Le 8 juillet 2025, la Commission européenne a présenté son plan d’action pour l’industrie chimique, une proposition de grande envergure visant à renforcer la compétitivité et à moderniser le secteur en s’attaquant aux « coûts énergétiques élevés, à la concurrence mondiale déloyale et à la faiblesse de la demande, tout en encourageant les investissements dans l’innovation et la durabilité ».
Dans le cadre de ce plan, un ensemble de mesures de simplification – la 6e législation omnibus pour l’industrie chimique – vise à rationaliser et à simplifier les principaux textes européens en matière de produits chimiques : classification et étiquetage des produits chimiques dangereux, réglementation européenne sur les cosmétiques et enregistrement des engrais. Selon la Commission, ces mesures permettraient à l’industrie d’économiser au moins 363 millions d’euros par an.
Par ailleurs, le Règlement de base de l’ECHA, autre proposition du plan, vise à améliorer la gouvernance et la stabilité financière de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) grâce à un cadre juridique indépendant.
Le plan d’action va désormais faire l’objet d’une procédure de codécision dans le cadre de la procédure législative ordinaire (PLO) de l’UE, impliquant à la fois le Parlement européen et le Conseil en tant que co-législateurs. Cette procédure nécessite entre 12 et 18 mois en moyenne. Les nouvelles réglementations pourraient donc être adoptées et publiées dans un délai de deux ans, à partir du milieu ou de la fin de l’année 2026.
Quel impact sur la beauté ?
Pour les entreprises européennes du secteur de la beauté, qui dépendent d’un grand nombre de produits chimiques pour leurs formulations et leurs emballages, ces propositions ont d’importantes implications.
Dans un communiqué de presse conjoint, les principales associations européennes du secteur des cosmétiques ont salué le plan d’action, estimant qu’il s’agit d’un « pas dans la bonne direction » et jugeant « équilibrée » la législation Omnibus qu’il contient.
« Nous estimons qu’il s’agit d’une approche proportionnée, fondée sur des données scientifiques, qui continue de mettre fortement l’accent sur la sécurité des consommateurs », indiquent Cosmetics Europe, IFRA, EFfCI, NATRUE, EFEO (European Federation of Essential Oils), IFEAT (International Federation of Essential Oils and Aroma Trades), ainsi que SMEunited.
Au contraire, le Bureau européen des consommateurs (BEUC) a exprimé son désaccord. Selon lui, ces propositions pourraient « augmenter considérablement l’exposition des consommateurs à des produits chimiques dangereux et accroître les risques pour la santé ». Le BEUC estime que ce plan d’action va à l’encontre des préoccupations des consommateurs et qu’il est en contradiction avec l’engagement de la Commission de maintenir des normes de protection élevées.
Des « changements ciblés »
Pour la Commission européenne, l’objectif général est « de réduire la charge, d’améliorer la clarté et de soutenir l’innovation sans compromettre la sécurité ».
Ainsi, explique-t-elle, la législation omnibus incluse dans la plan d’action propose des « changements ciblés » tels des périodes transitoires pour la mise en place de la documentation numérique destinée à simplifier les règles d’étiquetage des produits chimiques dangereux et à aligner les exigences du règlement de l’UE sur les produits cosmétiques et du règlement REACH pour les produits chimiques.
En ce qui concerne l’étiquetage des produits chimiques, les propositions de modifications comprennent différentes options visant à rendre les étiquettes plus flexibles et plus lisibles, à accroître l’utilisation de l’étiquetage numérique et à assouplir les règles en matière de publicité afin de réduire les coûts et la complexité. Pour les cosmétiques, les modifications visent à clarifier les délais, notamment pour les exemptions d’interdiction de substances, y compris celles liées aux substances classées CMR [1]. Des orientations ont également été fournies sur l’utilisation des substances naturelles complexes.
Quant au nouveau règlement de base de l’ECHA, la Commission explique qu’il vise à accélérer la délivrance des avis scientifiques, pour que l’industrie soit fixée plus rapidement sur les réglementations relatives aux substances.
« La simplification est synonyme de clarté, pas de réduction de la sécurité »
« Dans une certaine mesure » ces propositions contribuent certainement à lever les obstacles existants et à simplifier les processus trop complexes, explique John Chave, directeur général de Cosmetics Europe à Premium Beauty News. Selon lui, elles offrent « davantage de sécurité juridique et de prévisibilité, tout en donnant la priorité à la sécurité ».
« Nous espérons vivement que lorsque la législation omnibus sera discutée, les parties prenantes le verront pour ce qu’il est : une amélioration de bon sens du processus de dérogation qui n’a aucune conséquence sur la sécurité, mais qui aidera effectivement une industrie européenne phare à rester compétitive » ajoute-t-il.
Pour le directeur général de Cosmetics Europe, les organisations européennes de consommateurs opposées à ces propositions « répandent une inquiétude injustifiée ». La réduction des obstacles auxquels fait face l’industrie dans le processus de dérogation, ne supprime pas la réglementation, « les substances CMR continuent d’être traitées comme un cas particulier dans le cadre réglementaire. Les consommateurs doivent être rassurés : personne ne prend de risques en matière de sécurité ».
Alexander Mohr, président de l’IFRA, partage cet avis : « La simplification est synonyme de clarté, et non de sécurité réduite. Des règles plus claires renforcent la confiance des consommateurs en leur permettant de mieux comprendre et d’avoir davantage confiance dans les évaluations de sécurité des produits cosmétiques. Des réglementations transparentes et fondées sur des données scientifiques renforcent en fin de compte la confiance des consommateurs ».
Selon lui, les propositions de la Commission n’abaissent pas les normes de sécurité, au contraire elles les renforcent en désignant plus clairement quels ingrédients cosmétiques doivent être évalués sur la base d’un risque réel. L’industrie européenne du parfum, explique-t-il est « pleinement engagée » à soutenir des réglementations claires et scientifiquement solides et continue à collaborer avec les décideurs politiques et les différents parties concernées afin de garantir que ces propositions favorisent à la fois la sécurité des consommateurs et la poursuite de l’innovation dans le secteur.
Aligner la réglementation « sur le risque réel »
Mark Smith, le directeur général de NATRUE, estime que les propositions de la Commission sont particulièrement bien accueillies par le secteur des cosmétiques naturels et biologiques en raison des clarifications qu’elles apportent sur les substances naturelles complexes.
En effet, l’application conjointe du règlement sur la classification, l’étiquetage et l’emballage (CLP) et du règlement sur les produits cosmétiques (CPR) pourraient, en l’état actuel, conduire à l’interdiction automatique de certains extraits naturels simplement parce qu’un de leurs composants serait classé dangereux. « L’alignement de la réglementation sur le risque réel, dans les conditions d’utilisation prévues des cosmétiques, est un point important de la proposition. Sans cela, des ingrédients naturels, même ceux qui sont autorisés pour les aliments et qui sont tout à fait sûrs dans les cosmétiques, pourraient être retirés du marché en raison de ces mécanismes d’interdictions automatiques ».
Pour Mark Smith les propositions de la Commission contribuent à préserver l’utilisation d’une « large palette d’extraits végétaux » essentiels à l’innovation industrielle et au développement de futurs produits.
Pour les représentants du secteur, le plan d’action sur les produits chimiques va donc dans le bon sens, en renforçant à la fois la sécurité des consommateurs et les ambitions en matière de compétitivité industrielle.
























