En partenariat avec la plateforme d’enquêtes Potloc, le cabinet de conseil en stratégie L.E.K. Consulting a interrogé plus de 3500 personnes aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France. L’échantillon, représentatif des acheteurs de soins du visage, a permis de segmenter huit profils comportementaux éclairant les attentes en matière de soin du visage.

« Les données sociodémographiques ont l’avantage d’être faciles à partager, mais elles masquent trop souvent la grande variabilité des comportements au sein des différentes catégories », souligne Philippe Gorge.

Fidélité émotionnelle contre volatilité fonctionnelle

L’étude Uncovering Growth Opportunities in Skincare Through Behavioural Segmentation [1] se penche sur l’état d’esprit, les attentes, les routines, le rapport aux influenceurs et experts, la sensibilité aux prix et les valeurs éthiques des acheteurs. Deux axes structurent la recherche : la quête plus ou moins forte d’expertise, et l’orientation plutôt fonctionnelle ou émotionnelle du rapport au produit.

De plus, chacun des huit profils est associé à des indicateurs économiques essentiels : poids sur le marché, évolution des dépenses annuelles, nombre de marques utilisées, niveau de fidélité.

Le principal enseignement est plutôt contre-intuitif : les consommateurs les plus dépensiers ne sont pas forcément les plus intéressants à long terme. « Tout dépend de l’ADN de chaque marque », explique Philippe Gorge.

L’étude confirme sans aucun doute possible le poids considérable des profils dits « cliniques », pour lesquels l’efficacité et la performance sont des éléments déterminants. Trois profils concentrent environ 70% du marché : les Skincare Hackers, jeunes et hyper connectés, qui testent et mélangent sans cesse de nouvelles routines ; les Effortless Quality Enthusiasts, partisans de la simplicité et de la fiabilité, et les Clinical Seekers, en quête de résultats scientifiquement prouvés.

Mais ces profils se montrent assez peu fidèles, passant d’une marque à l’autre au gré des innovations. À l’inverse, les profils plus émotionnels, comme les Trusted Touch Ritualists ou les Natural Integrity Seekers, dépensent moins mais se montrent bien plus loyaux.

« Plus l’engagement est fonctionnel, plus la loyauté est faible. Plus il est émotionnel, plus elle est forte », résume Philippe Gorge.

Des marques qui ont réussi à tisser des liens émotionnels forts avec leurs consommateurs ont ainsi intérêt à entretenir cette relation, gage de ré-achat, plutôt qu’à investir à tout prix un segment « clinique » trop éloigné de leur proposition.

En France, le poids spécifique de l’émotionnel

L’étude confirme également une intuition souvent évoquée : les Français ont une relation émotionnelle plus marquée vis-à-vis du soin du visage. Ils recherchent davantage de produits naturels que les anglo-saxons, et sont globalement plus attentifs à la sensorialité des textures et au plaisir des rituels.

L.E.K. Consulting explique cette spécificité par la force des pharmacies françaises. Le rôle de conseil du pharmacien limite notamment le poids des Skincare Hackers, qui puisent leurs connaissances sur les réseaux sociaux. « Cela ne veut pas dire que le segment clinique n’est pas puissant en France ! Mais il l’est moins qu’au Royaume-Uni ou aux États-Unis », précise Philippe Gorge. « Plus globalement, il existe dans chacun des trois marchés étudiés une vraie diversité des comportements susceptibles de nourrir la croissance ».

Choisir ses batailles

Pour le cabinet L.E.K Consulting, le message aux marques skincare est sans ambages : vouloir séduire tout le monde est une erreur. « Cibler les Clinical Seekers à tout prix peut conduire à diluer sa proposition de valeur et à créer de la confusion ». À l’inverse, renforcer l’alignement entre son positionnement et les attentes du cœur de clientèle permet d’ancrer la croissance dans la durée.

Les dépenses élevées (350 à 460 euros par an) des Clinical Seekers sont réparties entre 2,7 marques en moyenne, avec une fidélité peu élevée. Les Trusted Touch Ritualists, s’ils dépensent presque deux fois moins (135 à 170 euros), ne répartissent leur budget qu’entre 1,5 marques en moyenne et se montrent très fidèles. Sur ce dernier profil, le potentiel de chiffre d’affaires par marque est donc presque aussi élevé, avec une meilleure garantie de ré-achat !

« Il y a un segment significatif du marché tourné vers l’efficacité et ce sont des clients qui dépensent beaucoup ! C’est factuel. Mais il y a d’autres consommateurs qui accrochent davantage à des propositions plus naturelles ou qui sont en quête de sensorialité, de plaisir et de luxe. Investir en R&D pour renforcer l’efficacité des produits n’est jamais un mauvais choix, mais vouloir à tout prix cibler les seuls profils ‘cliniques’ peut conduire à des échecs cuisants. À vouloir cocher trop de cases, on court le risque de diluer sa proposition de valeur », conclut le partner de L.E.K. Consulting.

Attention donc au piège du « toujours plus » ! Les segments jeunes et connectés seront moteurs dans les années à venir et cela oblige les marques à être plus dynamiques sur les réseaux sociaux, à tester de nouveaux formats et à multiplier les expériences. Mais cela ne veut pas dire qu’une seule offre est pertinente. À trop étirer leur proposition, certaines marques pourraient perdre des clients pourtant fidèles !