Des coupes afros des Black Panthers au ’natural hair movement’, en passant par les longues tresses rastas, les cheveux ont souvent été érigés en symboles de rébellion. Au début du XXe siècle, le phénomène « garçonne », caractérisé par une apparence androgyne et des cheveux courts, n’était-il pas déjà lié à la volonté des femmes de s’émanciper et de revendiquer l’égalité des sexes ?

Aujourd’hui, c’est en Iran que les cheveux sont utilisés comme symbole d’émancipation. En témoigne la multiplication des vidéos montrant des femmes renonçant à leur longue chevelure, à l’image de la chanteuse Donya Dadrasan, en guise de solidarité avec Masha Amini, décédée trois jours après avoir été arrêtée par la police des moeurs pour avoir porté un voile mal ajusté. « Je me suis coupé les cheveux… Je rêve d’un jour où les femmes de mon pays pourront rire, danser, pleurer, respirer et vivre librement », a écrit la jeune femme sur TikTok.

Se couper les cheveux, un geste militant

En Iran déjà, par le passé, des femmes se sont rasé la tête pour montrer leur soutien à différents mouvements, mais aussi pour protester contre le port du voile. En 2016, la page ’My Stealthy Freedom’, créée par une journaliste d’origine iranienne vivant à Londres, a publié la photo d’une jeune femme ayant fait le choix de se raser la tête pour ne plus avoir à porter le voile. « J’ai vendu mes cheveux pour aider ces adorables petits anges atteints de cancer. Quand je sors dans la rue, je me dis ’Pas de cheveux, pas de police des mœurs !’ Il n’y a plus aucune raison pour que ceux me disant toujours de me voiler les cheveux m’arrêtent à présent », avait-elle alors écrit pour accompagner un cliché sur lequel elle apparaissait rasée et dévoilée.

L’an dernier, aux Jeux Olympiques de Tokyo, c’est l’archère sud-coréenne An San qui s’est retrouvée malgré elle au centre d’une nouvelle salve de protestation. La championne olympique a reçu sur les réseaux sociaux des injures et des menaces en raison de sa coupe de cheveux, courte, que certains estimaient insuffisamment « féminine ». Action, réaction… Une internaute a initié un mouvement contraire, donnant lieu à une multiplication de vidéos montrant des femmes se couper les cheveux en direct sous le hashtag "#women_shortcut_campaign".

En Arabie Saoudite, les coupes dites « à la garçonne » sont également devenues plus fréquentes au fur et à mesure de la montée en puissance des femmes dans l’économie du pays.

Les cheveux, un symbole politique et culturel

Il n’est parfois pas nécessaire d’aller jusqu’à couper ses cheveux pour les ériger en symbole d’une lutte contre les discriminations et les inégalités. Dès les années 1960 et 1970, la coupe afro est popularisée par de nombreuses activistes, dont Angela Davis et Nina Simone, lui donnant une symbolique à la fois culturelle et politique. Il s’agit alors d’ériger les cheveux naturels des femmes et des hommes noirs en symbole de l’émancipation et de l’affirmation culturelle des afro-américains.

Un mouvement qui perdure aujourd’hui, à travers différents noms dont le "natural hair movement", en raison de la persistance des discriminations et préjugés liés aux cheveux des femmes, hommes, et enfants noirs. Rappelons que le CROWN Act, une loi visant à interdire les discriminations capillaires aux États-Unis, n’a été adopté par la Chambre des représentants qu’en mars dernier, après des précédents en Californie et à New York. L’objectif de la loi est d’interdire les discriminations en matière d’emploi, d’éducation, ou de sport, qui auraient pour origine la texture des cheveux, ou certaines coiffures comme les tresses, les dreadlocks, ou encore les vanilles.

Qu’on les coupe, qu’on les montre tels qu’ils sont, ou qu’on les rase, les cheveux ont bien plus qu’une dimension esthétique, permettant depuis des décennies de lutter contre toutes les formes d’inégalités. Et quelque chose nous dit que ce n’est - malheureusement - pas fini.