Il faut dire qu’une consommation annuelle mondiale estimée à plus d’un milliard d’unités a de quoi faire « saliver » l’ensemble de la filière industrielle des cosmétiques. Tous les sondages prouvent l’importance du produit. Les femmes estiment à plus de 54 % ne pas pouvoir se passer de leur mascara alors qu’elles ne sont que 18 % à ne pas pouvoir se passer de leur fond de teint. Un pourcentage qui chute à 13 % concernant le rouge à lèvres, 8 % le blush, 4 % le vernis à ongles, 3 % le fard à paupières. Et, pour parfaire le tableau, les consommatrices sont prêtes à payer « cher » pour leur « cher » mascara. Un vrai bonheur pour les services financiers en mal de résultats.

Petite histoire du mascara

Le saviez-vous ? Le mascara moderne aurait été inventé au début du siècle dernier par un certain T.L. Williams, chimiste de profession, pour sa sœur Maybel. La composition est faite de poussière de charbon mélangée à de la vaseline. L’idée semble bonne et notre chimiste décide de commercialiser le produit par correspondance…. La contraction de Maybel et vaseline donne… Maybelline.

Mais il faut attendre 1957 pour que, sous l’impulsion d’Helena Rubinstein, la présentation traditionnelle sous forme de pain, composé de colorants et de cire, et que l’on frottait à l’aide d’une petite brosse, prenne la forme d’un inséparable duo tube et brosse.

Une idée géniale qui va faire la fortune de toute une profession jusqu’à aujourd’hui. « Une idée qui mobilise aujourd’hui près de 80 % de mon temps », avoue Nick Thornes, Directeur du développement d’Alcan Packaging.

Un marché demandeur d’innovations

On dénombrerait plus de 500 brevets autour de ce petit objet tant prisé par les femmes. « Et il en sort tous les jours », souligne Nick Thornes. Parmi les dernières innovations, dontPremium Beauty News s’est fait l’écho il y a quelques jours, les fameux mascaras vibrants mis sur le marché par Estée Lauder et Lancôme. « Le saviez-vous ? explique le patron du développement d’Alcan Packaging, C’est la sortie du fameux rasoir mécanique Mach 3 de Gillette muni d’un vibreur qui a excité l’imagination créative de services marketing et développement chez les uns et les autres ».

« Toute cette série de mascaras vibreurs qui sortent actuellement montrent à quel point ce marché est demandeur d’innovations », confie Thomas Sirot, Groupe Geka-Toly, l’un des producteurs leaders mondiaux de mascaras avec une production annuelle supérieure à 400 millions. Et l’innovation, chez Geka-Toly, on connaît ! Pour preuve, cette fameuse brosse en forme de boule réalisée pour Givenchy et qui a littéralement surpris tout le monde. « Rendons à César ce qui est à César », souligne Thomas Sirot, « ce produit a été pensé par Givenchy. Et je dois dire que l’idée semble très bonne puisque travaillons déjà sur les réassorts quelques semaines après sa commercialisation ».

Une petite boule en plastique qui est loin d’être simple à réaliser, munie de picots en plastique très souples, répartis à 360°, « nous avons su répondre au défi technique », explique Thomas Sirot. «  Nous nous sommes accrochés et le résultat est là ».

« S’accrocher ! » C’est l’un des maîtres mots chez Geka-Toly dont les équipes de développement ne chôment pas en ce moment. «  Que ce soit sur les brosses plastiques ou les brosses fibres », explique-t-on. « La brosse plastique s’est considérablement développée puisqu’elle représente près 35 % de nos ventes, » constate Thomas Sirot, « mais cela ne veut pas dire que nous n’innovons pas sur la brosse fibre. Pour preuve celle que nous venons de sortir récemment et qui a la propriété d’être ondulée ».

La brosse traditionnelle n’a pas dit son dernier mot

Opinion partagée par Pierre Marand, Directeur de la business unit maquillage chez Rexam Personal Care, qui estime que «  les brosses dites classiques ne vont pas disparaître - elles sont faciles à mettre en œuvre, et le coût de lancement est inférieur - et conserveront probablement entre 30 % et 50 % du marché. Mais l’innovation dans le mascara ne concerne pas que les brosses ».

Du côté de Texen dont la production en 2007 a dépassé les 100 millions d’unités, Georges Lachas insiste sur le fait que «  les brosses traditionnelles sont toujours dans les consultations et il ne faut pas oublier que certaines brosses en plastique moulé ont aussi connu des échecs ». Dernières nouveautés en date chez Texen, les portes brosses de Iconic de Dior, le mascara Collagène de L’Oréal Paris et le mascara de Guerlain.

Le mascara …, un marché exceptionnel ! Ce n’est pas Gerald Oehlhorn, Pdg d’Oekametall, qui dira le contraire. Spécialisée historiquement dans la fabrication de tubes de rouge à lèvre, cette entreprise d’origine allemande de 400 personnes et qui réalise quelque 35 millions d’Euros de chiffre d’affaires a vu sa production de mascaras littéralement exploser au cours des cinq dernières années, comme d’ailleurs, mais dans une moindre mesure, celle des lip-gloss. « C’est vrai, confie-t-il, nous avons beaucoup investi sur ce créneau à la fois en machines d’injection et en machines de montage automatique et le mascara et le lip-gloss représente près de 70 % de notre activité ».

La firme possède aujourd’hui pas moins de six lignes automatiques de montage qui intègrent le marquage à chaud en ligne. Dernière décision en date, l’intégration de la fabrication des brosses traditionnelles en fibres pour 1/3 de ses besoins ainsi que la fabrication d’une partie des brosses injectées en plastique. « Mais je suis sûr, insiste Gerald Oehlhorn, que la brosse traditionnelle n’a pas dit son dernier mot. Un produit sur lequel on peut encore innover et qui reste très souple en matière de développement et de mise au point, ce qui est loin d’être le cas avec les brosses injectées en plastique ».

On n’est pas peu fier chez Oekametall d’avoir pu réaliser en à peine quatre mois le nouveau mascara « vibreur » de Lancôme qui est mis sur le marché en ce moment. « Un véritable challenge », souligne Gerald Oehlhorn, « qui paraissait impossible à tenir ». On est pas peu fier aussi d’être à l’origine du mascara « Extra Volume Collagene » de L’Oréal Paris.

Tendances contradictoires

Pour Jean-Louis Mathiez, Cinqpats, « ce qui se passe en ce moment sur le créneau du mascara peut sembler fou, fou, fou… ».

« Compte tenu de la demande de la part de la filière concernant ce produit, explique-t-il, j’ai dû m’atteler à un véritable travail de fourmi pour parfaire l’historique en matière de brevets. Et si on s’attache à tous les niveaux de brevets qui entrent dans la conception d’un mascara, j’en ai recensé pas moins de 900. Anecdote amusante, la première brosse tournante remonte, tenez-vous bien, à 1942…, et même le groupe Moulinex est à l’origine d’un brevet d’un mascara déposé en 1976 tournant à ressort. Mais c’est surtout à partir des années 2000, et plus particulièrement 2004,que des dépôts apparaissent pour des mascaras électriques. Même des leaders de l’électronique comme Samsung ou Matsushita s’y sont mis avec des brevets sur des systèmes vibrant, chauffant ou tournant ».

En fait, l’évolution du mascara est sous l’influence de deux tendances contradictoires. D’une part des produits haut de gamme à la technologie HighTech, d’autre part des produits à tendance, au contraire, minimalistes sous l’influence des distributeurs low-cost. « Dans ce dernier cas, il s’agit de sortir un mascara très simple et à très bas coût, » résume Jean-Louis Matthias.

« Quant à l’avenir, estime-t-il, il va rester très tonique ! Nous travaillons actuellement sur un nouveau type de brosse en plastique qui devrait révolutionner le marché dans quelques mois ». À suivre.