Les chiffres les plus récents laissent entrevoir une certaine dégradation des marchés. Les résultats publiés la semaine dernière par LVMH montrent ainsi que la croissance organique du groupe n’a progressé que de 6% au cours de cette période ; la moitié de sa performance du premier et du deuxième trimestre (respectivement 12%).

Marchés contrastés

Côté marché américain, les dernières données publiées par le NPD Group, une société internationale d’études marketing, restent médiocres. À l’exception des soins pour la peau, tous les segments sont à la baisse sur le premier semestre 2008. Toutefois, la décrue du second trimestre a été moins marquée que lors des premiers mois de l’année. En Europe, les marchés français et italiens progressent lentement. Mais, NPD révèle que la croissance des ventes en valeur en France masque en réalité une décrue assez nette des volumes écoulés, à l’exception du maquillage qui continue de progresser.

Toujours selon le NPD Group, le marché chinois en revanche, continue de progresser vigoureusement, avec une croissance à deux chiffres (de 28 à 32%) de tous les segments sur les six premiers mois de l’année.

Mais tout cela a-t-il un rapport avec la crise financière ? Ou n’est-ce pas, finalement, la poursuite de tendances antérieures, propres aux différents marchés cosmétiques ?

Reinold Geiger, Pdg de L'Occitane

Reinold Geiger, Pdg de L’Occitane

Pour Reinold Geiger, Pdg de L’Occitane, « la crise financière ne va pas arranger les choses mais il faut savoir que la consommation est déjà difficile en Europe depuis plusieurs mois, y compris pour la France. L’Angleterre commence réellement à accuser le coup depuis un mois. Quant aux États-Unis, cela fait deux à trois semaines que l’on sent une réelle baisse. En revanche, certains pays d’Asie ne sont pas touchés ».

« Ce qui ne nous empêche pas de prévoir une croissance à deux chiffres pour L’Occitane en 2009 », insiste-t-il. « Certes, pas au niveau auquel nous étions habitués mais à deux chiffres tout de même ! ». L’Occitane continue d’ailleurs à investir fortement, et Reinold Geiger confirme l’ouverture de cent magasins supplémentaires l’année prochaine.

« Quant à l’impact de cette crise sur les différents marchés de la beauté, explique Reinold Geiger, j’ai tendance à penser que cela affectera davantage le très haut de gamme que le mass. Une femme aura tendance à se passer d’une crème à 300 euros et se reportera sur un produit évidemment moins cher ».

« Le plus difficile pour un industriel, souligne-t-il, cela va être de trouver de l’argent pour investir. »

Retour à l’essentiel ?

Dario Ferrari, Pdg d'Intercos

Dario Ferrari, Pdg d’Intercos

Pour Dario Ferrari, le patron d’Intercos, « cette crise avait commencé depuis longtemps. Il suffit de voir les résultats de nos clients depuis quelques semaines. Quant à la crise financière, elle n’a pas encore touché l’économie réelle. La période de Noêl va être un vrai test ».

« En même temps, explique-t-il, nous ne sommes pas pessimistes outre mesure. Notre budget 2009 qui n’est finalement que le reflet de nos contacts avec nos clients sera un budget en augmentation. Ce qui ne nous empêche pas d’anticiper un certain nombre d’actions pour tenir le coup si…. En particulier, en termes d’organisation ».

« Ce qui va souffrir, à mon avis, c’est le créneau du ‘Class Mass’ Le ‘Mass’ pure et dure et les marques de distributeur devraient résister ainsi que le prestige, » conclut-il.

« En ce qui concerne les activités d’Alkos, je veux rester optimiste », explique également Gérard Peverelli, le président du groupe français. «  Pour l’instant notre carnet de commandes est bien rempli…, même au-dessus de l’année dernière. Et nous ressentons peu le phénomène de crise ».

«  Il semble clair, néanmoins, que ce que j’appelle ‘la cosmétique superflue’ va souffrir dans les mois qui viennent. Cela va être dur pour ceux qui ont sorti des produits ‘non essentiels’ pour la femme. Et certains vont payer les excès marketing de la parfumerie ou du soin auxquels ils nous ont habitués depuis quelques années La chasse au gaspi va s’accélérer. En revanche, en ce qui nous concerne, le maquillage classique ‘tout au crayon’ devrait bien résister, » prévoit-il.

Des fournisseurs d’emballages prudents

Pour Christophe Baudry, Directeur Europe de l’Ouest Consumer Packaging pour le fabricant de cartons M-real, « savoir ce qui va se passer dans les mois qui viennent pour la filière packaging relève de la boule de cristal ».

« Le segment carton ondulé est plus sensible aux mouvements économiques et il semblerait que les prévisions des spécialistes soient beaucoup plus moroses que sur le carton plat où pour l’instant, explique-t-il, nos machines tournent à plein et nous n’avons pas encore enregistré d’annulation ou de baisse de commande ».

« Il faut dire, ajoute-t-il, que nous bénéficions aussi de l’effet d’annonce de l’arrêt de l’usine Stora Enso Baienfurt en Allemagne qui a une capacité de production de 225 000 tonnes de carton. A l’issue de cet arrêt, M-real deviendra de ce fait le leader incontestable en carton plat en Europe en terme de part de marché. Enfin, le groupe M-real a cédé il y a quelques jours sa Division ‘’Graphics’’ au Sud Africain Sappi ».

«  Pourquoi se faire peur ? », confirme Rudolf Wurm, Heinz Glas. « Notre carnet de commandes est bien rempli et rien ne laisse présager qu’il devrait y avoir un coup d’arrêt significatif dans les semaines qui viennent. Évidemment, personne ne peut dire ce qu’il adviendra de la conjoncture économique générale. Les demandes de cotation sont toujours aussi importantes ».

« Il faut dire que les verreries européennes étaient plutôt en sous-capacité jusqu’à fin 2007 et que les délais de commande s’étaient vraiment allongés. Nous avons alors réalisé d’importants investissements pour créer de la surcapacité et ainsi augmenter notre flexibilité sur 2008 et les années à venir, » conclut-il.

Arrêter de se faire peur

« Ce n’est pas la fin du monde et il faut arrêter de se faire peur mais on ne pourra pas être épargné par la crise qui nous arrive dessus », souligne Gérald Martines, RPC Beauté, sur un ton différent. « Nous allons beaucoup souffrir aux États-Unis. C’est déjà le cas depuis quelques semaines. En Europe, on va voir…, mais les plus pessimistes tablent sur une chute très forte au cours du premier semestre 2009. Évidemment, la situation est difficile. Le coût du crédit a triplé en quelques mois, les coûts des matières premières et des transports n’ont jamais été aussi élevés et notre business se nourrit d’un financement qui est devenu rare et cher ! Il est clair qu’il va falloir montrer des business plan impeccables ! Et cela ne sera pas possible pour tout le monde ! Il ne peut qu’y avoir de la casse ».

À suivre…