Des matériaux au fort potentiel

Une éventuelle interdiction des nanoparticules reviendrait à accepter de se priver de structures qui, du fait de leur petite taille, changent les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques des matériaux et offrent par là même de vastes champs d’application. De fait, les applications possibles des nanomatériaux dépassent très largement le seul domaine de la cosmétique [1].

« On retrouve des nano-objets dans de multiples secteurs d’activité comme l’alimentation avec les cyclodextrines qui sont des exhausteurs de goût, la santé où les nano vecteurs sont très utilisés pour véhiculer des médicaments, la cosmétique, et de multiples autres domaines. Les nanoparticules sont omniprésentes dans notre quotidien,  » explique le Pr Philippe Piccerelle. Les propriétés obtenues sont souvent remarquables : meilleure solubilité, couleur différente, action ciblée et prolongée, propriétés magnétiques, interactions biologiques différentes… Le champ des possibles semble infini.

L’étude menée en mai 2012 par le cabinet McDermott Will & Emery définit même les nanotechnologies comme étant la 5ème révolution industrielle. Dans ce domaine, les États-Unis sont les plus grands déposants de brevets (54%), très loin devant la Corée du Sud (8%), le Japon et l’Allemagne (7%). La France contribue à 4% des dépôts. La progression générale du nombre de dépôts est vertigineuse ; puisqu’elle avoisine les 150% entre 2006 et 2011. [2]

L’innocuité en question

Mais, pour les industriels, et notamment ceux de la cosmétique, se pose aussi la question de l’acceptabilité de ces nano-particules par les consommateurs. Ne vont-elles pas subir le même sort que d’autres substances, aujourd’hui plus ou moins mises à l’index.

Car, indiscutablement, les nanoparticules n’ont pas toujours bonne presse, notamment auprès de certains défenseurs de l’environnement.

Pourtant, au strict niveau réglementaire, rien n’est interdit. Le nouveau règlement européen pour l’industrie cosmétique demande que les substances nanométriques soient soumises à avis 6 mois avant la mise sur le marché des produits. Au plus tard le 11 janvier 2014, la Commission mettra à disposition un catalogue des nano-produits utilisés en cosmétologie et la mention [nano] devra suivre le nom de l’ingrédient concerné sur l’étiquetage des produits qui en contiennent.
Pour le Professeur Piccerelle, « les questions à se poser par rapport à l’utilisation des nanoparticules sont celles liées à leur état physique (sont-elles solides ou liquides ?), à leur biopersistance, à leur possible passage de la barrière tissulaire, à leur génotoxicité  ».

En mars 2011, l’Afssaps a adopté un rapport sur l’état des connaissances relatif à l’utilisation des nanoparticules de TiO2 et de ZnO dans les cosmétiques, notamment en ce qui concerne leur pénétration cutanée, leur génotoxicité et en matière de cancérogénèse. « Aucune conclusion générale n’a pu être donnée, tout dépend des voies d’exposition, si ce sont les voies cutanées ou pulmonaires, de l’état de la peau, si elle est lésée ou pas, » explique le Pr Picerrelle. « Des études réalisées par des experts indépendants sont à conduire sur ce sujet et doivent pouvoir appuyer des campagnes d’informations  » ajoute-t-il.

La réalisation de ces études est incontournable si l’on souhaite pouvoir bénéficier un jour des avantages de ces particules.

Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), qui rassemble plusieurs fédérations de consommateurs issues de 31 pays européens, demande déjà une réglementation plus stricte. Il souhaite ainsi que soient considérés comme nanomatériaux ceux ayant au moins 0.15% de particules nanométriques, ceux produits non intentionnellement, ainsi que les nanoparticules et nano structures solubles, ainsi que celles dont la taille est inférieure à 1 nm. Il demande aussi à qu’un critère de surface spécifique soit pris en compte.