Premium Beauty News - Pouvez-vous revenir sur la création de l’Observatoire Nivea ?

Anne Zavan - Nivea est un groupe qui mise beaucoup sur la recherche scientifique. En 2005, nous avons voulu associer à nos activités une réflexion en sciences humaines comme enjeux de société. Ce fut une initiative des équipes françaises, soutenue par la maison mère à Hambourg. Pour cela, nous avons demandé à Gilles Boëtsch, chercheur au CNRS et anthropologue de créer un comité d’experts pour étudier les cultures du corps et du paraître comme enjeux de société. Gilles Boëtsch s’est entouré de Georges Vigarello historien, de Nadine Pomarède dermatologue, de David Le Breton, professeur en sociologie et anthropologie et de Bernard Andrieu professeur en épistémologie et philosophie du corps.

C’est un comité scientifique indépendant de Nivea qui se rassemble quatre fois par an. Ils échangent sur leurs réflexions, leurs lectures récentes, leur travail prospectif d’analyse et d’anticipation du monde. À partir de cela, certains sujets font l’objet d’une publication : les Cahiers de l’Observatoire [1].

Nivea n’intervient pas, ou exceptionnellement, dans le choix de la thématique qui est définie par le comité d’experts. Une grande liberté est donnée. Sur les seize cahiers publiés en cinq ans, seulement deux proviennent d’une impulsion de la marque, à savoir un cahier sur la beauté globale et un sur le monde de la salle de bains. Les premiers cahiers ont porté sur l’observation plus particulière de la peau et depuis 2008, l’Observatoire Nivea a étendu son domaine de réflexion à la question du paraître dans la société. En effet, dans un monde où l’image du corps prend une place toujours plus importante dans la construction de l’identité, l’apparence devient un véritable enjeu de société.

Par ailleurs, l’Observatoire Nivea soutient la recherche académique en remettant le prix de l’Observatoire Nivea / CNRS récompensant deux chercheurs en sciences humaines et sociales. En 2011, les lauréats furent Fabienne Laval, doctorante en sciences du sport et Jean-Baptiste Eczet, doctorant en anthropologie sociale (11 lauréats au total depuis 5 ans). Leurs travaux portent sur la thématique de « la construction du paraître dans la société  ».

Premium Beauty News - À qui sont destinés vos cahiers, inspirent-ils vos lancements ?

Anne Zavan - Les cahiers étant rédigés en français, le public est francophone. Ce sont des journalistes, des leaders d’opinion, des scientifiques, des confrères, on reste en BtoB. La diffusion dans la version papier est restreinte puisque nous n’imprimons que 1 500 exemplaires mais il est possible de les télécharger gratuitement sur notre site internet (www.observatoirenivea.com).

Nos lancements ne sont pas inspirés directement par le contenu des cahiers mais par contre les réflexions transmises peuvent influencer un discours, le choix de la communication. C’est un éclairage sur ce qui se passe au niveau de la société et des actions sociétales. Ce sont des sources d’inspiration, une nourriture nécessaire, un moyen d’être en relation étroite avec l’évolution de la société.

Premium Beauty News - Le dernier cahier porte sur le corps dans 50 ans, il a fait l’objet d’un colloque scientifique lors de l’exposition « 2062, l’avenir du corps » à la Gaîté Lyrique, comment voyez-vous l’avenir du corps ?

Bernard Andrieu - Nous sommes à une conjonction forte où les avancées de la science notamment au niveau de la médecine régénérative, des techniques de communication, des exosquelettes font que le corps dans 50 ans sera bien différent de celui que l’on connaît. La surface du corps va servir de zone de communication où des implants pourront en temps réel interférer avec l’environnement, émettre des informations, stimuler des fonctions. Ce sera une immersion totale du corps à l’intérieur d’un réseau. Nous vivrons dans des environnements interactifs et les produits cosmétiques pourront communiquer avec des interfaces, la nouvelle cosmétique sera technologique. La peau sera complétée par son écran. Le corps et le monde ne seront plus séparés, d’autres corps vont se greffer à notre existence.

Dans les arts immersifs, ces aspects existent déjà et l’artiste Orlan [2] en est un exemple.