Premium Beauty News - Que nous dit le marché américain de cette tendance à exprimer sa volonté de liberté au travers du maquillage ?

Leïla Rochet - C’est un marché qui bouge énormément notamment avec l’émergence des microniches, des indie brands qui bousculent les lignes. Dans une société américaine actuellement un peu ‘sous tension’, le maquillage n’a jamais autant été source d’expression de soi,- de prise de confiance en soi, d’empowerment, mais également source d’une certaine liberté affichée, au travers des réseaux sociaux, des positionnements de marques et des types de produits qui sont créés.

Premium Beauty News - Qu’est ce qui illustre le mieux ce mouvement ?

Leïla Rochet - Dans notre dossier Freedom Beauty [1], nous passons au crible six tendances se rapportant par exemple aux couleurs ou à l’émotion. L’une d’entre elles, en particulier, intitulée World’s changers évoque ces marques qui prennent réellement position par rapport à un changement, en résonnance avec l’engagement du consommateur.

Aujourd’hui, un vent de liberté souffle sur les réseaux sociaux et certaines marques se positionnent véritablement comme porte-paroles d’un choix sociétal ou politique. Citons par exemple des rouges à lèvres tels que le « F*ck Donald Trump » par la marque Lipslut, dont 50% des bénéfices sont reversés à des organisations luttant contre la politique actuelle. Autre exemple, la marque Lipstick Lobby qui pour le lancement de sa nouvelle teinte Fire met en scène dans ses communications des survivants aux gunshoot dans les écoles, rejoignant ainsi le mouvement anti armes.

Nous constatons le mouvement de réappropriation de la culture Afro-Américaine, avec la montée en puissance du black empowerment, des marques faisant l’éloge d’une représentation de la féminité plus inclusive.

Premium Beauty News - Quel est votre constat le plus marquant ?

Leïla Rochet - La notion de Small is the new Big, que l’on retrouve à plusieurs niveaux. En matière de retail, les ventes online restent plus faibles aujourd’hui en parts de marché que les ventes en magasins, pourtant elles sont moteurs de croissance du marché. Du côté des marques, ce sont les marques indies (niches) qui sont vectrices et porteuses de croissance. Idem pour les petits segments, type primer, gloss ou applicateurs, qui étaient considérés comme secondaires et qui sont aujourd’hui parties prenantes de cette croissance.

Enfin, le marché américain est porté par la nécessité d’être dans la diversité et même l’inclusiveness, avec une démultiplication de teintes en cohérence avec la diversité existante. Certaines marques sont maintenant sur des propositions de 50 teintes, voire 60 chez MAC Cosmetics.

Premium Beauty News - Quelle est la progression du makeup aux États Unis ?

Leïla Rochet - Au second trimestre 2018, la croissance de la beauté prestige était à plus de 6% selon les chiffres NPD, boosté par la croissance à + 12% alors que le makeup est stable. Cette inversion de croissance démontre que le marché oscille vers davantage de naturalité, que la mise en beauté se fait sur la notion de skin deep plutôt que skin surface. Le phénomène des instagramers en makeup se reproduit aujourd’hui sur le skincare. C’est un phénomène porté par le mouvement wellness très fort dans le monde et particulièrement aux États-Unis, une volonté plus holistique que superficielle de la beauté.

Premium Beauty News - Quelle serait votre conclusion pour les marques ?

Leïla Rochet - On peut voir dans cette étude que les consommateurs cherchent à exprimer une certaine liberté dans le maquillage, que ce soit dans la naturalité, dans l’expression de soi ou dans les choix sociétaux. Il est important pour les marques désormais de devenir partenaires de ce nouveau souffle en proposant des produits en cohérence avec cette recherche de liberté d’expression.