William Koeberlé

En 2011 en France, les ventes sur internet ne représentaient que 2% du chiffre d’affaires des distributeurs de la parfumerie sélective. Mais dans d’autres pays européens, le commerce en ligne des parfums et cosmétiques haut de gamme réalise des scores bien plus importants : 6% en Autriche et même 20% en République tchèque. Si son potentiel de développement est donc très important, la vente en ligne est pourtant loin de représenter le seul enjeu pour ce secteur.

Pour William Koeberlé, président du groupe Marionnaud et de la Fédération française de la parfumerie sélective (FFPS) internet fait partie intégrante du métier de détaillant. « Les deux tiers des clients des magasins visitent la toile pour s’informer sur les produits et les nouveautés, » explique-t-il. Un point de vue pleinement partagé par Franck Lehuédé, Chef de projets senior au sein du département consommation du Crédoc : « internet concerne l’achat, mais aussi, beaucoup, la préparation de l’achat. » Alors, les marques comme les distributeurs s’efforcent de suivre et d’accompagner leurs clients sur Google, les blogs, Facebook, YouTube, Pinterest ou Twitter.

Pour Robert Leygues, Président de la Fédération européenne des parfumeurs détaillants (FEPD), le développement du commerce en ligne s’inscrit, tout naturellement, dans la logique irréversible d’un monde de plus en plus digital : « Nous devons apprendre à cohabiter de façon intelligente avec cette forme de commerce et à utiliser la toile à notre profit, chaque fois que cela est possible. »

Pour chacun, c’est « un apprentissage permanent pour investir ces multiples canaux afin de ne pas perdre de vue le consommateur,  » ajoute William Koeberlé.

Arbitrages des consommateurs

Pour les détaillants, il n’y a aucun doute : Internet va devenir un média de première importance pour influer sur les arbitrages et les préférences des consommateurs.

Dans une grande partie de l’Europe, ces derniers sont convaincus que leur pouvoir d’achat diminuera dans les prochaines années. Ils devront notamment continuer à affronter l’augmentation de leurs « dépenses contraintes » - telles que le logement, l’alimentation ou l’énergie - qui représentent aujourd’hui 33% du budget des ménages français, contre 25% dans les années 1960.

En dépit de ces perspectives négatives, les chercheurs du Crédoc notent toutefois, chez les consommateurs français, un très fort désir d’investir dans le savoir, pas seulement le savoir professionnel mais aussi personnel, qui s’associe à « un fort investissement dans l’image de soi  » et finalement dans l’apparence personnelle. De quoi laisser aux industriels de la cosmétique d’assez solides espoirs.

Pour tirer leur épingle du jeu, les industriels devront toutefois, selon Franck Lehuédé, accorder une place centrale à l’innovation et être capables de rassurer les consommateurs sur « l’éthique des produits, » notamment la prise en compte d’enjeux tels que le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité ou l’équité des échanges avec les petits producteurs.

Les risques d’un « réseau de pirates »

Mais si internet peut être un formidable outil pour placer la connaissance des consommateurs au cœur d’une stratégie de développement, il peut aussi favoriser une série de pratiques nuisibles, a fortiori dans un contexte économique difficile.

Les pratiques de cybersquatting, d’achats de liens sponsorisés, le développement des sites champignons [1] ou l’utilisation frauduleuse des plateformes de vente entre consommateurs (comme e-bay, LeBonCoin.fr, tutti.ch, etc.) ont permis un développement considérable du commerce des contrefaçons et des marchés parasitaires. À tel point que, selon Manlio Pizzorni, Regional Vice-Président Europe de l’Ouest et Moyen-Orient de Coty Prestige, « sur internet, les contrefacteurs ont toujours une longueur d’avance sur les marques.  »

Du côté de la FFPS, si on rappelle être favorable à ce nouveau canal de distribution on tient à préciser que son développement doit se faire dans le respect des règles de la distributions sélective. Ce qui devrait normalement interdire aux pure players de distribuer des produits parfumerie sélective en Europe. « C’est pourquoi la Fédération Française de la Parfumerie Sélective (FFPS) avec le soutien de ses adhérents, tout en réaffirmant son attachement au respect de la concurrence notamment dans le domaine de la vente en ligne, a décidé de sensibiliser les responsables français et européens du risque que peut représenter le développement en parallèle de la réglementation, de sites pure players de vente de parfums et cosmétiques, » conclut William Koeberlé.