Laetitia Luthringer, Consultante Social Media spécialiste des marques beauté chez KRDS

Premium Beauty News - Vous faites partie de ces quelques personnes qui ont su transformer leur passion pour les réseaux sociaux en véritable métier. Pouvez-vous nous donner parler de votre activité ?

Laetitia Luthringer - En tant que consultante au sein du pôle Social Media de KRDS, j’aide les marques à prendre la parole sur Facebook. Cela comprend à la fois des missions stratégiques et opérationnelles. Il peut s’agir d’aider une marque à construire une page Facebook, à y proposer des jeux-concours, à recruter des fans ou à effectuer pour elle une véritable activité de community management. En fonction de son identité et de ses besoins, nous réalisons souvent un audit pour mieux cibler sa présence sur les réseaux sociaux, et la conseiller sur l’ensemble du travail de construction de son image via ces nouveaux médias.

En ce qui me concerne, je suis plus spécifiquement chargée des marques du luxe et de la cosmétique. Entre autres parce que j’ai été remarquée comme blogueuse beauté et que cette passion m’a poussée à vouloir toujours mieux maîtriser les codes et les techniques de ce marché.

L’essentiel de mes missions est consacré à la communication sur Facebook, KRDS étant une agence spécialiste du F-marketing. Mais il nous arrive aussi, pour des budgets plus importants et lorsqu’il y a une stratégie élaborée de développement sur les réseaux sociaux, d’intervenir sur d’autres médias.

Premium Beauty News - Précisément quels sont les objectifs du community management sur Facebook ?

Laetitia Luthringer - À mon avis la plus grande réussite du community manager c’est lorsqu’il parvient à créer autour de la marque une communauté de fans nombreuse, suffisamment motivée et enthousiaste pour qu’elle s’anime finalement d’elle-même. À ce stade, son rôle est simplement d’encadrer la communauté. Parmi les grandes réussites de ce type, on peut citer Starbucks ou, dans le secteur des cosmétiques, bareMinerals USA (Bare Escentuals Cosmetics). Sur la page Facebook de ces marques, ce sont essentiellement les fans qui s’expriment, et avec un taux important de mise en ligne (notamment pour des photos). A ce stade, le rôle du community manager se réduit, presque, à contrôler la légalité des échanges.

Premium Beauty News - On est pourtant souvent loin de ces situations idéales !

Laetitia Luthringer - Oui. Mais toutes les marques n’ont pas le même objectif. Pour beaucoup, l’exposition de leurs produits ou de leurs messages est prioritaire. Dans ce cas, l’objectif est bien moins de fédérer une communauté que d’être vu et lu par sa cible.

Premium Beauty News - Point de salut en dehors de Facebook ? Qu’en est-il, par exemple, de Google+ ?

Laetitia Luthringer - Être présent sur plusieurs réseaux sociaux prend du temps et demande des moyens. Je pense qu’à l’heure actuelle, une présence sur Google+ se justifie surtout si l’on vise un public de technophiles, voire de techno-addicts. Il y a beaucoup d’inscrits sur Google+ mais le taux de fréquentation du site semble assez faible. Toutefois on note de très belles réussites sur ce média, comme pour la marque Burberry.

D’une manière générale, il y a deux questions à se poser avant d’investir sur un réseau. Première question, ma cible y est-elle présente ? Il faut aborder chaque réseau social comme on aborde une agglomération. Et se poser la question de la rentabilité de son investissement : où et par qui va-t-on être vu ? Est-ce que ma publicité sera rentable ? De ce point de vue, Facebook est un outil de ciblage ultra-précis. Seconde question, que vais-je dire à ma cible ? Il faut être certain de son identité et de son discours.

Dans tous les cas, une campagne aura toujours plus d’impact si celle-ci n’est pas cantonnée au seul réseau choisi, mais qu’elle s’accompagne d’une action sur plusieurs médias. D’autant qu’en France, et plus généralement en Europe, les consommateurs ont moins le réflexe Facebook qu’aux États-Unis. Si certaines marques ont un nombre très important de fans, c’est souvent parce qu’elles n’ont pas hésité à les recruter ailleurs que sur Facebook, par des actions de PLV par exemple.

Premium Beauty News - Et les marques cosmétiques dans tout cela ? On les dit très en retard ?

Laetitia Luthringer - C’est très relatif ! Il n’est pas étonnant que les marques de beauté se soient intéressées aux médias sociaux plus tardivement que les marques high-tech. C’est un univers qui pouvait leur sembler très lointain. Mais la conséquence, lorsqu’elles ont décidé d’investir ces médias, c’est d’arriver sur un marché en inflation…

Aujourd’hui, pour une PME, le ticket d’entrée est loin d’être anodin si l’on veut être efficace. Les marques qui sont entrées les premières ont pris de l’avance et bénéficient d’une fidélité plus importante.

Premium Beauty News - N’y a-t-il pas aussi un décalage générationnel avec des dirigeants pour qui internet et les réseaux sociaux restent encore « l’espace du n’importe quoi » ?

Laetitia Luthringer - Les réseaux sociaux peuvent faire peur. Ce n’est pas spécifique à la cosmétique. Pour certains dirigeants, entrer sur Facebook c’est courir le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Il y a plusieurs réponses à apporter à ces inquiétudes.

D’une part, il y a une modération légale, qui est permise par les règles de Facebook. D’autre part, les marques peuvent proposer des règles de conduite (policies) sur leur page, et ne doivent pas hésiter à les mettre en avant.

Mais il est vrai qu’il y a toujours des personnes qui ont un avis négatif et que Facebook peut leur procurer l’occasion de l’exprimer publiquement à bon compte. Écouter ces personnes est toujours utile. On peut bien sûr supprimer leurs commentaires s’ils enfreignent les règles de bonne conduite, on peut aussi leur répondre de manière constructive. Ils permettent même parfois de découvrir des problèmes non perçus auparavant.

Cette possibilité laissée à l’expression d’avis négatifs est aussi ce qui fait la force de la communication sur les réseaux sociaux. Les avis positifs ont d’autant plus de poids que les avis négatifs sont possibles. Cela peut sembler un pari risqué, car on admet généralement qu’un consommateur qui a un avis négatif sur une marque a plus de chance de s’exprimer que s’il a quelque chose de positif à dire. Mais au sein d’une communauté de fans, cette proportion est très différente et les avis positifs s’expriment plus facilement et plus spontanément. Le rôle du community manager est aussi d’encourager et de faciliter l’expression des opinions positives.