La marque trouve son origine dans la parfumerie “À la Reine des Fleurs”, fondée en 1774. Elle doit son nom au parfumeur Louis Toussaint Piver, qui rachète en 1813 l’établissement où il a débuté comme apprenti. La marque se développe et ouvre des succursales à l’étranger dès 1817, avant de devenir fournisseur de l’Empereur en 1858.

En 1896, Jacques Roucher, directeur de l’Opéra de Paris, prend les rênes de l’entreprise. Visionnaire, il pressent que l’emploi récent de la synthèse va moderniser la parfumerie et s’entoure de créateurs chimistes. Naît ainsi Trèfle Incarnat (1898), un des grands succès de la Belle Époque. Il développe la marque grâce à l’essor de la publicité et multiplie les succursales internationales. À l’aube des années 1920, cette entreprise française dont la devise était “L.T. Piver parfume le monde entier” est l’une des rares à réaliser plus de la moitié de son chiffre d’affaires à l’étranger.

La marque traverse les décennies qui suivent la guerre en misant notamment sur le succès de ses fameuses “lotions” capillaires, déclinées de ses parfums. En 1967, la maison reçoit la Croix de La Légion d’Honneur pour sa longévité et la qualité de ses produits. Mais, à l’instar de nombreuses marques anciennes, elle ne renouera jamais vraiment avec ses heures de gloire. En 1989, L.T. Piver est rachetée par la famille franco-algérienne Amouyal au groupe de chimie Rhône-Poulenc.

Les solides bases d’un renouveau attendu

En juin 2022, la marque attire l’attention de Nelly Chenelat. Après 30 ans passés dans l’univers du parfum chez Cartier, Mugler ou YSL à différents postes, elle aspire à un projet personnel et créatif. Elle découvre L.T. Piver, dont le patrimoine, la créativité et l’excellent rapport qualité-prix de ses produits made in France, la séduisent immédiatement. Le propriétaire, Éric Amouyal, accepte de lui céder la marque.

Pour engager le renouveau de la marque, Nelly Chenelat entend s’appuyer sur la richesse olfactive de parfums qui ont traversé ces dernières années sans renfort de communication, ouvrant ainsi de nombreuses perspectives. Le patrimoine florissant, source d’inspiration et base idéale pour le storytelling, est un autre point fort, tout comme la dimension internationale de la marque, qui vend plus de 2 millions de pièces dans le monde (Caraïbes, États-Unis, Middle-East, Cambodge…). À tout cela s’ajoute, selon la nouvelle propriétaire, un savoir-faire artisanal, qui distingue L.T. Piver de nombreux concurrents.

En 1860, la marque possédait trois usines à Paris, Aubervilliers et Grasse. La dernière est toujours en activité et réalise l’assemblage des matières premières, la maturation du concentré, la mise en alcool puis la macération. L.T. Piver ayant toujours été une maison de parfumeurs, qui source ses ingrédients, son savoir-faire interne offre une signature olfactive singulière à sa gamme, tout en garantissant la confidentialité des formules.

« Cette notion d’assemblage est essentielle pour la marque, car elle implique des temps de maturation ou de macération qui impactent le rendu olfactif du parfum », explique Joëlle Lerioux, que Nelly Chenelat a choisi comme parfumeur maison.

Si ce savoir-faire artisanal est très inspirant, la diversité du catalogue de L.T. Piver l’est tout autant. Dès le début du XXème siècle, la marque développe des savons pour le corps et les cheveux, des pastilles odorantes, des pommades ou de la brillantine. Mais aussi des lotions capillaires inspirées de ses parfums Rêve d’Or, Pompeïa et Héliotrope blanc, encore disponibles aujourd’hui.

« Il y a une vraie générosité dans l’offre de L.T. Piver, qui s’adresse à une large clientèle, quel que soit son pouvoir d’achat », observe Nelly Chenelat. « C’est une parfumerie de beauté et de bien-être », renchérit Joëlle Lerioux.

Consolider et développer un héritage unique

L’objectif est d’assumer et pérenniser le positionnement masstige de la gamme actuelle, tout en développant de nouvelles fragrances plus “niche”. Héliotrope Blanc, Cuir de Russie ou Rêve d’Or, des références peu coûteuses prisées des amateurs de parfum, resteront donc sensiblement au même prix.

Les nouveautés s’inscriront en revanche dans un positionnement premium, avec la création d’extraits ou de fragrances inédites. Un travail de création à part entière, qui puise dans le patrimoine de la marque, pour lequel Joëlle Lerioux s’attache à paraphraser la signature olfactive de L.T. Piver, pour ne pas trahir son ADN et en préserver la qualité. Cette continuité s’appuie notamment sur le savoir-faire artisanal de la marque qui lui a été transmis et sur l’autonomie de la marque.

L’héritage de cette maison historique permettra également de développer une gamme de soins dérivés, en s’inspirant des produits anciens, avec des formules remises aux normes et aux goûts du jour.

À travers L.T. Piver, Nelly Chenelat et Joëlle Lerioux espèrent valoriser une parfumerie populaire de qualité. Une parfumerie « à l’ancienne, où on prend le temps de faire du beau ». Les projets en cours devraient voir le jour l’an prochain sur le marché. Ils pourraient être présentés en avant-première au TFWA 2023 à Cannes.