Alain Khaiat

Premium Beauty News - Vous animerez, dans le cadre du salon In-Cosmetics à Paris, un séminaire sur le thème de l’anti-âge. Quelles en seront les grandes lignes ?

Dr Alain Khaiat - L’objectif est de balayer l’ensemble des thèmes liés à ce sujet pour proposer une mise à jour complète des connaissances de chacun sur les dernières découvertes dans ce domaine. Nous ferons le point sur les nouveautés en matière d’ingrédients destinés aux soins anti-âges, nous nous intéresserons aussi à l’évolution des connaissances scientifiques sur la physiologie de la peau au cours du vieillissement. Nous nous interrogerons sur les signes du vieillissement tels qu’on les observe sur les peaux européennes d’une part et sur les peaux asiatiques d’autre part. Le séminaire comprendra également un point sur les dernières techniques de mesure d’efficacité des produits, ainsi qu’une présentation, animée par Johnson & Johnson, sur la formulation des soins anti-âge.

Par ailleurs, les organisateurs d’in-Cosmetics m’ont également demandé de participer à la remise du Lifetime Achievement Award for Cosmetic Science 2013, dont j’ai moi-même été l’heureux récipiendaire en 2010.

Premium Beauty News - Il y a vraiment de grandes différences entre le vieillissement des peaux asiatiques et des peaux dites caucasiennes ?

Dr Alain Khaiat - Je vis et je travaille depuis 17 ans maintenant à Singapour. Cette expérience m’a permis de comprendre à quel point l’on peut avoir, depuis l’Europe ou l’Amérique du nord, une vision tronquée de la demande asiatique en matière de cosmétiques. On sait bien que 80% du marché des soins pour le visage est composée de whitening, mais finalement il m’a fallu attendre d’être en Asie pour percevoir de quoi il s’agit précisément. Cette spécificité des marchés asiatiques est, pour une bonne part liée, aux différences dans le processus de vieillissement de la peau.

Quand un Européen ou un Nord-Américain tente d’évaluer de visu l’âge d’une personne asiatique il se trompe souvent de 10 ou 15 ans. Nous avons tous vécu cette expérience. Mais l’inverse est vrai aussi pour les asiatiques qui cherchent à évaluer notre âge. Chez les européens, les premiers signes du vieillissement apparaissent dès 20 ans sous la forme de petites rides qui se créent autour des yeux. Chez les asiatiques, ils apparaissent à partir de 16 ans sous la forme de tâches de pigmentation sur le haut des pommettes.

Premium Beauty News - Ces différences sont liées aux pratiques en matière d’exposition au soleil ?

Dr Alain Khaiat - Indiscutablement les pratiques de ce point de vue sont très différentes. Les Européens et les Nord-Américains ont tendance à s’exposer brutalement alors que les asiatiques sont beaucoup plus prudents, voire fuient toute exposition. Cela a évidemment une influence puisque l’exposition au soleil détériore les fibres de collagène favorisant ainsi l’apparition de rides. Mais des facteurs d’ordre génétique interviennent également. En tout état de cause ces divergences ont évidemment une influence sur le marché des filtres solaires. En Europe ou en Amérique du nord, ce sont des produits saisonniers, en Asie il sont systématiquement intégrés aux produits du quotidien.

Premium Beauty News - L’Asie s’affirme comme le principal marché du futur pour l’industrie des cosmétiques. Quels en sont les principaux enjeux ?

Dr Alain Khaiat - D’abord il faut nuancer le tableau. Les marchés asiatiques sont complexes. Ainsi, les comportements au Japon, en Corée ou en Chine divergent entre eux et aussi de ceux que l’on observe en Inde, aux Philippines, en Malaisie ou en Indonésie. Ils sont le fruit de comportements psycho-sociologiques très différents. Mais il y a aussi des convergences, et je pense que ce sont des facteurs psycho-sociologiques qui expliquent l’explosion du marché des masques pour le visage dans plusieurs pays d’Asie.

Autre trait important des marchés asiatiques : la jeunesse de la population. Bien évidemment, là encore il y a de grandes différences entre des pays vieillissants comme le Japon et à l’autre extrême des pays très jeunes comme le Vietnam. La principale conséquence c’est qu’il existe dans beaucoup de ces pays un marché très important des teenagers, qui est bien moindre en Europe ou même en Amérique du nord. En Chine, où la pyramide des âges est marquée par un début de vieillissement, il naît tout de même 22 millions de bébés chaque année, c’est l’équivalent de la population de l’Australie ! Et en Inde, ils sont encore plus nombreux.

En dehors de ces aspects, je pense toutefois que l’enjeu principal en ce moment c’est la réglementation chinoise. Elle constitue un frein important au développement de l’industrie des cosmétiques dans ce pays : elle empêche l’innovation, freine le lancement des nouveaux produits et met en cause les investissements en recherche autant qu’en marketing.