup. Il faut retenir que toutes nos études se font in vitro, ex-vivo, nous cherchons à nous rapprocher toujours au plus proche de l’in-vivo.