Notre industrie se montre incroyablement dispendieuse ! Le ratio [quantité de produit] / [quantité de packaging] est l’un des plus défavorables, en particulier pour les marques de luxe. Elle est aussi la championne de l’obsolescence programmée, avec un flux permanent de nouveautés qui cannibalisent les nouveautés précédentes.

Certes les actions vertueuses vont bon train : l’écoconception, la diminution de consommation de ressources et des déchets générés, et plus généralement la réduction de l’impact environnemental des produits sont au centre de l’agenda des acteurs.

La filière ‘ingrédients’ a été la première à s’en saisir, et travaille depuis des années à développer des ingrédients naturels, sourcés de manière durable. Il reste à faire, mais le mouvement est lancé. La filière packaging a été plus longue à s’impliquer significativement mais les initiatives se multiplient : fournisseurs de matière proposant des matériaux à l’empreinte environnementale réduite ; fabricants de pack utilisant des matières recyclées post-consommation (PCR) ; marques repackageant des lignes star en allégeant et simplifiant le packaging ; prise en compte du tri et de la valorisation des packs en fin de vie ; etc.

Une politique de ‘petits pas’… insuffisante

Toutes ces initiatives sont à saluer… Cependant, même mises bout à bout, elles sont encore loin d’avoir réduit de manière substantielle l’impact environnemental de la filière, et en particulier celle du luxe.

Prenons l’exemple du classique tube de rouge à lèvres : pour un ‘raisin’ de 3 à 4 grammes, le packaging représente 20 à 35 grammes, soit 7 à 10 fois plus que de produit. En fin de vie, l’utilisatrice jette un objet sophistiqué composé de plastique, de métal, de décors variés, de colle, de lubrifiant, voire d’aimants (contenant des terres rares, limitées et polluantes). Car il serait irréaliste d’imaginer pouvoir trier ces matériaux chacun dans sa filière - quand elle existe.

Pour le flacon de parfum, la plupart des verriers proposent maintenant des verres intégrant une part de PCR. Ceci réduit le bilan carbone des flacons et contribue à valoriser des déchets qui autrement se seraient retrouvés dans le tout-venant, voire en décharge. Mais examinons les chiffres (en grandes masses) :

 Pour un flacon en verre, le bilan carbone typique réside à 1/3 dans les matériaux et à 2/3 dans l’énergie.
 Une proportion de verre PCR réduit bien le bilan carbone de la part matière – mais ne change pas le besoin en énergie. Il est aujourd’hui techniquement difficile de dépasser environ 20% de verre PCR sans dégrader les qualités du verre et sans qu’il devienne impropre à répondre aux critères demandés par les marques de luxe. On peut donc espérer une réduction du bilan carbone de l’ordre de 6 à 7% – hors décors et accessoires.
 Les verriers qui sont équipés de fours électriques peuvent agir en outre sur la part énergétique en s’approvisionnant en électricité ‘verte’. Mais verte ou noire, cela représente beaucoup d’énergie qui part en décharge ou en recyclage à la fin de l’utilisation unique (dans la majorité des cas) du flacon.
 Et de fait, encore peu de marques choisissent d’utiliser ces types de verre partiellement recyclés.

Sans dévaloriser ces acquis, qui nécessitent des investissements en R&D et de gros efforts industriels et logistiques, on voit qu’il faudra chercher ailleurs une réduction significative de l’empreinte carbone des flacons en verre.

Re-use !

Parmi les trois leviers de la réduction de l’empreinte environnementale, les fameux ‘3R’ - Reduce, Reuse, Recycle - le second, est sous-exploité, et peut-être sous-estimé :

 On recense beaucoup d’initiatives sur le Reduce : matériaux alternatifs, bio-sourcés, issus de PCR, moins gourmands en ressources… packs éco-conçus, simplifiés, allégés… utilisation d’énergie renouvelable, etc.
 On note aussi des annonces sur le Recycle : packs mono-matériau ou séparables, plus faciles à recycler, campagnes de sensibilisation au geste de tri en fin de vie, efforts de la distribution ou des marques pour récupérer les packs usagés, mise en place de filières de recyclage, etc.
 Il existe cependant assez peu d’initiatives significatives sur le 2e R : Reuse. Or, avant de se préoccuper de recycler un pack, pourquoi ne pas faire en sorte qu’il soit utilisé longtemps et de nombreuses fois ?

Ceci apparaît à première vue comme un paradoxe car le Reuse pourrait représenter une voie particulièrement intéressante, surtout pour le luxe.

Autant le mass peut (et doit) envisager de simplifier et d’alléger ses packs, autant on ne peut pas négliger la dimension de désirabilité consubstantielle de la notion de luxe. Et ce n’est pas en réduisant le poids des packs au strict minimum techniquement possible, et en utilisant des matériaux ‘verts’ (parfois moins valorisant - il faut bien se l’avouer - que les matériaux ‘nobles’ préférés par les marques de luxe) que l’on fera rêver les utilisateurs et que l’on justifiera le premium prix.

Réutiliser un packaging au lieu de le jeter divise instantanément son bilan carbone par le nombre de réutilisations (en première approximation). Ne serait-ce que 5 réutilisations font gagner 80% du bilan carbone - soit treize fois les 6% gagnés par la voie du PCR pour un flacon verre – et on doit pouvoir aller bien au-delà de 5 réutilisations !

À suivre… la deuxième partie de cet article explorera quelles pistes prometteuses peuvent être suivies pour une vraie réduction de l’impact environnemental du packaging beauté.