« Pour l’économie française l’enjeu aujourd’hui est de savoir comment on décarbone tout en innovant pour regagner des parts de marché et poursuivre les créations d’emplois. Pour cela, nous voulons pousser certaines PME en forte croissance pour les aider à changer de dimension », explique François Luscan, Président du Conseil d’administration d’Albéa et, depuis 2022, ambassadeur de la stratégie Nation ETI aux côtés de Catherine Lagneau.

En 2008, date à laquelle la catégorie des ETI est entrée dans les statistiques françaises, la catégorie comptait 4600 entreprises contre près de 6200 aujourd’hui. Mais dans le même temps, l’Allemagne est passée de 12500 à 16000. La stratégie Nation ETI s’est fixée l’objectif ambitieux de faire entrer 1000 nouvelles entreprises françaises dans cette catégorie d’ici 2027.

En partenariat avec les clubs ETI régionaux, les ambassadeurs de la stratégie sont allés à la rencontre des entreprises, ont identifié des priorités d’actions et des projets à soutenir. Cette première étape a abouti au lancement, le 21 novembre 2023 à l’Élysée, du programme ETIncelles, qui doit apporter un soutien concret et personnalisé à 500 PME à fort potentiel de croissance. Après une phase pilote entamée début 2023 avec 50 entreprises, le programme vient ainsi d’intégrer 50 nouvelles pépites et devrait en recevoir 50 de plus à l’été 2024.

« Cosmogen fait partie des sociétés à forte croissance invitées à rejoindre le programme ETIncelles et nous allons postuler pour la promotion de juin. Notre objectif est d’arriver aux 50 millions d’euros qui nous permettront d’accélérer nos investissements dans l’innovation et de mener à bien nos projets de relocalisation », explique Priscille Allais, CEO de l’entreprise spécialisée dans la conception d’applicateurs et de packaging haut de gamme pour produits cosmétiques, également vice-présidente du Club des ETI d’Île de France.

Le programme donne accès à un accompagnement personnalisé pour simplifier les relations avec l’administration et accélérer les projets. « C’est un véritable guichet unique, avec une personne dédiée à chaque entreprise qui se charge d’ouvrir les portes permettant de boucler des dossiers parfois complexes », poursuit la dirigeante de Cosmogen.

La taille compte pour les entreprises

Et l’enjeu est loin d’être symbolique car, pour une entreprise, atteindre une taille critique permet généralement de bénéficier des leviers d’action supplémentaires pour mieux répondre aux transformations de l’environnement économique et de la règlementation.

À ce titre, la filière cosmétique est en première ligne. Déjà solide, elle bénéficie d’un tissu dense, mêlant géants mondiaux, entreprises moyennes, PME et start-ups. Mais elle fait face à une solide concurrence internationale avec des concurrents dynamiques, en Corée, aux États-Unis, au Japon ou en Chine, et qui s’organisent de façon systémique pour renforcer leur compétitivité.

« Avec de grands donneurs d’ordre et un tissu de grands fournisseurs très performants, tant en matière de packaging que d’ingrédients, la cosmétique française, troisième exportateur national, rayonne dans le monde. Mais la transition environnementale et la transition digitale vont demander des investissements colossaux. Il faudra avoir une taille minimale pour franchir ces étapes », souligne François Luscan.

Pour la filière l’enjeu réside principalement dans la consolidation du tissu de fournisseurs. « Les marques ont bien sûr un rôle moteur essentiel dans l’industrie cosmétique française, mais le plus gros vivier d’ETI est au niveau des fournisseurs. C’est dans cet écosystème déjà riche, mais qui peut encore se renforcer considérablement, que l’on trouve le plus d’entreprises stratégiques qui ont un fort potentiel de croissance », explique Simon Dufeigneux, Directeur Affaires Publiques et Nouveaux Projets chez Sisley.

Pour les industriels, depuis la loi Dutreil de 2003 qui a facilité la création et la transmission des entreprises, plusieurs décisions ont permis d’aller dans le bon sens, notamment les efforts récents pour réduire les impôts de production, faciliter l’apprentissage, trouver des solutions pour permettre un accès à une énergie compétitive, et simplifier les textes.

Même si beaucoup reste encore à faire pour renforcer la compétitivité française par rapport à l’environnement européen, « il y a une vraie volonté de donner un coup d’accélérateur, de libérer le potentiel de croissance des entreprises, de lever les entraves administratives et de financement qui ralentissent trop souvent les projets. Nous avons un plan de croissance ambitieux et nous sommes enthousiastes à l’idée d’intégrer un programme d’accélération », ajoute Priscille Allais.

Il est temps en tout cas, estiment les industriels, de considérer la filière cosmétique comme un actif stratégique à même d’entraîner dans son dynamisme une grande partie du tissu économique français. C’est le sens de la mise en place, depuis 2020, d’un comité de filière cosmétique autour du ministre de l’Industrie. Le dernier s’est tenu le 17 novembre et a permis d’établir un plan d’action entre les pouvoirs publics et les acteurs de la filières sur des sujets stratégiques liés à l’export, à la gestion de l’eau ou encore au soutien par France 2030 aux efforts de décarbonation des entreprises de la filière « Quand on donne de la confiance et de la visibilité aux industriels, les résultats sont au rendez-vous », conclut Simon Dufeigneux.