Tristan Farabet, Directeur Général, Groupe Pochet

Premium Beauty News - L’annonce de la vente de Qualipac, votre pôle plastique et métal patiemment constitué et consolidé depuis 1991, a fait l’effet d’une bombe dans le petit monde du packaging de luxe. Le communiqué fait état d’un « environnement en pleine mutation ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Tristan Farabet - Ce n’est pas un secret, le marché du packaging beauté haut de gamme connaît des changements conséquents. Tout d’abord, c’est un marché de plus en plus tiré par la catégorie Soin, qui représente aujourd’hui 40% du marché mondial et 60% de la croissance, alors que le marché des parfums ralentit. C’est aussi un marché dont le centre de gravité se déplace vers l’Asie. Dans le même temps, la pression des enjeux environnementaux nécessite des investissements conséquents. Enfin, nous devons prendre le train de la transformation des technologies de production 4.0, qui font entrer l’intelligence artificielle dans les usines.

Tout cela va lourdement solliciter nos ressources. D’autant que les attentes de nos clients évoluent, elles aussi, à grande vitesse, avec notamment une demande croissante de personnalisation venue des consommateurs et une montée en force des indie brands. Autant de facteurs qui nécessitent davantage d’agilité de notre part.

Ces transformations sont riches d’opportunités mais elles appellent des adaptations et des investissements importants. Cette reconfiguration de notre Groupe va donner à chacune de nos activités davantage de moyens et de ressources pour répondre à ces enjeux de nos clients.

Premium Beauty News - Les questions relatives à l’avenir du plastique en tant que matériau d’emballage ont elles joué un rôle dans ce choix ?

Tristan Farabet - Le plastique est un matériau qui a toute sa place dans le packaging et l’industrie de demain. Mais, dans ce secteur aussi, des investissements massifs vont être nécessaires pour répondre aux enjeux à venir, notamment sur le plan environnemental. On observe déjà une concentration croissante des acteurs en quête de la taille critique permettant d’absorber les coûts de recherche et développement qui se profilent.

Premium Beauty News - Pochet redevient principalement un groupe verrier. Cela annonce-t-il une nouvelle phase de diversification, géographique plutôt que métier ?

Tristan Farabet - L’histoire de Pochet est vieille de presque quatre siècles. Au cours de cette longue histoire, le groupe a régulièrement dû répondre aux mutations des marchés. Il a toujours su adapter sa stratégie et son périmètre ! Au cours des dernières décennies, le Groupe est ainsi entré au capital des Cristalleries Saint Louis, avant de revendre ses parts en 1994, date à laquelle il fait l’acquisition du verrier Lalique, revendu en 2008. En 1991, la création de Qualipac, répondait à besoin d’intégration horizontale pour mieux servir nos clients.

Le Groupe Pochet a toujours su gérer et faire évoluer son portefeuille d’activités et cette capacité d’adaptation a assuré sa durabilité. Aujourd’hui, nous souhaitons effectivement, et dans un premier temps, renforcer notre pôle flaconnage avec une stratégie d’investissement accéléré : transition vers l’usine 4.0, extension de notre offre sur le marché du soin, accélération sur le plan de la RSE avec le développement de nouvelles solutions écoresponsables, diminution de nos émissions de CO2, etc.

Mais nous allons aussi explorer toutes les opportunités de croissance. Et parmi les points importants de la réflexion, il y a le sujet de la diversification géographique de nos activités. De ce point de vue, l’Asie est au cœur de notre réflexion.

Nous allons également étudier les attentes du marché dans des segments voisins et voir dans quelle mesure nos forces et atouts peuvent nous permettre d’apporter une réponse utile. Une réflexion du même type peut également se tenir autour des technologies émergentes.

Premium Beauty News - La stratégie de guichet unique avec une offre multimatériaux est-elle enterrée ou bien va-t-elle se poursuivre à travers des coopérations avec PSB Industries ?

Tristan Farabet - Cette stratégie d’une offre complète de produits pour nos clients correspond à un besoin réel. Elle permet de mieux accompagner des marques moins expertes et de gagner du temps. Mais elle ne nécessite pas forcément que nous soyons nous-même fabricants de tous les composants du packaging, elle peut tout à fait s’exprimer par le biais de partenariats, dans une logique d’écosystème renforcé.

Premium Beauty News - Quid de Solev dans ce nouveau dispositif ?

Tristan Farabet - Solev reste une filiale du groupe, avec une activité et des technologies de pointe qui, pour partie, servent le groupe et, pour partie, d’autres clients. Pour Solev comme pour l’ensemble du groupe nous nous donnons de nouvelles marges de manœuvre et de nouvelles capacités d’investissements.

Premium Beauty News - Les enjeux environnementaux représentent une part importante de ces investissements ?

Tristan Farabet - Ces sujets sont aujourd’hui primordiaux pour l’ensemble de l’industrie. Nous disposons de plusieurs leviers d’actions au sein du Groupe. D’abord sur tout ce qui concerne les processus de production. Nous avons ainsi réussi à baisser de 29% nos émissions de gaz à effet de serre par produit. De la même façon, nous avons baissé de 60% nos consommations d’eau par tonne de verre produite. Chez Solev, les investissements réalisés en 2018-2019 sur le traitement de composés organiques volatils nous ont permis de faire chuter les émissions de 80%. Nous allons poursuivre nos efforts sur cet axe.

Le second levier d’action concerne le produit lui-même. Il s’agit de concevoir des produits plus responsables. C’est, par exemple, ce que nous avons fait avec SEVA, le premier verre haut de gamme qui s’appuie sur une filière de recyclage spécifique qui ne traite que du verre de parfumerie, garantissant un verre recyclé d’une grande qualité et ne nécessitant aucun traitement.

Toutes ces actions nous ont permis d’obtenir la médaille d’or d’EcoVadis sur l’ensemble de nos activités : Pochet du Courval, Qualipac et Solev ! Et nous allons poursuivre sur cette voie d’excellence.

Premium Beauty News - En quoi va consister la transition vers l’industrie 4.0 pour Pochet ?

Tristan Farabet - Nous allons digitaliser davantage encore la chaine de production. Tout l’enjeu réside dans la façon dont nous pouvons récupérer l’information tout au long de la chaine, puis la traiter et l’utiliser pour optimiser et mieux maitriser nos processus. Cela peut permettre, notamment, d’anticiper des problématiques avant même qu’elles n’apparaissent et de réduire les taux de rebut. Le champ des possibles est immense, c’est un chantier considérable.